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02/06/2011 Jean Derbès : Deux Nocturnes – Adagio – Genèse – Praemonitio passionis – Manu Tara (Sortilèges) Orchestre philharmonique de Timisoara, Jean-François Antonioli (direction)
Enregistré à la Salle Ion Vidu, Timisoara (avril 1997) – 77’36
Timpani 1C1169 (distribué par Naïve)
Jean Derbès (1937-1982), un grand compositeur inconnu ? Le second adjectif ne se discute pas tandis que l’écoute répétée de ce disque incite à employer le premier. Rédigé en français et en anglais, le texte de présentation, parfois abscons, en dévoile suffisamment pour apprécier ce musicien tout en laissant planer le mystère. Cet ancien pianiste virtuose, qui bénéficia des conseils de Cortot, Gieseking et Nat, cultivait-il la discrétion jusqu’à l’excès ? Issu des conservatoires de Lyon, Genève (classes de Madeleine Lipatti et Nikita Magaloff) et Paris (composition avec Tony Aubin), également producteur de radio (Radio Lyon, Radio Télévision Suisse Romande), Derbès se montra sensible aux esthétiques de son temps (Darmstadt), aux possibilités de la musique électro-acoustique ainsi qu’au jazz, ce qui se traduit dans l’orchestration. Les compositeurs cités dans la notice permettent de situer cette musique nocturne, souvent sauvage et âpre : Ligeti, Lutoslawski, Varèse auxquels il est tentant d’ajouter Messiaen, pour la dimension spirituelle et céleste de Praemonitio passionis (1968), et Jolivet, pour la dynamique des captivants Sortilèges, ballet de 1967 représenté sous le titre Manu Tara sur un argument de sa femme Arlette Chédel.
Comportant une partie de percussions improvisée, Genèse (1969) évoque Xenakis – écoutez la violence phénoménale de la conclusion. Adagio (1979) se caractérise par des effets sonores magnifiques qui reflètent une recherche avancée sur les timbres, un art de l’orchestration plus qu’abouti, auxquels s’ajoute un sens avancé de la forme et de la progression. Sans aucun doute, ces œuvres annoncées comme inédites – à peine croyable ! – et enregistrées pour la première fois (à l’exception de l’Adagio) dévoile une écriture recherchée, profonde et mûrie. Cette musique inspirée séduit immédiatement grâce à sa profondeur, son foisonnement, son chromatisme, ses mystères et son pouvoir d’évocation (Deux Nocturnes de 1980). Sous la direction de son chef invité permanent de l’époque, Jean-François Antonioli, l’Orchestre philharmonique de Timisoara défend ces partitions sans doute complexes à mettre à place avec une conviction et une maîtrise qui forcent l’admiration. Cette publication majeure constitue une découverte essentielle et devrait inciter à mieux connaître ce créateur dont il est difficile d’admettre la faible notoriété.
Sébastien Foucart
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