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09/02/2011 Jörg Widmann : Messe – Fünf Bruchstück – Elegie
Jörg Widmann (clarinette), Heinz Holliger (piano), Deutsche Radio Philarmonie, Christoph Poppen (direction)
Enregistré au Congresshalle (Messe) et au SR Studio 1 (Elegie) de Sarrebruck (juin et juillet 2008) et à la Salle Klaus von Bismarck de Cologne (mai 2009) – 67’59
ECM 476 3309 (distribué par Universal) – Notice en anglais et allemand
Non, ce n’est pas une erreur: Heinz Holliger, grande figure de la musique contemporaine et immense hautboïste est bien pianiste sur ce disque consacré aux dernières créations de Jörg Widmann, jeune compositeur allemand né en 1973. Il y démontre une nouvelle fois son insatiable curiosité et son souci de soutenir et d’accompagner les jeunes créateurs mais sa participation reste somme toute modeste. Il n’en est pas de même du compositeur lui-même qui interprète avec son instrument de prédilection, la clarinette, ses Cinq Pièces et sonElégie.
S’agissant des compositions, le disque-portrait peut laisser, lors des premières écoutes, une impression mitigée. La pièce principale, la Messe pour grand orchestre (2005), commande du Munich Philharmonia, sans voix comme la Sinfonia da requiem (1940) de Benjamin Britten ou le Requiem (1991-1993) de Hans Werner Henze, paraît débuter comme du Arvo Pärt, semblant hésiter entre la musique de film à gros effets et une vision néosulpicienne du format musical classique qu’est la messe. De larges plages sonores font ainsi intervenir des contrebasses qui noient tout dans une sorte de magma sonore terrifiant, quelques clochettes tintinnabulantes donnant la tonalité mystique à l’ensemble, notamment dans l’Introitus et le Contrapunctus IV final. Après quatre ou cinq écoutes, l’impression change heureusement. On a alors affaire certes à une œuvre marquée par les maîtres du passé et non exempte d’effets faciles mais signée par un artiste doté d’une singulière science de l’écriture musicale. Les effets de masse disparaissent en fait rapidement pour laisser place à une œuvre plus intimiste, plus recueillie, qu’il n’y paraît. Au fond, notamment dans le Kyrie, qui occupe plus de la moitié de la durée totale de la Messe, il s’agit d’un choral sans orgue. Des chromatismes construits avec des quarts de ton y sont fréquemment utilisés et donnent une tonalité curieuse à l’ouvrage. L’Antiphon est aussi royal et imposant que le Crucifixus est sinistre et désespérant et que le Et resurrexit, qui rappelle le Credo, paraît une lente remontée des limbes.
Les Cinq Pièces méritent aussi d’être écoutées avec attention. Le piano y est préparé (avec des boîtes de CD), les cordes y sont frappées directement ou frottées, mais c’est surtout le jeu de la clarinette qui se révèle impressionnant, l’interprète opérant des jeux de clefs particulièrement virtuoses, des glissandos étonnants et d’étranges soufflements par le pavillon de son instrument. Dans l’Elégie, on retrouve des quarts de ton. Il s’agit cette fois d’une longue lamentation à la clarinette, au milieu de laquelle on reconnaît un passage du Wozzeck d’Alban Berg. Y sourd une sorte d’inquiétude diffuse particulièrement subtile.
Au total, le disque s’écoute donc finalement avec intérêt même si l’on reste plus admiratif de la virtuosité du clarinettiste que de l’originalité de l’écriture des pièces qui y sont interprétées.
Le site de Jörg Widmann
Stéphane Guy
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