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02/03/2011
Jacques Fromental Halévy : Clari
Cecilia Bartoli (Clari), John Osborn (le Duc), Eva Liebau (Bettina), Oliver Widmer (Germano), Giuseppe Scorsin (Luca), Carlos Chausson (Alberto), Stefania Kaluza (Simonetta), Chœur de l’Opéra de Zurich, Orchestre La Scintilla, Adam Fischer (direction), Patrice Caurier et Moshe Leiser (mise en scène), Felix Breisach (réalisation)
Enregistré à Zurich (mai 2008) – 158’
Album de deux DVD Decca 074 3382 (distribué par Universal) – Format : 16:9. Region Code : 0 (worldwide)
Chef de chant au Théâtre Italien, Halévy, prix de Rome en 1819, a digéré les recettes de l’opéra rossinien. Certains s’y tromperaient et pourraient bien, à l’aveugle, attribuer cette Clari au compositeur du Barbier de Séville : cavatines, cabalettes virtuoses, ensembles, tout y est, la typologie vocale aussi, adaptée aux chanteurs du moment. Du cousu main pour la Malibran, qui créa en 1828 ce dramma per musica – à vrai dire, un semiseria – où une paysanne finit par épouser son prince charmant à particule. Non sans une fâcheuse méprise, lorsque l’on représente chez lui, pour l’anniversaire de sa belle, une pièce dont l’héroïne, campagnarde comme elle, se trouve maudite par son père pour s’être laissé séduire par un comte sans scrupule.
La création affichait, outre Malibran, le ténor Donzelli en Duc, le premier Pollione de Norma. John Osborn, familier lui aussi de Rossini, se tire honorablement d’affaire, même si la voix n’a pas de charme particulier. Oliver Widmer, en revanche, n’est nullement la basse bouffe appelée par Germano, trop raide d’émission, trop fruste de ligne, avec des aigus arrachés – certainement pas un successeur pour Carlo Zucchelli, qui avait été lord Sidney lors de la première du Voyage à Reims. La Bartoli est telle qu’en elle-même : maîtrise du souffle, technique à toute épreuve, phrasé enjôleur, colorature virtuose et reconnaissable entre toutes. Et elle semble moins se caricaturer ici qu’ailleurs, beaucoup plus heureuse, par exemple, que dans La Somnambule. Reconnaissons aussi la splendeur de la Chanson du saule de l’Otello de Rossini, ajoutée au deuxième acte – des documents prouveraient, d’après la cantatrice, que la Malibran aurait fait de même. Au troisième, c’est la cavatine chantée par Miranda au dernier acte de La Tempête de Halévy, que l’on découvre, éblouissante démonstration de virtuosité.
Adam Fischer dirige Clari comme il dirigerait Haydn, qu’il connaît si bien : avec finesse, élégance, imagination, sans jamais tirer l’œuvre vers le grand opéra – on a du mal ici à pressentir le Halévy de La Juive. La Scintilla, formation « baroque » de l’Opéra de Zurich, sonne fort joliment – beaux solos de vents – et le chœur de la maison est excellent. La mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser laisse plus sceptique : la production s’ancre délibérément dans l’esthétique du roman-photo, jusqu’à en assumer le kitsch et la naïveté aujourd’hui désuète – la vidéo où l’on voit Clari traire une vache... Pour un peu, on se croirait chez Barbara Cartland. Reste à savoir si le spectateur est prêt à « marcher », à monter dans le 4x4 du Duc pour aller récupérer la fermière dans la cuisine où son père regarde un match de foot un goret à ses pieds, à boire des cocktails à la réception branchée donnée par le soupirant friqué, à changer à l’hôpital la perfusion de la pauvre fille toute remuée. La production a sans doute été prise à son propre piège, celui de la grandiloquence affectée des gestes et des poses : malgré clins d’œil et décalages, l’histoire ne semble pas plus actuelle, mais encore plus mélo.
Fascinée par la Malibran, Cecilia Bartoli tenait à cette Clari, que Zurich a ressuscité pour elle. Tant mieux pour ses fans. Les autres rappelleront qu’il y a, chez Halévy, des œuvres autrement plus fortes à exhumer.
Didier van Moere
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