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09/02/2011
Lucien Guérinel: Vingt-quatre Préludes pour Nolde – Le Déjeuner de soleil – Shitao
Elizabeth Grard (soprano), Marie-Paule Milone (mezzo), Bénédicte Debilly (récitante), Eric Lacrouts (violon), Nathalie Negro (piano), Jean-Yves Sébillotte (célesta), Laurent Fraiche, Michel Gastaud, Damien Petitjean, Didier Vérité (percussion), Jérôme Decque (pupitre de diffusion), Orchestre national de France, Fabien Gabel (direction)
Enregistré en public à Marseille (12 avril 1997 [Préludes]) et à Paris (24 novembre 2004 [Le Déjeuner]) et en studio à Paris (21 octobre 2004 [Shitao]) – 68’05
Intégral INT 221 237 (distribué par Intégral)
Loin des feux de l’actualité, Lucien Guérinel (né en 1930) continue de tracer son chemin: une discrétion qui est sans doute dans sa nature et à laquelle l’exercice d’une autre profession et l’éloignement de la capitale, à Marseille puis en Bourgogne, ont également contribué. Mais l’une des raisons en est aussi qu’il se range parmi ces «indépendants» qui se défient des chapelles de toute obédience, à l’image de ceux qui l’ont influencé, André Jouve et Louis Saguer, ses maîtres, et Henri Dutilleux. On ne sera donc pas surpris que sa discographie demeure modeste: même si Lyrinx et, déjà, Intégral lui ont déjà rendu hommage, la présente parution est donc opportune. Eclairée par une notice bienvenue (en français, anglais et allemand) de Jean-Charles Hoffelé et du compositeur ainsi que par la reproduction des textes chantés et parlés (également traduits), elle constitue une belle introduction à cet univers secret.
Présentant trois œuvres dans l’ordre chronologique, elle donne l’une des clefs pour y accéder, à savoir la prédilection de Guérinel pour les correspondances entre les arts. Associant ainsi image, verbe et, bien sûr, musique, les Vingt-quatre Préludes pour Nolde (1991) consistent en autant de brèves pièces (une à trois minutes) enchaînées, portant chacune le titre d’un tableau du peintre allemand. Le compositeur se dit sensible à la nature intimidante ou hostile («vastes épousailles telluriques») qu’il voit – ou qu’il entend – chez Nolde, lequel estimait quant à lui qu’un tableau doit représenter «la sonorité de l’existence». Voix planante et envoûtante de la récitante, sonorités un peu datées de la bande magnétique, ligne de chant expressive et grands intervalles, poésie un peu précieuse – tout contribue à une atmosphère aussi uniforme que prenante.
C’est de nouveau la peinture qui inspire Le Déjeuner de soleil (2003), du nom du tableau éponyme de Leonor Fini (1908-1996), à propos de laquelle Guérinel, songeant peut-être aussi à l’insuffisante reconnaissance dans laquelle il demeure relégué, écrit «Etranges inconstances que celles d’un monde connaisseur qui fait les destins, ou les défait. […] Mais la fatigue prend le monde qui, il est vrai, est surmené.» Destiné à une formation pour le moins originale – violon, célesta et percussion (quatre exécutants) – ce quart d’heure d’un seul tenant offre un riche écho aux propos d’Yves Bonnefoy sur l’artiste française d’origine italienne, tels que rapportés par le compositeur: «le monde de la vision, mais aussi celui de la sensation, le labyrinthe de l’infini et la plage de l’absolu».
La forme aphoristique de Shitao (2004) tient à ce que ce cycle de mélodies résulte d’une commande de Radio France pour l’émission «Alla breve» de France Musique, diffusée en cinq courtes plages quotidiennes. Guérinel met en musique six poèmes du poète et peintre chinois (1642-1718) dans une traduction de François Cheng: si l’écriture vocale, magnifiquement servie par la mezzo Marie-Paule Milone, ne paraît pas sensiblement différente de celle des Préludes, c’est ici l’orchestrateur rend aussi justice à l’infinie délicatesse de ces textes nostalgiques et résignés qui disent la beauté du monde et la fugacité de l’existence.
Le site de Lucien Guérinel
Le site d’Elizabeth Grard
Le site de Leonor Fini
Simon Corley
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