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03/09/2011 Mauricio Kagel : Match für drei Spieler – General Bass – Siegfriedp’ – Unguis incarnatus est – For us: happy birthday to you! – Magic Flutes – Motetten
Ensemble NOMOS
Enregistré au Théâtre Dunois, Paris (décembre 2009 et mai 2010), au Centre de formation des enseignants de la musique et de la danse de Rueil-Malmaison (mars 2010) et au Conservatoire de Saint-Maur (juillet 2010) – 65’06
Hérisson LH06 (distribué par Codaex) – Notice en français et anglais
S’il n’est pas sûr que le nom de Mauricio Kagel (1931-2008) restera, il fait encore passer de bons moments aux auditeurs (un peu curieux) de ses compositions dont on sent pourtant qu’il faudrait voir les interprètes et leur gestuelle pour en sentir pleinement tout l’humour, le décalage grinçant et le caractère authentiquement spectaculaire. S’arrêter à leur aspect provocant et à leur dérision conduirait néanmoins à quelque méprise car le bonhomme, Argentin pétri de culture allemande, ne manque pas de métier et d’originalité, son œuvre extraordinairement abondante et variée en témoignant avec éclat. C’est justement son assimilation de la musique du passé, souvent traduite par le titre de ses pièces lui-même, qui lui permet de s’en écarter, ostensiblement et avec ironie. La musique de Kagel est en effet bourrée de références. Elle veut démontrer que la modernité est finalement un concept sans signification historique.
Le présent disque, le sixième d’une série numérotée de disques consacrés jusqu’à présent et successivement à Jean-Marie Leclair, Carl Philipp Emanuel Bach, Telemann, Domenico Scarlatti et Zelenka, dont on peine à saisir le projet unitaire, retient des pièces écrites par Kagel entre 1964 et 2004, sur quarante ans de carrière, et mettant en avant, de façon passionnante, le violoncelle. Elles sont interprétées par l’ensemble français NOMOS, né en 2005 sous l’impulsion du violoncelliste Christophe Roy, directeur artistique des enregistrements figurant sur le disque. Il s’agit essentiellement de musique de chambre, seules les deux dernières pièces étant dirigées par Michel Pozmanter. La première, Match für drei Spieler, débute ainsi comme une partie de tennis, prêtant à sourire, mais la complexité, agrémentée par des cymbales chinoises, des castagnettes imitant des claquements de dents et un Olé ! faisant curieusement penser à de Falla contraint par Diaghilev à faire couleur locale, finit par recouvrer le matériau sonore de base.
Avec For us: happy birthday to you! (1987), c’est un peu l’inverse. Ses compendieuses variations pour quatre violoncelles sont en tout cas grinçantes à souhait. Si General Bass (1972), assez chlorotique, est l’œuvre la moins intéressante du recueil, Siegfriedp’ (1971) pour violoncelle est une pièce assez élaborée où le violoncelliste est amené à plusieurs reprises à commenter par ses soupirs et ses ébahissements tonitruants une sorte de balade assez enivrante. Unguis incarnatus est (1972) pour piano et violoncelle est ensuite une superbe paraphrase de Nuages gris de Franz Liszt. Le pianiste y frappe la caisse de résonance et surtout la pédale forte et en assombrit à l’excès le propos tout en prolongeant l’œuvre lisztienne. Magic Flutes (2004) qui suit est un bref canon arrangé pour douze violoncelles tandis que Motetten (2004), dont la première française a été assurée par l’Ensemble NOMOS, est un octuor de facture assez classique, tantôt debussyste tantôt bartokienne, parsemé de mélodies étrangement chantantes et encombrées de trémolos mystérieux ou de pizzicatos débringués qui sont autant de trouvailles sonores. Les instrumentistes semblent prendre plaisir à ces joutes de cordes et la pièce achève finalement de la meilleure façon cet album réalisé avec beaucoup de soin et qui ne peut à l’évidence laisser indifférent tant la réflexion sur la musique du passé y est constamment stimulante. Le compositeur exprime, notamment par un «Chapeau!», par anticipation, en français, sa satisfaction à l’issue des étonnants derniers accords en do mineur repris après un long silence suivant Motetten mais résultant en fait d’un précédent enregistrement réalisé en présence du compositeur. On n’est pas loin de penser la même chose tant la musicalité des interprètes est une évidence.
Le site de l’ensemble NOMOS
Stéphane Guy
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