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11/11/2010
Pierre-Alexandre Monsigny : Le Déserteur

William Sharp (Alexis), Dominique Labelle (Louise), Ann Monoyios (Jeannette), Tony Boutté (Bertrand, Le premier garde), David Newman (Montauciel, Le deuxième garde), Eugène Galvin (Jean-Louis, Le troisième garde), Darren Perry (Courchemin), Opera Lafayette, Ryan Brown (direction)
Enregistré au Centre des arts Clarice Smith, Université de Maryland (1er-3 février 2009) – 96’49
Coffret de deux disques Naxos «Opera Classics» 8.660263-64 (distribué par Abeille musique) – Notice bilingue (anglais et français) de Nizam Kettaneh et Ryan Brown





Serait-ce la renaissance de l’opéra français? En effet, au vu des parutions discographiques et des concerts récents, on assiste coup sur coup à la réhabilitation de Nicolas Joseph Rigel, André-Ernest-Modeste Grétry, à l’approfondissement de notre connaissance des compositeurs du XVIIe siècle comme Jean-Baptiste Lully (dont l’opéra Bellérophon a été redécouvert au cours de l’été dernier et attend d’être prochainement représenté à Versailles et à Paris) ou du XIXe siècle naissant comme Luigi Cherubini). Qui s’en plaindrait? En effet, après avoir été longtemps relégué au profit de l’opéra allemand, italien ou même anglais, l’opéra français qui s’échelonne entre la mort de Jean-Philippe Rameau (1764) et les débuts d’Hector Berlioz bénéficie aujourd’hui d’un véritable attrait.


Or, et c’est la joie aussi bien des musicologues que des mélomanes dans ce type de situation, le défrichage permet de redécouvrir l’œuvre de compositeurs célèbres comme l’existence même de compositeurs qui étaient tombés dans l’oubli quasi total. En l’espèce, ces deux disques nous permettent d’écouter Le Déserteur, œuvre-phare de Pierre-Alexandre Monsigny. Quelques mots sur ce personnage attachant (lisez le portrait qu’en brosse Adolphe Adam dans ses Souvenirs d’un musicien publiés en 1859!) mais ô combien atypique... Né en 1729 à Fauquembergues (Artois), Monsigny est issu d’une noble famille italienne qui puise ses racines en Sardaigne. Après avoir renoncé à une carrière militaire, il monte à Paris pour assouvir son goût pour la musique, recevant les enseignements d’un certain Pietro Gianotti, contrebassiste à l’Opéra. Auteur de comédies en collaboration avec le librettiste Michel-Jean Sedaine (1719-1797), il connaît ainsi plusieurs succès qui ont pour noms Le Roi et le Fermier (1762), Rose et Colas (1764) ou Aline, reine de Golconde (opéra en trois actes datant de 1766). Soucieux de bénéficier d’une certaine assurance financière, il parvient à être engagé comme maître d’hôtel du duc d’Orléans en 1768 tout en poursuivant ses activités de compositeur avec, notamment, Le Faucon (1771) et, son dernier ouvrage, Félix ou l’enfant trouvé (1777). On ne connaît pas encore précisément les raisons qui ont poussé Monsigny à cesser sa création musicale à l’âge raisonnable de 48 ans. Toujours est-il qu’il s’engage alors dans une carrière de fonctionnaire, traversant les régimes sans grande encombre, bénéficiant de la protection de l’Empereur Napoléon Ier, finissant par être nommé à l’Institut à la succession de Grétry (1813) avant de décéder en 1816.


