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10/30/2011
Olivier Messiaen : Turangalîla-Symphonie (1) – Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus (2) – Quatuor pour la fin du temps

Yvonne Loriod (1), Peter Serkin (2) (piano), Jeanne Loriod (ondes Martenot), Toronto Symphony Orchestra, Seiji Ozawa (direction), Ensemble Incanto: Ralph Manno (clarinette), Michaela Paetsch Neftel (violon), Guido Schiefen (violoncelle), Liese Kahn (piano)
Dates et lieux d’enregistrement (non précisés): Toronto (décembre 1967) [Symphonie], 1974 [Regards] et Bassum (19-22 juin 2000) [Quatuor] – 251’27
Coffret de quatre disques Sony 88697 486802





Olivier Messiaen : Turangalîla-Symphonie (1) – Les Offrandes oubliées (2) – Et exspecto resurrectionem mortuorum (2) – Chronochromie (3) – Eclairs sur l’Au-Delà (4) – Quatuor pour la fin du temps (5) – Thème et variations (5) – Le Merle noir (6) – Préludes (7) – Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus (8) – Visions de l’Amen (9) – Quatre Etudes de rythme [7] – Cantéyodjayâ (10) – Le Banquet céleste (11) – Diptyque (11) – Apparition de l’Eglise éternelle (11) – L’Ascension (11) – La Nativité du Seigneur (11) – La Nativité du Seigneur: «Dieu parmi nous» (12) – Livre du Saint Sacrement: «Prière après la Communion» (12) – Les Corps glorieux (13) – Messe de la Pentecôte (14) – Livre d’orgue (14) – La Mort du nombre (15) – Trois Mélodies (16) – Poèmes pour Mi (16) – Chant de la Terre et du Ciel (16) – Harawi (16) – Trois Petites Liturgies de la Présence Divine (17) – Cinq Rechants (18) – O sacrum convivium (18)
Michèle Command (16) (soprano), Ann Murray (15) (soprano), Philip Langridge (15) (ténor), Emmanuel Pahud (6) (flûte), Wolfgang Meyer (5) (clarinette), Christoph Poppen (5), Andrew Watkinson (15) (violon), Manuel Fischer-Dieskau (5) (violoncelle), Martha Argerich (9), Michel Béroff (1, 7, 8), Rolf Hind (17), Eric Le Sage (6), Yvonne Loriod (5), John Ogdon (10), Marie-Madeleine Petit (16), Alexandre Rabinovitch (9), Roger Vignoles (15) (piano), Jeanne Loriod (1), Cynthia Millar (17) (ondes Martenot), Naji Hakim (12), Olivier Messiaen (11, 13, 14) (orgue), London Sinfonietta Chorus (17), London Sinfonietta Voices (18), BBC Symphony Orchestra (3), Berliner Philharmoniker (4), London Symphony Orchestra (1), Orchestre de Paris (2), Serge Baudo (2), Antal Doráti (3), Terry Edwards (17, 18), André Previn (1), Simon Rattle (4) (direction)
Enregistré à Paris (15-22 [11], 27 [13] juin et 26 juillet [14] 1956 , 6 et 8 mars 1968 [2], septembre et octobre 1969 [8], décembre 1977 [16], mars et mai 1978 [7], 19-21 novembre 1990 [5] et 6 mars 1997 [12]), Londres (25 juillet 1972 [10], 11-13 juillet 1977 [1], 2-3 décembre 1989 [9], février [15] et août [17, 18] 1990 et 17-19 février 1997 [6]) et Berlin (17-19 juin 2004) [4] – 941’34
Coffret de quatorze disques EMI 50999 2 14766 2 8





