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04/10/2011
John Dowland : Can she excuse my wrongs (*) – Come away, come sweet love (*) – Sir John Smith, His Almain – Sorrow, stay (*) – Burst forth, my tears (*) – Galliard to Lachrimae – Flow, my tears (*) – A shepherd in a shade (*) – Away with these self-loving lads (*) – Say, Love, if ever thou didst find (*) – Fine knacks for ladies (*) – Awake, sweet love (*) – I saw my lady weep (*) – Mr Dowland’s midnight – Dear, if you change (*) – Now, oh now I needs must part (*) – Come, heavy sleep (*)
Philip Rosseter : What then is love but mourning (*)
Robert Johnson : Almayn
Anonyme : The Eglantine Branch – The Gilly Flower

Damien Guillon (contre-ténor) (*), Eric Bellocq (luth)
Enregistré en l’Eglise évangélique allemande, Paris (3-7 mai 2009) – 68’29
Zig-Zag Territoires ZZT110102 (distribué par Outhere) – Notice de présentation en français et en anglais de Jean-Luc Tamby, texte intégral des poèmes en anglais avec la traduction en français





Pour leur premier récital ensemble, Damien Guillon et Eric Bellocq se tournent vers l’époque élisabéthaine à l’apogée de la lute song qui semble si bien convenir à leur sensibilité et à la qualité particulière de leur collaboration. L’essentiel de la sélection vient des trois Bookes of Songes or Ayres de John Dowland, les airs adroitement répartis pour créer un programme raffiné, équilibré entre larmes, mélancolie et sourires doux ou amers.


John Dowland (1563?-1626) compose selon le mode des consort songs de sa jeunesse – une ligne soliste élevée avec accompagnement polyphonique – auquel il apporte des techniques et approches apprises sur le continent sans jamais aller jusqu’à la monodie naissante. Luthiste accompli, ses nombreuses compositions pour luth ou violes révèlent un attachement aux cordes qui peut déterminer certains choix harmoniques et rythmiques du tissu polyphonique et influencer jusqu’au caractère de la ligne vocale mais ses ayres au luth bénéficient pleinement de son génie mélodique. L’air du temps était à la mélancolie et à l’introspection que le compositeur épousait par sa nature même, par sa pensée humaniste et par sa réaction aux événements de sa vie mouvementée comme en témoignent la pièce instrumentale Semper Dowland, semper dolens et la teneur, souvent à la première personne, des poèmes élus qu’il mettait en musique. Il propose des versions alternatives à trois, quatre ou cinq parties pour ses quatre-vingt-huit Songes and Ayres mais l’intensité expressive est telle que ne peut que la sublimer l’intimité de la voix soliste avec un seul accompagnement au luth. L’expressivité de Dowland alliée à la richesse de son écriture place certains de ses ayres parmi les plus belles mélodies de la langue anglaise toutes époques confondues.


Devant les multiples choix interprétatifs qu’offre ce magnifique ensemble, Janet Baker, Frederica von Stade, Paul Agnew ou Hugues Cuénod, par exemple, optent pour une prestation plus démonstrative ou extravertie, peut-être en la pensant mieux adaptée aux grandes salles de concert, alors que Barbara Bonney, Emma Kirkby, ou Anne Sofie von Otter recherchent le climat plus intime que semblent retrouver d’emblée les contre-ténors – Damien Guillon, James Bowman, Alfred Deller, suprême, ou encore Andreas Scholl qui privilégie néanmoins l’expression dramatique. En effet, la spécificité d’une voix de contre-ténor apporte un poids nécessaire sans alourdir les élans mélodiques et sa couleur avantage la modalité en demi-teinte de ces chants délicats.


La voix de Damien Guillon au timbre peu vibré, régulier sur toute sa tessiture, les éclaire avec grâce. Sa sensibilité, jamais dans l’excès, prête un relief doucement arrondi au texte et lors des reprises prévues par Dowland il joue avec adresse entre les effets d’écho et la subtile dramatisation des émotions. Les interprètes anglophones ont l’avantage d’une accentuation naturelle de la phrase poétique tout en sachant l’adapter aux lois de la prosodie respectées par le compositeur. Alfred Deller y excelle. Sa diction est excellente et sa sensibilité aiguisée par la beauté du langage poétique de ce seizième siècle la transmet à la perfection. Le travail de Damien Guillon dans ce sens est tout à fait respectable et sa voix moins charnue et l’intelligence de son approche musicale prêtent une douceur propre à la mélancolie, à la plastique du phrasé et aux longues tenues de notes qu’il maîtrise avec art. Son interprétation de Sorrow, stay tant affligé ou du plus piquant Say, love est tout particulièrement fine.


Les deux musiciens accentuent le huis clos de leur sélection avec une discrétion introspective, élégante et de bon aloi, mise en valeur par le caractère chambriste d’une prise de son qui reste claire – parfois un peu aiguë – sans chercher l’ampleur et la profondeur de champ qu’offre le volume des salles spacieuses. Le compositeur laisse des phrases entières au luth en introduction, en conclusion ou en prolongation de certaines phrases porteuses de sens et ouvre la voie à une libre ornementation. Le bon équilibre entre les deux voix se révèle d’autant plus essentiel et Eric Bellocq le trouve grâce au choix du récent liuto forte aux cordes simples – plus sonore que le luth classique et plus subtil que les doubles cordes de l’archiluth ancien. Six brèves pièces pour luth seul, poétiques ou chagrines, se glissent en interlude aisé parmi les différents airs, groupés ici selon leur climat sombre ou plus tendrement lumineux. Les rythmes raffinés de Dowland s’animent sous les doigts du luthiste français grâce à son agilité et à son sens du phrasé. Il ornemente discrètement et avec goût et se fait l’écho des sentiments avec une belle fluidité.


Le programme comporte certains des airs célèbres de Dowland – du premier Booke, par exemple, le douloureux Come, heavy sleep, Awake, sweet love et Can she excuse, si gracieux, et la belle simplicité de Now, oh now I needs must part. Du deuxième, viennent le bouleversant Flow my tears, adapté de Lachrimae, Sorrow, sorrow stay, que Guillon sert si bien, et, en contraste, le seul air qui n’engage pas la profondeur des sentiments, Fine knacks for ladies, qui table sur le charme enjôleur d’un colporteur de colifichets que le contre-ténor français anime d’une grâce mutine. La sélection de Damien Guillon et d’Eric Bellocq garde néanmoins toute son originalité et leur prestation dans son ensemble fait naître l’espoir que les deux musiciens se tourneront bientôt de nouveau vers Dowland ou vers un autre musicien et poète de ces très riches années de la fin de la Renaissance anglaise.


Le site de Damien Guillon
Le site d’Eric Bellocq


Christine Labroche

 

 

 

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