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11/04/2011 «Fandango»
Joseph Haydn : Quatuors à cordes en fa majeur, opus 3 n° 5, Hob. III :17 «Serenade», et en sol mineur, opus 74 n° 3, Hob. III :74 «Reiterquartett»
Luigi Boccherini : Quintette en ré majeur pour guitare et cordes n° 4, G. 448 – Quintette à cordes en do majeur, opus 30 n° 6, G. 324 «La musica notturna delle strade di Madrid» (version pour guitare et quatuor à cordes)
Rolf Lislevand (guitare), Nina Corti (castagnettes), Quatuor Carmina: Matthias Enderle, Susanne Frank (violon), Wendy Champney (alto), Stephan Goerner (violoncelle)
Enregistré au château de San Polo de Rosso, (6-9 mars 2009) – 71’38
Sony Classical 88697 46117 2 – Notice trilingue (anglais, allemand, français) de Wendy Champney
La célèbre maxime «On ne prête qu’aux riches» pourrait être le fil conducteur de ce disque. En effet, la première œuvre au programme n’est autre que le célèbre quatuor en fa majeur de Joseph Haydn (1732-1809) «Sérénade», qui, aux dires de certains musicologues, serait en réalité le fruit de la plume d’un certain Roman Hoffstetter (1742-1815), compositeur plutôt connu pour sa musique religieuse. De même, à croire que c’est là son seul talent, Rolf Lislevand est une fois encore requis pour accompagner un quatuor à cordes dans le Quintette de Luigi Boccherini (1743-1805) d’où est issu, telle une œuvre à part entière, le célèbre Fandango.
Las... Voici deux interprétations sur lesquelles on passera rapidement: il y a tellement mieux ailleurs! Commençons par le «mal attribué» quatuor de Haydn: le style se veut enjoué mais le geste est raide, sans séduction aucune, et l’ennui présent dès la troisième mesure. La platitude avec laquelle est jouée ce pourtant si bel Andante cantabile énerve rapidement, d’autant que la version originale aurait suffi à notre bonheur: mais non, puisque les musiciens du Quatuor Carmina ont préféré «retranscrire le mouvement central de façon à intégrer la guitare en guise de touche finale»! Bref, on revient aux classiques Talich ou Amadeus qui, même s’ils souffrent parfois un certain manque d’imagination, nous épargnent au moins toute faute de goût. Il en va de même pour le Quatuor «Le Cavalier» dont on est sûr, cette fois-ci, qu’il est bien de la main de Haydn. Là aussi, quelle raideur, quel manque d’inspiration: les Amadeus ou les Aeolian, pour ne parler que de versions anciennes, ou le Quatuor Auryn (Tacet) sont heureusement de bien beaux recours à ce manque flagrant de musique.
L’impression est du même ordre pour Boccherini et pourtant, là aussi, quel chef-d’œuvre que cette transcription effectuée en 1798 à l’attention d’un noble espagnol, le marquis de Benavente, qui se fonde en vérité sur une œuvre qui datait de 1788. Le premier mouvement («Pastorale») est le plus réussi: délicatesse des sons, souplesse du jeu, émulation de l’ensemble, on se prend à rêver jusqu’à ce que l’Allegro maestoso nous tire de cette douce léthargie en raison principalement d’un violoncelle aigre au possible. Quant au mouvement le plus attendu, le Fandango, on est à mille lieues du miracle réalisé par Rolf Lislevand avec Jordi Savall (Alia Vox) ou, dans une moindre mesure peut-être, par Ophélie Gaillard et son ensemble Pulcinella, toujours avec Rolf Lislevand (voir ici). Les effets de manche sont trop nombreux, notamment dans les dernières mesures (où est le côté naturel de cette partition?), les castagnettes (très bien maniées par la talentueuse Nina Corti) sont trop présentes, les cordes ne s’emportent pas suffisamment... Encore une fois, allez chez Savall!
Le Quintette en do majeur, transcrit ici pour quatuor à cordes et guitare, est fort bien fait même si quelques sonorités sont plutôt malvenues. Pour autant, une question se pose: la version originelle ne se suffisait-elle pas à elle-même sans qu’il soit besoin d’en faire une transcription pour quatuor et guitare? Ainsi, si les interventions de Rolf Lislevand sont parfaitement adaptées dans les deuxième (Minuetto dei ciechi) et quatrième (Passa calle - Allegro vivo) mouvements, les quelques sons grattés qui interviennent dans le troisième (Il rosario), aux couleurs presque irlandaises, n’apportent pas de véritable plus-value à une musique qui, comme c’est souvent le cas, se suffit à elle-même sans qu’il soit nécessaire d’en rajouter.
Sébastien Gauthier
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