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01/07/2011 L’invention des genres lyriques français et leur redécouverte au XXe siècle Ouvrage coordonné par Agnès Terrier et Alexandre Dratwicki – avec les contributions d’Olivier Bettens, Catherine Cessac, Sabine Chaouche, David Charlton, Christophe Corbier, Benoît Dratwicki, Georgie Durosoir, Andrea Fabiano, Pierre Frantz, Laurent Guillo, Judith Le Blanc, Isabelle Martin, Laura Naudeix, Barbara Nestola, Buford Norman, Claire Picaut, Katharina Piechocki, Rudolf Rasch, Nathalie Rizzoni, Françoise Rubellin, Cédric Segond-Genovesi, Sabine Teulon Lardic, Jean-Claire Vançon; préface de Jérôme Deschamps
Symétrie, collection Perpetuum mobile, en collaboration avec le Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française – 552 pages, 80 €
Publié en collaboration avec le Palazzetto Bru Zane, cet ouvrage copieux rassemble des actes des colloques de l’Opéra Comique: vingt cinq contributions regroupées en trois parties («L’invention de la tragédie lyrique», «La naissance de l’opéra-comique», «Les résurrections de l’opéra "classique"») analysent l’apparition de la tragédie lyrique et de l’opéra-comique, en démontrant les «passerelles» établies entre eux, ainsi que leur singulière réapparition dans la seconde partie du XIXe et le début du XXe siècle. Outre son érudition aussi imposante que intimidante, la force de cette publication réside dans l’examen comparé de ces deux esthétiques a priori inconciliables. En réalité, l’opéra-comique, qui lutte de tout temps pour être pris au sérieux, réagit de façon antagoniste et parodique à la tragédie lyrique. Le lecteur de bonne volonté prendra conscience du laboratoire que constitue ce phénomène si populaire en son temps – déclamation et autres recherches – ainsi que son ancrage socio-politique. Qu’il soit cependant mis en garde: il ne s’agit en aucun cas d’un ouvrage de synthèse pour débutants mais d’une compilation à destination, avant tout, des scientifiques, des étudiants, des spécialistes et dont un des mérites, et non des moindres, est de balayer les idées reçues. Un livre plus bref et synthétique devrait idéalement accompagner celui-ci pour populariser davantage ce répertoire auprès de ceux qui ne sont pas versés dans les disciplines musicologiques.
Le sujet est vaste, ce que révèlent à eux seuls les titres des chapitres. Comme il y en a pour tous les goûts, à chacun d’y puiser selon ses intérêts, qui peuvent d’ailleurs évoluer avec le temps. Lully constitue une figure centrale, revenant à plusieurs reprises et à presque toutes les sauces puisque même la résurrection d’Atys en 1987, véritable acte fondateur, ainsi que le film Le roi danse sont abordés. Les récitatifs italiens et français vous intéressent? Un essai (avec graphiques à la clé) comblera vos attentes. Le style des livrets, les aspects éditoriaux en France, la réception de la musique de Lully en Hollande? Analysés en profondeur. L’histoire (méconnue) de la Foire et de la Comédie-italienne? Décrite de façon très documentée. La différence entre vaudeville et comédie mêlée d’ariettes n’aura plus de secrets pour vous. Ceux qui se passionnent pour les lauréats du prix de Rome apprendront comment ils durent contribuer, pendant leur séjour à la Villa Médicis, à la redécouverte des maîtres du passé – un exercice jugé avec désinvolture par un certain nombre d’intéressés et... de membres du jury. Les noms de compositeurs et d’ouvrages abondent: l’Opéra Comique, pour ne citer que lui, a du pain sur la planche dans la redécouverte de cette musique qui mérite de bénéficier du plus vif intérêt – après tout, l’opérette ne jouit-elle pas actuellement d’un timide mais réel regain de ferveur en France grâce, notamment, aux Brigands? Sur ce point, la préface de Jérôme Deschamps est de bon augure: la Salle Favart assume sa mission, de même que le Palazzetto Bru Zane dont les activités (concerts, disques, livres), maintes fois saluées dans nos colonnes, en faveur de la musique française à cheval sur les XIXe et XXe siècles laissent espérer un retour à l’avant-plan d’œuvres comme Pénélope de Fauré, Déjanire de Saint-Saëns, Héliogabale de Séverac ou Salamine d’Emmanuel, autant de résurgences de la tragédie lyrique.
Sébastien Foucart
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