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01/01/2000
Johann Sebastian Bach, Passion selon Saint Matthieu
Ian Bostridge (évangéliste), Franz-Josef Selig (Jésus), Sibylla Rubens (soprano), Andreas Scholl (alto), Werner Güra (ténor), Dietrich Henschel (basse)
Schola Cantorum Cantate Domino, Choeur et orchestre du Collegium Vocale de Gent, Philippe Herreweghe (direction)
Harmonia Mundi, 3 CD et CD Rom PC (Lorcom Multimedia).
Il y a une dizaine d’années on repoussait les frontières de l’interprétation en se tournant vers une philologie musicale plus rigoureuse. Les instruments anciens, les voix d’enfants apportaient de nouvelles couleurs, des mouvements de l’âme inconnus en même temps qu’une nouvelle musique. Des rythmes inédits étaient explorés. Nous en sommes maintenant à l’âge où la deuxième génération " baroque " réenregistre les monuments de leur jeunesse. Et cette fois-ci ce sont les frontières du support – après le cd audio – qui sont repoussées. Dans un très beau coffret (le design est toujours très soigné et élégant chez Harmonia Mundi) présente ce grand chef d’oeuvre de Bach magistralement étudié par Hans Blumenberg (édition L’Arche) sous deux aspects : le nouvel enregistrement (1998) d’Herreweghe en même temps qu’un Cd rom très complet et ingénieux en français, anglais ou allemand. C’est à travers une présentation esthétique, une maquette très élégante et pédagogique dans le meilleur sens du terme que l’on découvre toutes les dimensions de cette Passion de Bach. C’est sans doute la meilleure introduction à cette oeuvre complexe qui soit. Elle se découpe en sept parties. La vie du compositeur, tout d’abord, est bien visualisée par une chronologie, des cartes géographiques et des représentations des villes où il a vécu, des églises et des orgues qu’il a fréquenté. A travers une grande diversité de documents sont mis en parallèle les styles musicaux correspondants aux contextes. Ce panorama associe à ce parcours des extraits d’oeuvres.
C’est ensuite une histoire de la passion qui nous est proposée en détaillant la dimension théologique trop souvent occultée dans les analyses musicologiques, la tradition des Passions (extraits de Lassus et Bach) et les différentes typologies existantes (passion répons, passion motet, passion dramatique, passion cantate, passion oratorio, passion liturgique). De belles gravures de l’époque accompagnent ces aspects, liés au contexte social, politique et géographique. Sont également abordés la place des différents styles musicaux dans le culte de Pâques, le problème des effectifs, des sources, du lieu d’exécution et de la réception.
Une troisième partie particulièrement remarquable examine le texte de la Passion et sa composition. Des graphiques très explicites analysent en parallèle le texte biblique et le découpage de la musique. Un classement généalogique accompagné de commentaires philologiques et historiques très éclairants, détaille l’évolution spirituelle, les ajouts de Picander au texte et la répartition du texte évangélique selon les formes musicales. Un fabuleux tableau de Memling sert de table des matières.
C’est ensuite le projet musical en lui-même qui retient l’attention : rhétorique de la composition des airs, origine, traitement et disposition des chorals, les différents personnages et leur récit. Une écoute avec libretto (accompagné d’un index pratique et rapide) parachève cette exploration. Vous pouvez poursuivre par une visite au coeur de l’oeuvre : on se retrouve aux commandes d’un orgue avec incipit de la partition, paroles et traduction, répartitions instrumentales et analyses musicales et littéraires complètes de chaque numéro.
Cette visité interactive se termine par plusieurs interviews de Philippe Herreweghe sur les différents aspects de son enregistrement, de ses ensembles, de sa carrière, et de l’histoire du mouvement baroque.
En bref, c’est ce qui se fait de mieux dans ce genre de produit. D’autant que vous retrouverez la beauté des timbres instrumentaux, les choeurs bien préparés du Collegium Vocale, la superbe vocale de Bostridge et Scholl dans une version excellente de cette grande oeuvre, très différente du premier enregistrement.
Frédéric Gabriel
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