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02/22/2011
Johann Sebastian Bach : Fantaisie et Fugue pour orgue en sol mineur, BWV 542 – Suite pour clavecin en sol mineur, BWV 822 (arrangements de Tedi Papavrami)
Béla Bartók : Sonate pour violon seul, Sz. 117

Tedi Papavrami (violon)
Enregistré à La Chaux-de-Fonds (14-15 juin 2008 [Bartók] et 4-6 juillet 2010) – 55’18
aeon AECD 1101 (distribué par Outhere) – Notice en anglais et français





Tedi Papavrami est décidément un violoniste original. Albanais né en 1971, il s’installe jeune en France, en épouse la langue et devient traducteur d’Ismail Kadaré. Il poursuit ensuite sa formation puis sa carrière de violoniste, seul ou au sein du Quatuor Schumann, ainsi qu’une carrière d’acteur. Le disque qu’il nous propose ici est assez déroutant et complète ce rapide portrait en y ajoutant des talents de transcripteur déjà annoncé par un disque consacré à des sonates de Domenico Scarlatti transcrites pour le violon. En effet, il y interprète au violon une célèbre pièce pour orgue de Johann Sebastian Bach (1685-1750), la Fantaisie et Fugue BWV 542, et la Suite pour clavecin BWV 822 également arrangées pour son instrument. Il n’y a là rien de choquant tant l’exercice, fréquent à l’époque du Cantor, a pu s’appliquer à nombre de ses œuvres. Mais le fait qu’il s’agisse, pour la Fantaisie et Fugue, à l’origine, d’une double pièce conçue pour quatre membres, supérieurs et inférieurs, constitue indéniablement un tour de force. Le résultat est étonnant: l’on reconnaît et l’on est pourtant désarçonné. C’est surtout vrai pour la Fantaisie initiale: elle manque singulièrement de la fluidité et de la puissance de la version originale pour orgue; le résultat apparaît résolument moderne mais aussi heurté et sans solution de continuité avec la Fugue qui suit. Le traitement de la Fugue, à l’écriture plus serrée, pâtit moins du traitement mais l’on peine à saisir, par-delà l’incontestable performance, l’intérêt de la réduction polyphonique. Dans la Suite BWV 822, la distance avec la pièce originale est moins importante et l’on imagine sans peine le ferraillement des cordes pincées de celle-ci au travers du jeu de Tedi Papavrami, notamment dans la Gigue finale. L’interprétation reste en tout état de cause exemplaire. La Bourrée, terpsichoréenne, est ainsi aussi lumineuse que bondissante. Un vrai régal.


Cela étant, l’interprétation de la Sonate (1944) de Béla Bartók (1881-1945) justifierait à elle-seule l’acquisition du disque. Le discours est d’emblée véhément, tendu à l’extrême. L’aisance technique, manifestée par une longueur d’archet tout à fait étonnante, permet une conduite de ligne musicale impressionnante. L’autorité et la densité du propos, en phase avec l’esprit d’une des dernières œuvres du compositeur hongrois déraciné aux Etats-Unis, ne faiblissent à aucun moment. Après une Chaconne dilacérée, la Fugue est ainsi sans aucune échappatoire, ses pizzicatos étant à la limite de la rupture des cordes. Le Presto final est quant à lui parfaitement fluide, très rhapsodique, mais aussi marqué par des changements de dynamiques qui ne menacent en rien un phrasé constamment intense. Le tout est indéniablement réfléchi, et on ne peut qu’être sensible à la vision très intégrée des quatre mouvements, aux réminiscences complexes, interprétés par un artiste qui narre de façon exemplaire, du début à la fin, le drame de l’exil qu’il connaît bien pour l’avoir vécu. Assurément une réussite.


Le site de Tedi Papavrami


Stéphane Guy

 

 

 

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