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11/22/2010
Franz Liszt : Harmonies poétiques et religieuses

Brigitte Engerer (piano)
Enregistré à la Ferme de Villefavard en Limousin (avril 2010) – 77’36
Mirare MIR 084 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français, anglais et allemand





A l’orée de l’année Franz Liszt, Brigitte Engerer frappe un grand coup chez Mirare, label où elle multiplie les publications (lire par exemple ici et ici). Reprenant un recueil dont elle n’avait laissé que quelques bribes au disque et qu’elle n’hésite pas à aborder en entier sur scène, la pianiste française offre des Harmonies poétiques et religieuses qui constituent un jalon précieux dans une discographie finalement assez pauvre (... au-delà des inévitables «Funérailles»). C’est pourtant en écoutant les dix pièces les unes à la suite des autres que s’expriment pleinement la richesse et la profondeur de ce cycle.


Brigitte Engerer met tout son cœur, toute énergie et sa force dans cette admirable interprétation. «Invocation», qui sonne davantage comme un déchaînement de foi, pose le ton d’une version privilégiant l’éloquence et la subjectivité sur la méditation et la perfection technique (celle de la pianiste française n’étant pas infaillible mais assurément accomplie): des Harmonies plus religieuses que poétiques peut-être – même si l’on ne reste pas insensible à la tendresse lyrique de l’«Andante lagrimoso» et du «Cantique d’amour». On se dit surtout qu’est venu le temps de la maturité rayonnante pour cette artiste née en 1952, qui ne ressemble plus tout à fait à celle qui émergea au tournant des années 1980 (lire par exemple ici). On sent notamment qu’une conscience particulière de la foi habite l’ancien élève de Stanislas Neuhaus à Moscou – non pas tant dans les poses photographiques qui illustrent la pochette du disque que dans le style qui anime l’«Ave Maria», le «Pater Noster» ou le «Miserere» (de véritables cantiques chantés à pleine touche, chauds de gorge et généreux en puissance) ou dans l’intelligent enchaînement du «Pater Noster» à l’«Hymne de l’enfant à son réveil» (tel le résultat de la prière du soir au réveil de l’enfant).


On comprend d’emblée, dans «Bénédiction de Dieu dans la solitude», que Brigitte Engerer sait où elle va. Dessinant un vaste mais preste cheminement vers la lumière, sélectionnant les accents sur les notes, déroulant le discours de façon résolue, en écartant tout doute dans cette «solitude» – qui est bien davantage certitude –, elle émeut là où l’on ne s’y attend pas. Ainsi faut-il avoir le cœur bien accroché pour avaler une bouillante «Pensées des morts»: ni égarée ni plaintive, la voix se fait torturée, agitée, secouée par des accords plaqués avec fièvre comme par des nuances qu’inonde une pédale infernale. De même – et bien que le jeu ne soit pas le plus souverain qui soit (avec, par moments, une sécheresse de toucher qu’on pourra juger expéditive) –, «Funérailles» offrent un sens de l’inexorabilité du destin, une originalité du discours, une subjectivité du ton, bref un engagement et une personnalité qui donnent un visage cohérent à cette pièce (si rabâchée et) replacée dans son juste contexte, abandonnant les vaines tentatives de «chopinisation» du propos.


Au total, bien qu’on connaisse des interprétations plus impressionnantes de ces «Funérailles», des lectures plus métaphysiques ou plus touchantes de «Bénédiction de Dieu dans la solitude», des Liszt plus subtils ou plus contemplatifs, Brigitte Engerer a pour elle la richesse du son et la ferveur du sentiment. Un disque authentique et vraiment réussi en ce qu’il donne toute sa cohérence aux Harmonies poétiques et religieuses.


Gilles d’Heyres

 

 

 

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