Back
08/19/2011 Sir Arnold Bax : Elegiac Trio
Sir Edward Elgar : Chanson de nuit, opus 15 n° 1 – Chanson de matin, opus 15 n° 2
William Mathias : Zodiac Trio
Jonathan Lloyd : Songs from the Other Shore: 3. «Like Fallen Angels» Marcos Fregnani-Martins (flûte), Pierre-Henri Xuereb (alto), Rachel Talitman (harpe)
Date et lieu d’enregistrement non précisés – 42’17
Harp & Company CD-5050-26 (distribué par Intégral) – Notice en anglais, français (très approximatif) et japonais
Après un «Hommage à Debussy», Rachel Talitman et Pierre-Henri Xuereb se retrouvent de nouveau, cette fois avec le flûtiste Marcos Fregnani-Martins, pour un deuxième récital pour flûte, alto et harpe, celui-ci consacré à la musique de chambre britannique. Un siècle sépare les œuvres élues, la première de 1889, la dernière de 1986, mais la plupart du temps proches d’une tradition tonale, si elles prêtent une certaine cohérence au programme, elles ne sont pas un reflet exact de l’aventure plus accidentée de la musique d’outre-Manche entre les deux dates.
Ecrites à l’origine en 1889 pour violon et piano et orchestrées dès 1901, les deux miniatures d’Edward Elgar ont connu de nombreux arrangements pour diverses formations. Agréables et à la portée d’amateurs d’un bon niveau, ces pièces mineures furent bien accueillies dès leur publication en 1897 et 1899, cela en partie grâce à leurs thèmes mélodiques épanouis, si naturels et tout à fait typiques du génie particulier du compositeur. Chanson de nuit est peut-être la plus travaillée des deux mais le thème principal de Chanson de matin, plus simple et chantant à souhait, en a assuré le succès durable. La version pour flûte, alto et harpe est pour deux voix principales avec accompagnement. La flûte et l’alto, bien soutenus par la harpe, filent tour à tour le thème, la voix secondaire en harmonie ou en contrepoint dans un tissage simple mais tout à fait plaisant. Les deux partitions semblent ne poser aucun problème aux trois instrumentistes expérimentés qui s’adaptent tout aussi facilement aux traits à répétition de la pièce de Jonathan Lloyd (né en 1948). Ludique et par moments plus aventureux, alliage syncopé d’accents classiques et populaires, l’alto de Xavier Xuereb sonnant à l’occasion comme un fiddle de violoneux, «Like Fallen Angels» (1986) est le troisième des quatre volets de Songs from the Other Shore pour ensemble à géométrie variable.
Pendant les heures sombres de la Première Guerre mondiale, l’humeur était à l’élégie mais c’est à la suite du soulèvement de Pâques de 1916 en Irlande, au cours duquel certains de ses amis ont trouvé la mort, qu’Arnold Bax composa son Elegiac Trio. Les trois instruments de la musique traditionnelle irlandaise – la harpe celtique, la flûte traversière en bois et le fiddle – trouvent leur équivalent classique, le dernier représenté par un alto plus élégiaque. Par ses choix harmoniques, Bax y exprime son attachement à l’Irlande et, par la nature même des motifs mélodiques – partagés, ornés et soutenus dans un parfait équilibre entre les trois instruments souvent en contrepoint – il transmet sa nostalgie d’un passé révolu dans un climat de profond regret. Les trois musiciens, expressifs, privilégient la douceur du propos à l’aspect plus acéré, la précision de leurs attaques les préservant du piège d’un impressionnisme nébuleux.
Bien qu’elle ne soit pas la plus ambitieuse de son auteur, la composition la plus développée et la plus finement élaborée de ce disque est sans aucun doute le Zodiac Trio (1976) de William Mathias (1934-1992). Les trois portraits de ses amis – les membres du Trio Robles à qui l’oeuvre est dédiée – deviennent les trois mouvements d’une sonate classique (vif-lent-vif) qui portent chacun un titre qui désigne la personne évoquée non pas par son nom mais par le signe du zodiaque qui lui correspond. Bien que «Pisces» (Allegro vivo) soit fantasque et d’une fluidité aux éclats d’argent, il faut sûrement oublier l’élément aquatique pour ressentir la présence de l’ami tant le deuxième mouvement «Aries» (Andante), contemplatif et grave, ne tient en rien du bélier, tant le troisième, «Taurus» (Allegro alla danza), radieusement allègre, crée une impression tout le contraire de la puissance massive de l’animal. Les trois esquisses, colorées et éloquentes telles les Variations «Enigma» d’Elgar, se situent dans un domaine musical toujours à ancrage tonal mais nettement plus avancé comme en témoignent la richesse harmonique, la recherche timbrale et les techniques de jeu raffinées (surtout lors de «Pisces»). Mathias accorde une égale importance à chacun des trois instruments, les lignes thématiques en contrepoint passant souvent de l’un à l’autre à l’exception du beau thème douloureusement mélodique d’«Aries» tout à l’alto. Le compositeur gallois, encore trop peu connu en France, apporte un nouvel éclairage au répertoire pour flûte, alto et harpe et l’interprétation, enthousiaste et d’une musicalité accomplie, lui en rend grâce.
L’ensemble du programme, bien mis en valeur ici, ne manque certainement pas de charme et la musique de William Mathias en général mérite l’attention que son Trio si bien défendu peut lui attirer. Toutefois, le minutage de ce disque laisse vraiment à désirer... La musique de chambre britannique (titre accordé à l’album) ne manque pas d’œuvres pour les trois instruments (ou pour deux d’entre eux, voire un seul), qui auraient pu y être jointes. On peut regretter en particulier l’inventive Sonata after Syrinx (1985) de Richard Rodney Bennett, hommage double et direct à Claude Debussy à qui l’on pense sans faille quand il s’agit de cette formation particulière.
Christine Labroche
|