Olivier Messiaen (1908-1992) a évidemment toute sa place dans la collection de onze coffrets «Un siècle en France - Splendeurs de la musique française du XXe siècle» éditée par Sony (voir ici), tous introduits par un texte de présentation (en français) de Jean-Jacques Velly intitulé «Elégance et modernité. La musique française du XXe siècle». Ce volume paraît toutefois moins ambitieux (et d’un minutage moins généreux) que certains autres précédemment chroniqués: alors que les anthologies consacrées à Saint-Saëns et à Ravel comprenaient cinq disques, il reste presque une demi-heure sur le quatrième disque et il faut se contenter de trois œuvres – certes de grandes dimensions – écrites dans un laps de temps très bref (1941-1948), avant que le compositeur ait atteint la quarantaine. Ce choix en dit certes long sur la capacité de Messiaen à produire des pages essentielles en quelques années seulement et à s’inscrire au répertoire avec une rare précocité mais renseigne aussi sur la prudence de l’éditeur, qui n’a pas souhaité s’intéresser à la suite de sa carrière, plus aventureuse dès les années 1950. Cela étant, comme le prix de ce coffret demeure très attractif, le néophyte y trouvera l’occasion d’accéder à un univers à la fois fascinant et reconnaissable entre tous.


La Turangalîla-Symphonie (1948) de Seiji Ozawa, publiée par RCA à la fin des années 1960 dans un album de deux 33-tours complété par November Steps de Takemitsu, appartient à l’histoire du disque. D’abord parce qu’elle peut se targuer d’une incontestable authenticité – l’épouse et la sœur du compositeur respectivement au piano et aux ondes Martenot, le futur créateur de Saint François d’Assise à la baguette – mais parce que malgré l’enregistrement de Maurice Le Roux six ans plus tôt avec les mêmes solistes (Vega réédité chez Accord), elle faisait figure de pionnière et fut la première à connaître une véritable diffusion internationale, à une époque où cette gigantesque partition faisait encore peur aux musiciens et au public. Près d’un demi-siècle plus tard, cette version conserve ses atouts, relativement lente, soucieuse de mesure et d’équilibre, jusque dans une prise de son très lisible (mais avec quelques raccords de montage un peu abrupts), plus convaincante dans la douceur («Jardin du sommeil d’amour») que dans l’élan («Finale»), dans le mystère («Turangalîla 1», «Turangalîla 3») que dans la frénésie («Joie du sang des étoiles»).


Quand il s’agit de références dans les Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus (1944), on pense d’abord plutôt à Michel Béroff (EMI) ou à Roger Muraro (Accord, également en disque vidéo), mais parue au milieu des années 1970 (chez RCA), celle de Peter Serkin offre des aperçus différents de cet immense cycle: une vision raffinée, posée et planante à la fois (un peu plus de deux heures), peut-être un peu froide, où l’on entend tout ce qui a pu influencer quelqu’un comme George Crumb. Sorti il y a une dizaine d’années chez Arte Nova, le Quatuor pour la fin du temps (1940) de l’Ensemble Incanto se confronte à une très riche discographie et ne retient pas autant l’attention: ici aussi, les interprètes prennent leur temps, en particulier parce que le clarinettiste Ralph Manno ose un «Abîme des oiseaux» très étiré, et la prise de son souffre d’une assez forte réverbération.


Réalisée pour le bicentenaire de la naissance du compositeur, l’anthologie EMI, avec ses quatorze disques, peut prétendre à d’autres visées: elle y parvient sans peine, de façon heureusement plus satisfaisante que la syntaxe de la «quatrième de couverture» («les œuvres majeures de ce compositeur français parmi les plus bien-aimées dans le monde»). Soigneusement présenté, ce parcours est accompagné d’une excellente notice de Roger Nichols (en anglais et en français), suivant la chronologie de l’œuvre de Messiaen, et réussit le tour de force de ne paraître souffrir d’aucune lacune majeure. On peut toujours évidemment regretter l’absence de certaines œuvres – le Catalogue d’oiseaux, l’une ou l’autre des pièces concertantes pour piano (Le Réveil des oiseaux, Oiseaux exotiques, Sept Haïkaï, Couleurs de la Cité céleste) ou bien Des canyons aux étoiles, mais depuis Le Banquet céleste (1928) jusqu’aux ultimes Eclairs sur l’Au-Delà (1992), tous les genres – symphonique, piano, orgue, voix – sont abordés et l’essentiel.


