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03/03/2011
Ludwig van Beethoven : Les neuf Symphonies

Sinéad Mulhern (soprano), Carolin Masur (mezzo-soprano), Dominik Wortig (ténor), Konstantin Wolff (basse), Chœur de chambre Les Eléments, Joël Suhubiette (chef de chœur), La Chambre philharmonique, Emmanuel Krivine (direction)
Enregistré en concert à Grenoble (2 et 3 juin [Neuvième], 11 et 12 décembre [Première, Troisième, Quatrième, Cinquième] 2009), 18 et 19 mai 2010 [Deuxième, Sixième, Septième, Huitième]), à Vichy (5 juin 2009 [Neuvième]), à Paris (6 juin 2009 [Neuvième]) et à Caen (17 et 18 décembre 2009 [Première, Troisième, Quatrième, Cinquième]) – 330’
Coffret de cinq disques Naïve V 5258 – Notice bilingue (français et anglais) d’Emmanuel Krivine et Elisabeth Brisson





L’interprétation des Symphonies de Ludwig van Beethoven (1770-1827) s’est considérablement renouvelée au fil du temps. Après le «coup de tonnerre» de Nikolaus Harnoncourt donné il y a maintenant (déjà...) vingt ans avec l’Orchestre de chambre d’Europe, les tenants du style baroque se sont engouffrés dans la brèche et on a ainsi pu apprécier les intégrales de haut niveau données par Christopher Hogwood dirigeant sa chère Academy of Ancient Music (L’Oiseau-Lyre), Jos van Immerseel à la tête de son ensemble Anima Eterna (Zig-Zag Territoires) ou celle, un peu plus inégale, de Philippe Herreweghe avec l’Orchestre philharmonique royal des Flandres (PentaTone). Quant aux chefs «traditionnels», pour faire simple, ils se sont séparés en deux lignes, certains adoptant en partie ce renouvellement grâce à des effectifs allégés, une ligne mélodique plus abrupte et un moindre recours au vibrato (c’est par exemple le cas de Claudio Abbado), d’autres préférant en rester à la grande tradition germanique, quitte à en exagérer les caractéristiques et, parfois, les travers (c’est naturellement le cas de Christian Thielemann dont le récent cycle à la tête de l’Orchestre philharmonique de Vienne a fortement déçu (voir ici, ici, ici et ici).


Voici donc venu le tour d’Emmanuel Krivine de se jeter dans l’arène et de livrer à son tour sa vision des Symphonies du maître de Bonn à la tête de son orchestre, La Chambre philharmonique. Ayant vu le jour en en 2004, il rassemble, à l’image d’autres phalanges, des musiciens issus d’orchestres préexistants et qui se retrouvent pour avoir l’opportunité de faire de la musique ensemble. On a ainsi le plaisir (et la chance) de croiser notamment les noms d’Antoine Dreyfuss (cor solo de l’Orchestre philharmonique de Radio France), David Guerrier (cor solo de l’Orchestre national de France), Georges Barthel et Nicola Boud (respectivement flûtiste et clarinettiste solo du Cercle de l’Harmonie) ou Jean-Philippe Thiébaut (hautboïste solo de l’orchestre des Musiciens du Louvre). Avant d’en venir à l’analyse, signalons que l’ensemble des Symphonies, dont on connaissait déjà la Neuvième (qui avait précédemment fait l’objet d’une publication séparée), sont ici enregistrées en concert, certaines étant même le fruit de plusieurs prestations en public ce qui est d’ailleurs parfois de nature à nuire à l’unité de l’interprétation.


Commençons par les bonnes nouvelles apport »es par ce coffret: certaines symphonies sont, dans leur globalité du moins, d’incontestables réussites. Les Première, Troisième et Quatrième offrent de très beaux moments. Krivine, respectant systématiquement les reprises dans toutes les Symphonies, offre une belle respiration au discours qui, effectif allégé aidant, bénéficie en outre d’une très grande clarté. On admirera tour à tour la dextérité des cordes dans le Finale de la Quatrième compte tenu de l’allure à laquelle le mouvement est pris, les formidables échanges entre bois et cordes dans le premier mouvement de la Première où l’auditeur est emporté de bout en bout, et l’Allegro con brio de la Troisième même si le son des cordes n’est pas des plus heureux à la fin du mouvement. Autre atout de ces interprétations: la qualité globale des musiciens qui, bien que venant d’horizons fort divers, jouent véritablement ensemble. Dirigés avec fougue par Emmanuel Krivine, les instrumentistes séduisent en plus d’une occasion mais, et c’est là que le bât blesse, peuvent également se voir adresser de nombreux reproches.


