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01/28/2011
Philippe Hersant : Trio avec piano «Variations sur La sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont de Marin Marais» (*) – Huit duos pour alto et basson – In the dark – Six bagatelles – Pavane — Apparitions (#)

Jean-Marc Fessard (clarinette), Gilbert Audin (basson), Frédéric Guérouet (accordéon), Pierre Colombet (*), Baptiste Lopez (#) (violon), Arnaud Thorette (alto), Raphaël Merlin (*), Fabrice Bihan (#) (violoncelle), Johan Farjot (piano)
Enregistré au Studio de Meudon en présence du compositeur (juillet 2007) – 65’11
Triton TRI 331152 (distribué par Intégral) – Notice en français et en anglais de Jean-Marc Bardot





Le langage musical de Philippe Hersant n’est peut-être pas inédit, stricto sensu, mais tout en pénétrant des terrains stylistiques qui peuvent sembler familiers, ses compositions ouvrent à chaque fois de nouvelles voies aventureuses ou inexplorées. Deux de ses plus belles pièces chambristes se trouvent parmi les six présentées ici. Fidèles à l’esthétique de l’empreinte mnésique, les deux existent en référence directe à un compositeur du passé, les deux évoquent l’art de ce compositeur et s’en irriguent, et les deux brillent de leur propre éclat.


Nourrie d’une pavane pour viole de gambe du recueil The First Part of Ayres – Captain Humes Musicall Humors de 1605, la Pavane pour alto seul (1985) est en quelque sorte un hommage au compositeur anglais Tobias Hume (c.1579-1645).Un bref motif qui lui est emprunté, clairement énoncé ou perdu dans une agitation polyphonique, évolue en une spirale progressivement plus tourmentée pour ensuite s’apaiser avant son subtil évanouissement. A son apogée plus ample et plus fiévreuse, la partition, virtuose, exige maîtrise et adresse de son interprète qui alterne des accords trillés ou pizzicati dans une vibrante expressivité intériorisée. Arnaud Thorette s’en acquitte fort bien, privilégiant par ailleurs le climat intime tout empreint de l’esprit de melancholia si prisé à l’époque élisabéthaine et si souvent rencontré au cours de l’œuvre de Philippe Hersant en général.


C’est vers une pièce appréciée de Marin Marais (1656-1728) que le compositeur se tourne pour son Trio avec piano de 1998, une série de variations chatoyantes sur les contrechants de la Sonnerie de Sainte-Geneviève-du-Mont (1723), trio, également, destiné à un effectif voisin (violon, viole de gambe et clavecin). Basse obstinée pour Marais, le carillon ne se compose que de trois notes qui deviennent ici un leitmotiv lancinant de couleurs et de registres diversifiés qui traverse l’œuvre de part en part. Hersant aime à citer d’autres compositeurs, mais que ce soit directement Marais, ou Moussorgski ou Bizet, les citations se fondent dans les textures complexes de la composition qui exploite à bon escient les harmoniques des cordes et le potentiel carillonnant ou les résonances du piano. Puissante et expressive, d’humeur changeante, fougueuse, passionnée ou mélancolique, la pièce, d’un seul tenant d’une belle sonorité instrumentale, préserve l’individualité de chaque partie et les trois instrumentistes s’y engagent avec conviction, maîtrise et un bel art du phrasé.


Les quatre autres œuvres connaissent ici leur premier enregistrement mondial. Les Huit Duos pour alto et basson (1995), d’une certaine invention mélodique, relèvent d’une saveur populaire purement imaginaire dont les sonorités peuvent faire penser à Stravinsky. De nouveau, Hersant s’y révèle grand maître de la petite forme et de la sophistication instrumentale. Plus récente, In the dark (2005) pour clarinette seule est écrite à la mémoire de Bernard Yannotta et, dans la vision du compositeur, la composition est «son ombre portée» aussi bien par le trait instrumental que par les citations fugitives, reflets de ses prouesses et de ses goûts. D’une belle subtilité musicale, les six Bagatelles (2007), miniatures pour clarinette, alto et piano tour à tour dramatiques ou taquines, caustiques ou mélancoliques, agitées, fluides, ruisselantes ou douces, installent les climats d’autant de microcosmes dès les premières notes.


D’une durée plus importante, le trio Apparitions (2006), pour violon, violon et accordéon, est peut-être la pièce la plus déstabilisante des six du fait qu’elle est le prolongement d’une œuvre antérieure. L’accordéon se relie au personnage éponyme du dernier opéra du compositeur, Le Moine noir. Suivant la structure de l’opéra mais de thématique néanmoins nouvelle, le premier mouvement aux échos populaires évoque la personnalité d’Andreï, le deuxième sa causticité enjouée mais dénuée de tendresse et le troisième, d’une mélancolie infinie, sa destinée tragique. Aux extrêmes techniques de la partition, une valse triste de bal populaire s’oppose à un certain raffinement harmonique.


Solidement arrimé au patrimoine musical, c’est un ensemble essentiellement consonant mais non sans piquant, épicé de timbres insolites et de dissonances tôt voilées. Les références au passé par le style ou par une sensibilité accrue à une œuvre précise se font subtilement – non pas directement mais dans un sillage détextualisé, s’orientant d’un pas sûr, sans nostalgie, sans imitation, vers un certain inouï. Les compositions de Philippe Hersant, cohérentes et personnelles, touchent par leur engagement et par leur nécessité expressive et s’ouvrent volontiers à un large éventail de mélomanes qui ne resteront pas insensibles à ce programme original. Les partitions ont de toute évidence convaincu les musiciens et l’interprétation est en général de très belle qualité.


Le site de Philippe Hersant


Christine Labroche

 

 

 

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