On y retrouve d’ailleurs la totalité de la sélection opérée par Sony dans sa brève anthologie: Michel Béroff n’a pas encore vingt ans quand il enregistre les Vingt Regards, plus rapide que Serkin, particulièrement dans certaines pièces («Le Baiser de l’Enfant-Jésus»), mais surtout avec davantage de corps, de caractère et d’intransigeance. Il offre par ailleurs les subtils Huit Préludes (1929) et, dans un registre radicalement opposé, les fort rares Quatre Etudes de rythme (1950), dont on parle très souvent – notamment le mythique «Mode de valeurs et d’intensités» – mais qu’on ne joue presque jamais.


Pour les deux autres œuvres en compétition avec le coffret Sony, EMI aurait pu se contenter de reprendre le couplage de la Turangalîla-Symphonie de Simon Rattle avec le Quatuor pour la fin du temps par les musiciens réunis autour du piano d’Aloys Kontarsky. Mais au sein du catalogue d’une remarquable richesse, c’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir deux autres l’une plus ancienne (1977) de la Turangalîla et une plus récente (1990) du Quatuor. La Turangalîla d’André Previn, très différente de celle d’Ozawa, dix ans après (mais sans que quelque autre version soit parue entre-temps), est la plus suave et poétique qui soit, mais aussi la plus bariolée, revendiquant avec brio le caractère hollywoodien parfois reproché à la partition. Illustrée par une belle prise de son mettant volontiers en relief les détails, elle ne se hâte pas, au point de manquer ici ou là un peu de nerf, comme au début de l’Introduction, dans «Chant d’amour 2» ou dans le Final, mais réserve un «Turangalîla 3» particulièrement envoûtant, tout en étant traversée par de soudaines fulgurances, soutenues par le piano toujours fougueux et rigoureux de Béroff. Pour ce qui est du Quatuor, la version EMI apparaît instrumentalement plus satisfaisante, à commencer par la clarinette de Wolfgang Meyer (le frère aîné de Sabine), mais également plus colorée, sans doute aussi en raison d’une prise de son plus soignée. En outre, son engagement est plus palpable, témoignant de plus de caractère et même d’humour («Intermède»).


La dizaine d’autres disques est dominée par les quatre regroupant les principaux recueils et pièces d’orgue, interprétés par Messiaen lui-même en 1956 en son église de la Trinité (en mono): même si d’autres ont ensuite illustré, dans de meilleures conditions techniques, ces pages entrées au répertoire de l’instrument, ces interprétations doivent évidemment figurer dans la discothèque de base. Dans une partie un peu négligée de son catalogue, le timbre de Michèle Command n’est pas toujours séduisant, mais sa diction exacte et ses qualités techniques rendent justice aux principaux recueils pour soprano et piano, célèbres – Poèmes pour Mi (1936) – ou non – Trois Mélodies (1930), Chants de terre et de ciel (1938) et le monumental (une heure!) Harawi (1945).


Et le reste n’est pas à négliger, tant s’en faut: Serge Baudo dans Et exspecto ressurrectionem mortuorum (1964), dont il donna la première, ainsi que dans Les Offrandes oubliées (1930); Antal Doráti dans une version tout sauf académique de Chronochromie (1960); Simon Rattle mettant son Philharmonique de Berlin au service des Eclairs sur l’Au-Delà; Martha Argerich et Alexandre Rabinovitch dynamisant joyeusement les Visions de l’Amen (1943).


Proposé à un prix tout à fait exceptionnel, cet ensemble constitue donc à la fois une pertinente introduction pour ceux qui auraient tout, ou presque, à découvrir chez Messiaen, et, pour les autres, une invitation à approfondir leur connaissance de sa musique.


Simon Corley

 

 

 

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