Certes, les cordes en boyaux, les timbales en peau, les bois à la facture ancienne contribuent à assécher le discours mais, en plus d’une occasion, quel manque de séduction et quelle laideur dans le son! Qu’il s’agisse des flûtes (dans l’Adagio de la Quatrième ou le premier mouvement de la Deuxième), des hautbois (dans le premier mouvement de la Première ou l’Allegro molto de la Deuxième), des clarinettes (dans le premier mouvement de la Cinquième ou l’Allegretto conclusif de la Pastorale), les bois souffrent trop fréquemment de timbres extrêmement acides comme on avait déjà pu le remarquer en concert, perdant en richesse et en opulence par rapport aux instruments de facture moderne ce qu’ils ne gagnent pas pour autant en termes d’authenticité. Les cuivres se montrent globalement à la hauteur des attentes, les cors offrant par exemple de splendides moments comme dans le début du Vivace de la Septième. Quant aux cordes, force est de constater que celles-ci ne sont pas davantage exemptes de reproches: le manque d’ampleur (qui s’avère véritablement problématique dans l’Allegro con brio de la Cinquième ou dans la Marche funèbre de l’Héroïque) se double d’évidents problèmes de justesse qui étonnent à plusieurs reprises, la prise de son en concert ne pouvant servir de justifications à ces trop nombreuses anicroches (qu’on écoute ces glissandi du plus mauvais effet dans le premier mouvement de la Septième ou leurs interventions dans le pourtant si bel Allegro vivace e con brio de la Huitième).


Mais, si l’on doit rendre à César ce qui lui revient, c’est surtout à Emmanuel Krivine que certains reproches peuvent finalement être adressés puisque c’est du chef que dépendent tout de même l’équilibre général entre pupitres et la vision générale de chaque symphonie. Or, justement, de quelle vision s’agit-il? Le chef français s’en explique dans la notice du coffret, insistant sur le fait que leur «intégrale Beethoven ne se veut pas une interprétation authentique mais une authentique interprétation», fondée en cela sur le fait qu’ils ont «compilé les éditions critiques, étudié toutes les sources pour mieux [s’]en libérer». Si l’interprétation souhaitée par Krivine peut tout à fait passer en concert, elle résiste moins bien à l’écoute du disque. A plusieurs reprises, le discours s’avère trop précipité et trop brutal, les fins de phrases n’étant (volontairement ou non) pas tenues, le chef semblant penser comme certains de ses confrères que jouer vite signifie jouer sinon «baroque», en tout cas «moderne». Le Scherzo de la Deuxième, le fameux Allegretto de la Septième ou, surtout peut-être, le premier mouvement de la Neuvième sont assez illustratifs de cette tendance étonnante. Etonnante car, en maintes occasions, c’est au contraire la lourdeur ou le manque d’élan qui frappent l’oreille: l’orage de la Pastorale, les deux derniers mouvements de la Cinquième (qui, pourtant, ne demandent qu’à exploser) ou le dernier mouvement de la Septième (qui souffre en outre de variations de nuances assez surprenantes) sont ainsi fort décevants. Ecoutez également l’Adagio e molto cantabile de la Neuvième, sommet de lyrisme et d’apaisement s’il en est: las, celui-ci est ici mené tambour battant en à peine douze minutes, enlevant ainsi à la partition son charme (soulignons néanmoins les très belles interventions de la clarinette de Nicola Boud) autant que sa force. Terminons par quelques mots sur les chanteurs requis pour cette dernière symphonie: même si le quatuor s’avère globalement de bonne tenue, ce sont surtout les voix masculines qui méritent d’être saluées, la soprano Sinéad Mulhern souffrant par exemple d’une voix trop aigrelette. Quant au chœur Les Eléments, très bien préparé par Joël Suhubiette, il s’insère parfaitement dans l’atmosphère voulue par Emmanuel Krivine, là encore un rien trop empressé.


Aussi, même si l’entreprise est courageuse et doit être saluée, car enregistrer aujourd’hui les neuf Symphonies de Beethoven (fût-ce en public) fait véritablement figure de défi compte tenu de la concurrence existante, force est de constater que cette nouvelle intégrale souffre de trop nombreux inconvénients pour s’imposer face aux versions laissées par Harnoncourt ou Gardiner, sans parler des versions «classiques» universellement connues. L’intégrale de ces Symphonies que La Chambre philharmonique doit donner au mois d’avril 2011 à la Cité de la musique permettra à coup sûr à chacun de se faire son opinion et, qui sait, de réviser ses jugements...


Le site de La Chambre philharmonique
Le site de Sinéad Mulhern
Le site de Dominik Wortig
Le site du chœur Les Eléments


Sébastien Gauthier

 

 

 

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