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02/25/2011 Jennifer Higdon : Concerto pour violon
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Concerto pour violon, opus 35 Hilary Hahn (violon)
Royal Liverpool Philharmonic Orchestra, Vasily Petrenko (direction)
Enregistré au Philharmonic Hall de Liverpool (novembre 2008 [Tchaïkovski] et mai 2009) – 68’16
Deutsche Grammophon 477 8777 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
Grosse déception à l’écoute du nouveau disque de Hilary Hahn qui enregistre un Concerto (1878) de Tchaïkovski dont on se demande bien ce qu’il apporte à une discographie saturée. Alors que la violoniste américaine (née en 1979) avait, en concert, laissé un souvenir fort dans cette œuvre, elle semble chercher ses repères dans l’Allegro moderato de cette gravure trop lisse et comme sans élan, une lecture qui laisse totalement froid et collectionne les moments d’ennui: un comble dans une telle œuvre! On relève même quelques ralentis douteux de la part d’une violoniste qu’on ne croyait pas capable de se laisser aller à la tentation hédoniste (... mais qui semble parfois «s’écouter jouer» de sa longueur d’archet). La technique demeure évidemment exceptionnelle, mais il s’avère difficile de «rattraper» une impression défavorable dans une partition dont le premier mouvement occupe plus de la moitié du temps. La Canzonetta est pourtant fort bien polie, avec cette sûreté d’archet qu’on connaît à Hilary Hahn depuis le formidable enregistrement de Bach (Sony) qui l’a révélée. La soliste est également à la fête dans le Finale, où elle fait montre d’une remarquable vivacité et d’une vélocité jamais rêche. En éminent interprète de Chostakovitch, Vasily Petrenko tend toutefois à l’excès le fil de son accompagnement, qui manque pour le coup de respiration et de fêlure romantiques dans cet Allegro vivacissimo un peu trop costaud. Rien de nouveau, en somme, sous le soleil Opus 35 des Oïstrakh, Heifetz, Milstein, Kogan, Menuhin...
«On peut se demander pour quelle raison j’ai voulu présenter le Concerto de Jennifer Higdon avec celui de Tchaïkovski. Pour moi, la réponse est plutôt simple. Je pense que ces concertos grandioses et pleins de profondeur, qui me ramènent tous deux à mes études au Curtis Institute, s’éclairent l’un l’autre»... Si la violoniste ne nous aide pas beaucoup à comprendre les motifs artistiques du couplage de ce disque, on comprend en revanche, à l’écoute du Concerto pour violon (2008) de Jennifer Higdon (née en 1962), pourquoi un «Prix Pulitzer» fut attribué à cette œuvre dédiée à Hilary Hahn et dont il s’agit du tout premier enregistrement. La technique de composition de l’Américaine est très efficace, parvenant dans le premier mouvement – 1726 – à construire un beau quart d’heure de dialogue entre des partenaires attentifs les uns aux autres (la réalisation instrumentale est, de bout en bout, irréprochable). Mais le style paraît résulter d’une virtuose addition de styles (patchwork qui évoque par moments le Prokofiev de la Troisième symphonie comme l’atmosphère des grandes partitions de la musique américaine – Ives et Barber, en particulier) plus que de la création d’un langage original et attachant. Ainsi a-t-on réécouté à six reprises le deuxième mouvement – Chaconni – sans jamais parvenir à en trouver la clef ni même à éprouver un sentiment d’adhésion ou de rejet. Dans la notice, Lynne S. Mazza nous apprend pourtant qu’il «constitue le cœur lyrique du concerto (…) où Jennifer Higdon explore le registre grave du violon solo comme une formidable source de douceur et d’intimité». De même, le dernier mouvement – Fly Forward – possède une rythmique brillante et virtuose mais sonne bien creux. Alors, cette partition – qui s’écoute agréablement – est-elle une réussite? Bien qu’on en doute, on peut inviter le lecteur à se forger sa propre réponse, sinon en achetant ce disque, du moins en parcourant le site de l’album.
Le site de Hilary Hahn
Le site de Jennifer Higdon
Gilles d’Heyres
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