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02/27/2012
Gabriel Fauré : Ballade, opus 19 – Mazurka, opus 32 – Quatre Valses-Caprices, opus 30, 38, 59 et 62 – Neuf Préludes, opus 103
Jean-Claude Pennetier (piano)
Enregistré à la Ferme de Villefavard (janvier 2008) – 76’52
Mirare MIR072 (distribué par Harmonia mundi) – Notice en français anglais et allemand d’Adelaïde de Place





Gabriel Fauré : Thème et variations, opus 73 – Treize Barcarolles, opus 26, 41, 42, 44, 66, 70, 90, 96, 101, 104 n° 2, 105 n° 1 et n° 2, et 116
Giulio Biddau (piano)
Enregistré à Bourges (3-5 octobre 2011) – 80’05
Aparte AP026 (distribué par Harmonia mundi) – Notice en français, anglais et italien


Sélectionné par la rédaction





Le jeune pianiste italien Giulio Biddau (né en 1985) consacre son premier disque entièrement à Gabriel Fauré avec à son programme une partition de pleine maturité, l’imposant Thème et Variations de 1897, et les treize Barcarolles qui se sont échelonnées tout au long de la vie créatrice du compositeur. On apprécie d’emblée la programmation hardie mais équilibrée, la première oeuvre parmi les plus accomplies, la seule de son auteur dans le domaine de la grande forme pianistique, et les Barcarolles, aux lumières changeantes, enregistrées dans l’esprit recherché d’un cycle de vie.


On pense aussitôt à Jean-Claude Pennetier, pianiste français d’une autre génération, qui a entrepris une intégrale de l’oeuvre pour piano de Fauré, le premier volume paru en 2009, le deuxième en 2011, les deux autres, ardemment souhaités, encore à paraître. Si le deuxième volume reprend le début chronologique de l’intégrale, présentant uniquement les pièces de 1883 puis celles de 1885 – selon une approche très personnelle puisque, après la Romance sans paroles opus 17 (1883), passant d’une forme à une autre, Pennetier tresse intimement ensemble les trois premiers Impromptus, les trois premières Barcarolles et les cinq premiers Nocturnes – c’est le premier volume qui vient à l’esprit face au récital de Giulio Biddau. Il prend des allures d’introduction à l’intégrale à son terme car il touche aux trois périodes pianistiques du compositeur, la première partie groupant des oeuvres écrites en 1881 puis en 1885, la deuxième basculant de 1883 à 1894 suivant le cheminement des quatre Valses-Caprices et la troisième consacrée à une œuvre plus tardive, les 9 Préludes, opus 103, de 1909-1910.


Sous les doigts de Jean-Claude Pennetier, ce bel aperçu coule comme un fleuve au parcours lumineusement fantasque: sinueux, riant, vallonné ou escarpé. Admirable coloriste aux dynamiques sonores bien distribuées, prompt à s’animer mais toujours dans la nuance, le pianiste français révèle toute l’envergure de la Ballade et le caractère à la fois souriant et subtil des Valses-Caprices, la grâce salonnarde de la valse doublement transcendée par la belle rigueur d’une écriture respectée et l’esprit fantaisiste du genre «caprice». La fluidité et la précision de son style, son sens de la phrase fauréenne, les variations de toucher, les intensités toujours aussi subtilement développées viennent en appui à la belle intériorité du cycle des Préludes, neuf aphorismes aux climats raréfiés mais mobiles et intenses, les deuxième et huitième de soudains tourbillons, le yang du yin en parfaite complémentarité.


Le style de Giulio Biddau est tout à fait différent. Plus volontairement musclé, il révèle l’aspect plus fermement classique de l’écriture de Fauré, les divines évanescences envolées, l’inspiration intacte. Le choix du Thème et Variations est donc tout à fait approprié. Son toucher ferme mais sensible accuse la grave noblesse du Thème et dessine avec clarté les différentes strates, champs et contrechamps mouvementés ou calmes des onze Variations, la huitième d’une aisance simple et émouvante la dixième, un scherzo éblouissant. Si Jean-Marc Luisada fut son maître, c’est Aldo Ciccolini, son mentor, qui lui insuffla l’idée de mettre à son programme les treize Barcarolles, une gageure relevée avec conviction. Son interprétation élégante et maîtrisée, chopinienne dans la manière d’attaquer avec un léger retard les valeurs longues des premières Barcarolles (1883), se fait de plus en plus incandescente et tourmentée, plus schumannienne, peut-être, avant d’atteindre la mobilité plus apaisée des deux dernières, la Treizième (1921), d’une désarmante épure. Si sa lecture de Fauré, moins douce, moins irisée que celle de Pennetier, peut éventuellement surprendre, (ou ravir), elle reflète bien le «style souple et serré» du compositeur, tant apprécié de Reynaldo Hahn, les rythmes et le perlé des notes prêtant aux couleurs des nuances moins distillées, les voix secondaires d’une clarté absolue.


La prise de son est ample et claire chez Aparté, plus intime, parfois à la limite du feutré chez Mirare, mais dynamiquement bien déployée. Au-delà, les deux pianistes ont une idée précise des qualités de Gabriel Fauré qu’ils désirent faire entendre et en cela, pour chacun, la programmation est parfaite. Jankélévitch évoquait une musique «à la sonorité lumineuse et diaphane mais d’une fermeté transparente». La prestation de Jean-Claude Pennetier est en premier lieu l’illustration des premiers mots, celle de Giulio Biddau des derniers. L’auditeur peut être comblé…


Christine Labroche

 

 

 

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