About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

03/06/2011
Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14 (transcription Franz Liszt)
Franz Liszt : Années de pèlerinage (Première année: Suisse): Chapelle de Guillaume Tell – Au bord d’une source – Vallée d’Obermann

Roger Muraro (piano)
Enregistré à la MC2 de Grenoble (27 septembre-1er octobre 2010) – 77’01
Decca 4764176 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français et anglais





Continuant de célébrer le bicentenaire de la naissance de Franz Liszt (1811-1886), le label Decca – qui vient de rééditer l’intégrale par France Clidat des œuvres pianistiques hors transcriptions – propose un disque qui pourrait s’imposer comme un «coup» dans l’année Liszt 2011. Roger Muraro (né en 1959) – un pianiste aux multiples facettes qu’on est toutefois plus accoutumé à entendre dans le répertoire du XXe siècle (lire ici et ici) – enregistre, en effet, la monumentale transcription de 1834 de la Symphonie fantastique (1830) d’Hector Berlioz (1803-1869). Une pièce exaltant le romantisme chimérique, que le pianiste français a déjà interprétée en concert (lire ici), ConcertoNet ayant alors rendu hommage à cet «immense challenge to bring to life all Berlioz’s envisaged musical effects by merely ten fingers, especially when the piece was composed for a massive orchestra with more than a hundred players».


Comme l’explique l’interprète dans la vidéo de présentation de l’album, il s’agit bien là d’une œuvre «délirante», «passionnante», «ultra-difficile»... Et si le piano de Roger Muraro est probablement anguleux à l’excès pour insuffler suffisamment de chaleur à cette folie musicale – ici restituée de manière parfois acidulée –, il parvient à dominer une partition himalayenne et par nature insatisfaisante. Malgré toutes les astuces lisztiennes, le piano seul offre rarement le même foisonnement que l’orchestre berliozien, manquant d’impact dans les passages les plus méditatifs («Rêveries. Passions»), entamant une danse bien solitaire dans «Un bal». Mais la plus belle femme du monde ne pouvant donner que ce qu’elle a, c’est énoncer une évidence que de dire qu’il n’existe pas beaucoup d’autres manières de restituer la couleur du cor anglais et du hautbois ouvrant la «Scène aux champs»... que de faire jouer un cor anglais et un hautbois! Autrement dit, la transcription de Liszt doit être prise comme une œuvre pour le piano – une «partition de piano» comme le mentionne précisément la notice (... une notice où, soit dit en passant, on s’incline devant le sens de la synthèse de Michel Le Naour qui, en dix petites colonnes, dit tout de la forme comme du fond, du contexte comme du texte). D’autant que les deux derniers mouvements sont probablement ceux où s’expriment le mieux le génie du transcripteur, les registres graves sonnant particulièrement justes dans la «Marche au supplice» et le recours à un maximum d’effets pianistiques faisant du «Songe d’une nuit de Sabbat» une recréation pianistique devant autant au génie lisztien qu’à celui de Berlioz.


Cette rêverie utopique s’insère, dans l’album, au milieu d’extraits de la Première année de pèlerinage (1855), dont Roger Muraro propose une vision glacée et objective: une lecture d’hiver en connexion avec les montagnes suisses... Ainsi l’eau paraît-elle couler sur une paroi bien gelée dans «Au bord d’une source», la sonorité rugueuse perdant en fluidité ce qu’elle gagne en relief. La «Chapelle de Guillaume Tell» profite, en revanche, du tranchant et de la sobriété d’un geste qui rehausse les vertus narratives de ce piano sachant maîtriser le temps comme le timbre. On pourra rester hermétique à l’auguste lenteur de «Vallée d’Obermann» – qui ne s’anime souvent qu’avec une certaine pesanteur –, à ces silences de granit qui n’exploitent pas les résonances, à ces nuances économes mais sans affectation. On y est, pour notre part, assez sensible en ce qu’ils paraissent exalter le mystère de la solitude davantage que la chaleur du partage. La seule véritable frustration que suscite cette parution – au minutage pourtant généreux – est, en définitive, de ne pas nous offrir l’intégralité de la Première année de pèlerinage. L’occasion peut-être d’un prochain disque pour Roger Muraro...


Le site de Roger Muraro


Gilles d’Heyres

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com