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05/29/2011
William Walton : Belshazzar’s Feast – Symphonie n° 1 en si bémol mineur

Peter Coleman-Wright (baryton), London Symphony Chorus, London Symphony Orchestra, Sir Colin Davis (direction)
Enregistré en public au Barbican Centre, Londres (23 septembre et 4 décembre 2005 [Symphonie], 28 et 30 septembre 2008 [Belshazzar’s Feast]) – 80’19
LSO Live SACD LSO00681 (distribué par Harmonia mundi) – Notice en anglais, français et allemand de Lewis Foreman, avec le texte intégral de la cantate en anglais





Si en Europe continentale la renommée de Sir William Walton reste toujours relativement confidentielle, grâce au divertissement Façade (1921), Façade, Suite n°1 (1926) et à son Concerto pour alto (1928-1929), outre-Manche le jeune Walton (1903-1983) avait tôt acquis une solide réputation de compositeur doué, provocateur et original. Les années 1930 devaient révéler un musicien d’envergure.


Les deux œuvres majeures présentées ici datent respectivement de 1931 et 1931-1935. La puissante cantate Belshazzar’s Feast répondait à une commande de la BBC pour le Festival triennal de Leeds. Tout laissait espérer la création d’une œuvre prodigieuse. La tradition chorale du nord de l’Angleterre était (et est encore) solidement arrimée. Walton savait le Requiem de Berlioz au programme du Festival et osa profiter des importantes forces orchestrales en jeu pour sa propre composition. L’inspiration venait du récit biblique de la chute de Babylone et le texte proposé, dramatique, ramassé et haut en couleurs, convint tout à fait au tempérament et aux aspirations du jeune compositeur qui mit en valeur avec force cet habile montage poétique d’extraits du «Livre de Daniel» et des psaumes 81 et 137 que l’on doit au poète Sir Osbert Sitwell.


Tour à tour féroce, extravertie, intense et douloureuse, la partition se prête à trois stratégies interprétatives différentes. Andrew Litton et Sir David Willcocks l’abordent avec une certaine hauteur de vue comme un oratorio destiné à l’église. Toutefois, en trois parties distinctes chacune subdivisée en trois, elle tient la promesse d’une symphonie chorale, ce qui était en partie la conclusion de Walton lui-même et de Sir Adrian Boult, incandescent en 1953. Le traitement musical, expressif voire expressionniste, permet une dramatisation, presqu’une théâtralisation de ce récit âpre et à vif. Cette dernière option était celle de la version d’André Previn en 1972, barbare et séductrice, de la version en taille de diamant de Sir Simon Rattle, de celle de Paul Daniel, peut-être, et de celle de Sir Colin Davis aujourd’hui.


Le Festin de Balthazar fait appel à un chœur – parfois divisé ou double – à un baryton a capella ou soliste et à un effectif orchestral impressionnant comprenant en plus de la formation habituelle une clarinette en mi bémol, un saxophone alto, deux harpes, piano et orgue, et exigeant la présence de cinq percussionnistes et de deux groupes de sept cuivres de part et d’autre de l’orchestre. La technique super-audio semble tout désignée dans ce cas et effectivement, un matériel compatible permet d’accéder à la spatialisation multi-canal si appréciable ici et de compenser l’acoustique assez sec du Barbican en y gagnant l’ampleur et la chaleur qui manquent en lecture normale.


Sir Colin Davis dirige avec verve, tirant un maximum d’effets des percussionnistes. Il réussit pleinement la pompe elgarienne qui précède les ordres du roi Balthazar et les fanfares qui saluent les faux dieux de Babylone, accentuant volontiers les passages chaloupés en particulier lors de l’étonnant «Praise ye». Si les silences que Walton prévoyait habités n’ont pas toujours la saisissante force dramatique souhaitée, les rythmes marqués aux arêtes vives et aux changements abrupts sont pleinement mis en valeur. La qualité de la voix au large vibrato du baryton Peter Coleman-Wright, proche du ténor, peut convenir à cette version qui théâtralise la cantate lorsqu’il s’agit de la fragilité initiale du peuple juif mais le baryton plus sombre, voire le baryton-basse, d’autres versions confère une richesse et une solennité qui donnent le poids et l’autorité nécessaires à l’équilibre musical. La dureté harmonique des douze premières mesures pose quelques problèmes d’ampleur et d’aplomb au chœur d’hommes mais en général le Chœur symphonique de Londres s’adapte aux multiples changements de climats, si déchirants et amers lorsqu’ils chantent au nom des exilés juifs (désignés par de chaleureux «we» («nous») dans le texte), si ironiques et suaves pour souligner l’arrogance et la foi barbare de la foule babylonienne (les distances prises par de dédaigneux «they» (« ils»). Ils ne déçoivent pas lors de l’hymne de joie triomphal «Then sing aloud» du finale, si difficile à réussir.


La Première Symphonie, plus attendue malgré son originalité, pose moins de problèmes aux interprètes et aux ingénieurs du son. Il en existe de nombreuses versions au cœur desquelles celle de Davis trouve une place honorable. Comme lors de la cantate, les musiciens de l’Orchestre symphonique de Londres, concentrés et alertes, semblent en parfaite symbiose avec lui, convaincus par la beauté surprenante de ces deux œuvres si chères au public britannique. Leur entente semble atteindre un sommet lors du deuxième mouvement aux rythmes heurtés, un scherzo Presto, con malizia que l’on ose trouver bien dans les cordes de Sir Colin, mais ce serait oublier l’adresse avec laquelle ils abordent la mélancolie douloureuse et la respiration lyrique du troisième mouvement ou, plus encore, le souffle phénoménal de la péroraison finale.


La symphonie suffit pour encourager le mélomane encore à la découverte vers ce programme généreux (80’19) et peut-être au-delà vers la Seconde Symphonie de 1960 qui reste dans l’ombre de la première alors que sa forme stricte, son élan romantique, son énergie et ses évanescences îliennes et méditerranéennes tout à fait savoureuses suffisent largement pour la mettre au même niveau sinon au-dessus. L’étonnante cantate Le Festin de Balthazar, que l’on peut penser méconnue en France, reste cependant l’œuvre à connaître ou à retrouver d’urgence. C’est impressionnant.


Christine Labroche

 

 

 

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