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02/13/2012
«Le Roi flûtiste»
Carl Philipp Emanuel Bach : Concerto en la pour flûte, cordes et basse continue Wq 168/H 438 – Sonate en la mineur pour flûte Wq 132/H562 – Sonate en sol pour flûte et basse continue Wq 133/H564
Franz Benda : Concerto en mi mineur pour flûte, cordes et basse continue
Frédéric II de Prusse : Concerto n° 3 pour flûte, cordes et basse continue – Sonate en si mineur pour flûte et basse continue
Johann Joachim Quantz : Concerto en sol pour flûte, cordes et basse continue QV5 :174
Johann Sebastian Bach : Das musikalische Opfer, BWV 1079: Sonate en trio
Anne Amélie de Prusse : Sonate en fa pour flûte et basse continue
Johann Friedrich Agricola : Sonate en la pour flûte et basse continue

Emmanuel Pahud (flûte), Matthew Truscott (violon), Jonathan Manson (violoncelle), Kammerakademie Potsdam, Trevor Pinnock (direction)
Enregistré à la Jesus-Christus-Kirche de Berlin (9-13 juin 2011) – 146’25
Album de deux disques EMI Classics 50999 0 84220 2 6 – Notices trilingues (anglais, allemand et français) d’Emmanuel Pahud, Axel Brüggemann, Lindsay Kemp et Thomas Wolff





Un des portraits les plus célèbres de Frédéric II de Prusse (1712-1786), datant de 1852, est dû au pinceau d’Adolf von Menzel et représente le célèbre monarque en train de jouer de la flûte, accompagné par quelques autres musiciens. Même si cela fait partie des images d’Epinal attachées au grand souverain, la réalité est assez conforme à l’imaginaire: d’ailleurs, l’historien Jean-Paul Bled, auteur d’une récente biographie de Frédéric II (parue chez Fayard), lui consacre un chapitre entier intitulé «le roi musicien». Il rappelle ainsi que, en août 1730, après que son fils eut sans succès tenté de fuir la Prusse (et surtout souhaité s’éloigner d’un père ignorant de l’art et obsédé par la volonté d’inculquer à son fils une éducation militaire extrêmement rude), Frédéric-Guillaume Ier a puni le futur roi notamment en le privant de sa flûte. Jean-Paul Bled signale également que Frédéric II est l’auteur de plusieurs livrets d’opéras (fondés sur des personnages aussi célèbres que Sylla, Coriolan ou Montezuma), de six concertos et de plus de 120 sonates pour flûte réalisés avec le concours, il est vrai, de Quantz et de Benda.


Dans ce double disque, Emmanuel Pahud a choisi de rendre hommage à Frédéric II, qui était lui-même un très bon flûtiste. Cité par Jean-Paul Bled, le célèbre Burney, qui a assisté en personne à un concert au château de Sans-Souci où officiait Frédéric II, rapporte: «Le concert commença par un concerto pour flûte, dont le roi interpréta les solos avec une grande précision. Son embouchure était claire, son doigté brillant et son goût pur et sans artifice.» Avant d’en détailler le contenu (et sans nous arrêter aux photographies kitchissimes d’Emmanuel Pahud en habit d’époque...), signalons que, pour ce qui est en tout cas de la partie concertante, ce programme reprend en grande partie celui qui a été donné en janvier dernier par les mêmes artistes dans le cadre somptueux de la Galerie des Glaces du Château de Versailles, une des étapes de choix ayant accompagné la sortie promotionnelle de cet album de deux disques.


