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04/28/2011
Salvatore Sciarrino : Variazioni – Allegoria della notte – Frammento e Adagio – Morte di Borromini – I fuochi oltre la ragione – Recitativo oscuro – Il suono e il tacere – Shadow of sound
Francesco Dillon (violoncelle), Mario Caroli (flûte), Moni Ovadia (récitant), Daniele Pollini (piano), Orchestra Sinfonica della RAI, Tito Ceccherini (direction)
Enregistré au Studio de la RAI, Turin (octobre 2006) – 168’
3CD Kairos 0012802KAI (distribué par DistrArt)





Objet paradoxal que ce volumineux coffret de 3 CD bien remplis dédié à une musique de l’infiniment minuscule, voire de l’instant impalpable qui passe : la disproportion est réelle, problème de perspective au demeurant essentiel dans la production de Sciarrino. Rien dans cette musique ne se laisse appréhender immédiatement et après cinq minutes d'immersion dans l’étrange on peut soit être tenté d’en rester là soit d’aller observer d’emblée ce qu’il en est dix minutes plus tard dans le morceau a écouter, histoire de savoir si la situation a vraiment évolué ou non…


C’est là le principal biais d’une documentation de Sciarrino au disque : l’écoute dans son salon n’oblige à aucun enfermement. Or par essence une telle musique semble plutôt destinée à un auditeur prisonnier au milieu d’une rangée de public, condamné à attendre la fin de la pièce et donc à s’y immerger faute d’échappatoire. Dans ce cas, peut-être, il sera plus facile de s’acclimater dans cet univers particulier. D’autant plus que cette infra-musique comporte tout un aspect visuel, insolite disproportion entre l’ampleur de l’appareil instrumental convoqué et le caractère allusif voire impalpable de ce que l’on entend, élément esthétique capital mais forcément absent au disque.


Voilà pour les réserves. Reste à souligner l’intrinsèque séduction du travail instrumental requis par Sciarrino, défi relevé impeccablement ici par la virtuosité des interprètes voire des preneurs de son. A n’importe quel moment de l’écoute ce qui est proposé est beau, intéressant selon des critères de jugement autant plastiques que strictement sonores, tant ce que l’on entend ressort davantage d’un travail sur les matières et les textures que véritablement d’un discours musical structuré. Reste qu’il paraît presque impossible à un auditeur moderne de ne pas « zapper » au bout de quelques minutes. Mais c’est sans doute autour de cette problématique de l’insupportable que cette musique s’amuse aussi, avec une perversité éventuellement constructive.


Personnellement, on avoue avoir diversement triomphé de l’épreuve, au cours de ces pièces souvent longues. Les Variazioni pour violoncelle et orchestre (1974) procèdent par constants flux et reflux de micro-battements, où l’on peine le plus souvent à discerner une partie soliste. Les couleurs métalliques discrètement changeantes sont de belle facture et l’effet hypnotique à long terme garanti. Allegoria della notte pour violon et orchestre rappelle certaines constructions de Berio où l’on perçoit des bribes d’une partition musicale célèbre tantôt émerger tantôt disparaître au sein d’une structure complexe. Ici c’est le Concerto pour violon de Mendelssohn qui est convoqué, pour un résultat qui nous paraît davantage artificiel qu’inspiré, avec cependant de fluides moments d’immobilisme centraux, typiques de Sciarrino. Frammento et Adagio pour flûte et orchestre cultivent toutes sortes de beaux bruits aériques obtenus à l’aide d’une flûte probablement amplifiée (il ne saurait en aucun cas être question, évidemment, de souffler vraiment dans l’instrument…). On passe au mélodrame Morte di Borromini, plutôt fastidieux en dépit de la diction italienne soignée du récitant. A mesure que l’on progresse ensuite dans des partitions de plus en plus proches de nous dans le temps le style paraît s’uniformiser, avec une parenthèse pour Recitativo oscuro, concerto pour piano d’un style plus franc quand le soliste est autorisé à s’exprimer, de larges plages d’éviction de l’instrument nous rappelant quand même que le compositeur le trouve probablement trop encombrant. Armature assez belle pour Il suono e il tacere longue pièce d’orchestre parcourue d’ostinati graves, qui se dissout dans le cliquetis horloger d’alliages instrumentaux bizarres. Et enfin un titre évocateur, Shadow of sound, qui annonce à lui seul tout un programme pour la dernière pièce du coffret (2005), un peu trop longue, dont l’intérêt finit par se diluer dans ses jeux d’ombre trop systématiques. Interprétations toujours d’un raffinement extrême, sous la direction de Tito Ceccherini, grand spécialiste de Sciarrino.


Somme toute un coffret agaçant mais utile, voire envoûtant parfois, bien à l’image d’un compositeur auquel ces divers qualificatifs peuvent s’appliquer aussi, sans grand risque de se tromper.


Laurent Barthel

 

 

 

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