Le Déserteur, créé au début de l’année 1769 sur un livret de son fidèle compagnon Michel-Jean Sedaine, reste sans aucun doute le plus grand succès de Monsigny. C’est d’ailleurs en entendant ce drame en trois actes que Napoléon Ier, demandant à Daru qui en était l’auteur, aurait décidé de porter la pension de Monsigny de 2000 à 6000 livres... L’histoire est pourtant on ne peut plus croquignolette. Alexis, amoureux de la jeune Louise, est, alors qu’il est soldat et qu’il doit rejoindre son régiment, la victime d’un canular monté par des amis qui lui font croire que Louise (participant elle aussi à la mascarade) se marie avec un de ses amis, Bertrand. Malheureux, n’ayant immédiatement plus goût à la vie, Alexis ne proteste pas lorsqu’il est appréhendé par des soldats de l’armée française qui, le voyant à l’écart du camp principal (nous sommes en plein conflit avec la Prusse), pensent qu’il s’agit d’un déserteur. Fort logiquement au regard des faits qui lui sont reprochés, Alexis est emprisonné et condamné à mort; Louise, aidée d’une duchesse qui avait en partie conçu les fausses noces, va plaider la cause d’Alexis auprès du Roi. Celui-ci accorde finalement sa grâce à Alexis qui, après avoir fait la connaissance d’un certain Montauciel, camarade d’infortune dans sa cellule, est libéré et se voit fêter en héros par la foule.


Peu importent les affres du livret puisque la musique, elle, vaut tout de même le détour: en dépit d’une assez faible imagination, elle se révèle ainsi très agréable à écouter. Dans le rôle d’Alexis, William Sharp est excellent, bénéficiant d’une voix chaude et ample qui joue très adroitement sur les différents registres du personnage: enjoué dans l’air «Ah! Je respire» (acte I) mais également dramatique l’instant d’après («Mais je frissonne, mais je tremble»), se lamentant sur son sort («Infidèle, que t’ai-je fait?», acte I) alors accompagné de hautbois larmoyants, recouvrant sa fierté au son de cordes frémissantes lorsqu’il s’agit de morigéner Louise («Tu fais bien de baisser les yeux» toujours à l’acte I). On ne peut pas en dire autant de David Newman qui, incarnant principalement le personnage de Montauciel (il chante également le rôle d’un des trois gardes venant arrêter Alexis lorsqu’ils le soupçonnent de désertion), pousse trop sa voix dans les aigus au point de parfois la faire vaciller («Je ne déserterai jamais», acte II). En revanche, lorsqu’il intervient dans le médium, Newman est très bon: son air «V, o, u, s, e, t et te», plein d’humour alors que, enfermé en prison avec Alexis, il apprend à lire grâce à ce dernier, est excellent (acte III).


Les ensembles sont généralement très agréables même si la faible ampleur des protagonistes et l’accompagnement musical parfois sommaire n’en font pas pour autant des passages d’anthologie («Fuyons ce lieu que je déteste!» à la fin de l’acte I). Ann Monoyios, qui campe le personnage de Jeannette (une amie de Louise), n’intervient qu’au premier acte, une fois comme soliste (pendant trois minutes), une fois en duo avec Alexis, le héros. En dépit d’une certaine agilité dans les aigus, on regrettera une prononciation du français globalement perfectible qui ne rend pas le sens des propos très aisé à comprendre. Il en va de même pour Dominique Labelle qui bénéficie néanmoins d’une très belle voix mais qui, en quelques occasions (son réveil à la fin de l’acte III), manque de crédibilité pour incarner un personnage il est vrai un peu falot...


Ryan Brown dirige avec entrain l’Orchestre de l’Opéra Lafayette mais ne peut totalement pallier les faiblesses indéniables de la partition. L’Ouverture étonne l’auditeur, avec son style particulier, quelque peu écartelé entre le baroque et le classique. Il faut dire que la musique, pendant toute la durée de l’opéra, oscille entre les deux: baroque dans sa rythmique et sa tonalité à l’occasion du duo entre Bertrand et Montauciel à la fin de l’acte II (qui se termine d’ailleurs par une tierce picarde), classique dans les timbres des hautbois et bassons (lorsqu’ils accompagnent Alexis dans l’air «Il m’eût été si doux…» à l’acte III) ou dans le chœur final.


On l’aura donc compris: à défaut de chef-d’œuvre d’aujourd’hui, voici une belle initiative discographique pour découvrir avec plaisir un chef-d’œuvre d’hier! Remarquons enfin que cette redécouverte n’est pas le fruit d’un chef et d’un orchestre français mais américains: on ne peut que les en remercier.


Le site de l’ensemble Opera Lafayette
Le site de Dominique Labelle
Le site d’Ann Monoyios


Sébastien Gauthier

 

 

 

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