Même s’il n’a pas joui de la même estime que Quantz ou Graun, Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) a, un temps, été au service de Frédéric. Le premier concerto présenté ici est de sa main et témoigne des évidentes qualités de ce compositeur qui n’avait alors pourtant pas encore donné la pleine mesure de ses talents. La partition, classique, qui peut également être interprétée par un clavecin ou un violoncelle, ne pose aucune difficulté à Emmanuel Pahud qui joue avec une grande facilité une musique qui oscille entre le son agréable sans technique excessive et la noirceur d’un deuxième mouvement (Largo con sordini, mesto) pris de manière très théâtrale par Trevor Pinnock, grand spécialiste de ce répertoire. Très proche de Frédéric II, le Tchèque Franz Benda (1709-1786) a composé de nombreuses pièces pour flûte dont ce très beau Concerto en mi mineur qui frappe par l’urgence et la frénésie de son premier mouvement (Allegro con brio). Même si l’interprétation est superbe (là encore, quel mouvement lent!), on lui préfèrera peut-être la version superlative de Konrad Hünteler (chez MDG) accompagné certes par un orchestre moins virevoltant que la présente Académie de chambre de Potsdam. Curiosité, mais marque ô combien révélatrice de l’attachement de Frédéric II pour la musique, le troisième concerto présenté ici n’est autre qu’une œuvre de la propre main du souverain. Ce Troisième concerto pour flûte, cordes et basse continue sonne très agréablement à l’oreille et, même s’il ne reflète pas des talents inouïs, comporte quelques mélodies fort bien trouvées (notamment dans un beau troisième mouvement). Passant pour le plus grand flûtiste de son époque, Johann Joachim Quantz (1697-1773) a laissé un grand nombre de concertos pour flûte. Ce Concerto en sol est une très belle œuvre (les pizzicati des cordes dans le deuxième mouvement, dynamisant la pulsation en un seul instant), conclue par un Presto brillant où les parties de cordes sont plus étoffées que dans les concertos précédents, offrant ainsi un jeu du chat et de la souris avec la flûte de toute beauté.


Le second disque est plus spécifiquement dédié à la musique de chambre. Après la Sonate en trio de L’Offrande musicale de Johann Sebastian Bach (1685-1750), composée à la suite de la visite qu’il avait faite à Frédéric II au mois de mai 1747, très belle page où Emmanuel Pahud est rejoint par l’excellent claveciniste que Trevor Pinnock n’a jamais cessé d’être, on peut ainsi écouter diverses pièces dont certaines ne sont que peu enregistrées. Tel est évidemment le cas des sonates écrites respectivement par Frédéric II et par sa plus jeune sœur, Anne Amélie de Prusse (1723-1787): indéniablement, c’est la cadette qui avait le plus de talent! La Sonate en si mineur composée par le roi est fort agréable (notamment un premier mouvement fondé sur un beau rythme de sicilienne et un deuxième mouvement qui développe de très belles harmonies, au détriment, cela dit, d’une grande recherche technique) mais on reste assez stupéfait par la très belle Sonate en fa (1771). A un Adagio tout en rêverie (là encore, on soulignera la très belle partie de clavecin, toujours tenue par Pinnock) où le son de la flûte s’épanouit nonchalamment, succède un Allegretto d’une fraîcheur propre à évoquer un tableau de Fragonard ou de Boucher. Les deux sonates de Carl Philipp Emanuel Bach sont de tout autre facture. La Sonate en la mineur, sans aucun accompagnement, permet à la flûte (et, en l’occurrence, à Emmanuel Pahud) de faire montre de toutes ses potentialités techniques et mélodiques: le deuxième mouvement (Allegro) est à cet égard un modèle du genre. Enfin, Johann Friedrich Agricola (1720-1774), lui-même élève de Quantz, est ici représenté par une Sonate en la pour flûte et basse continue en quatre mouvements, composition aussi classique pour l’époque que n’importe quelle autre sonate de n’importe quel autre compositeur: l’ensemble n’en demeure pas moins divertissant, bénéficiant notamment d’une belle partie confiée au violoncelle.


Le site d’Emmanuel Pahud
Le site de Trevor Pinnock
Le site de la Kammerakademie de Potsdam


Sébastien Gauthier

 

 

 

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