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11/03/2010
«Lava»: arias d’opéras du XVIIIe siècle napolitain
Giovanni Battista Pergolesi : L’Olimpiade: «Tu me da me dividi» et «Mentre dormi amor fomenti» – Adriano in Siria: «Lieto così talvolta»
Nicola Antonio Porpora : Lucio Papirio: «Morte amara» et «Tocco il porto» – Flavio Anicio Olibrio: «Se non dovesse il piè»
Leonardo Vinci : Artaserse: «Fra cento affanni e cento» et «No che non ha la sorte»
Leonardo Leo : Il Demetrio: «Manca sollecita»
Johann Adolf Hasse : Viriate: «Come nave in mezzo all’onde» – Antigono: «Perché, se tanti siete» – Didone abbandonata: «Tu dici ch’io non speri»

Simone Kermes (soprano), Le Musiche Nove, Claudio Osele (direction)
Enregistré dans la Salle Diane du château Engers de Neuwied, Rhénanie-Palatinat (4-11 novembre 2008) – 76’47
Deutsche Harmonia Mundi 88697 54121 2 (distribué par Sony) – Notice de Claudio Osele et traduction des textes chantés (allemand, anglais, français et italien)






«Porpora arias»
Nicola Porpora: Adelaide: «Nobil onda» et « Non sempre invendicata» – Ezio: «Misera, dove son?» et «Non son io che parlo» – Polifemo: «Aci, amato moi bene» et «Smanie» – Imeneo: «Mi chiederesti meno» – Angelica: «Mentre rendo a te la vita» –Arianna in Naxo: Ouverture, «Ahi che langue», «Il tuo dolce mormorio», «Misera, e che faro?», «Misera sventurata» et «Si caro ti consola»

Karina Gauvin (soprano), Il Complesso Barocco, Alan Curtis (direction)
Enregistré dans la Villa San Fermo, Venise (29 septembre-4 octobre 2008) – 79’28
Atma Classique ACD22590 (distribué par Intégral) – Notice de Paologiovanni Maione et traduction des textes chantés (italien, français et anglais)







«A voi ritorno»
Francesco Durante : Concerto en mi mineur pour cordes et basse continue
Leonardo Leo : Cantate «Vado dal Piano al Monte» – Sinfonia concertante pour violoncelle et cordes – Concerto en ré majeur pour quatre violons et basse continue
Nicola Antonio Porpora : Cantate «Il Ritiro»

Raffaella Milanesi (soprano), Diego Roncalli (violoncelle), Insieme Strumentale di Roma, Giorgio Sasso (violon solo et direction)
Enregistré en l’église de San Lorenzo in Panisperna, Rome (10-12 mars 2009) – 73’08
Fuga Libera (distribué par Harmonia mundi) – Notice exemplaire de Salvatore Carchiolo et traduction des textes chantés (français, italien et anglais)





Voici trois disques qui, chacun à leur manière, illustrent une période faste pour le chant: la fin du XVIIe et le XVIIIe siècles napolitains. Souvenons-nous, en premier lieu, que Naples est, dans les années 1650, la première ville d’Italie avec plus de 400 000 habitants (sa population étant alors comparable aux deux grandes métropoles qu’étaient Paris et Londres). Sous influence espagnole, qui prendra fin à compter de 1759, date à laquelle Ferdinand IV succède à Charles III, le royaume de Naples voit se construire au XVIIIe siècle le plus grand opéra d’Europe (le Teatro San Carlo, édifié en 1737) et une effervescence vocale de tous les instants. Patrie des castrats, passage obligé de tous les grands compositeurs européens (Händel, Scarlatti père et fils, Pergolese, Hasse, ...), Naples a suscité une multitude de compositions dont un aperçu très complet nous est donné grâce à ces trois disques.


Le premier nous plonge dans une certaine circonspection lorsqu’on regarde sa couverture. Certes, marketing oblige, il est désormais coutumier de voir se multiplier les disques dont les pochettes nous montrent les artistes dans des poses lascives, de goût plus ou moins douteux, dont on ne sait trop s’ils sont là pour vanter un compositeur ou un club de rencontres amoureuses: en l’espèce, la coiffure rousse de Simone Kermes inonde la couverture, rehaussée par un visage avenant mais maquillé à l’extrême. En revanche, la première impression lorsqu’on écoute ce disque relève tout simplement du choc absolu! Ce genre de choc que l’on ne reçoit que trop rarement, qui démontre à la fois que l’émerveillement peut exister à chaque note et que la dextérité des interprètes peut véritablement être sans borne.


Signalons à titre liminaire que, hormis les extraits d’œuvres de Pergolèse, tous sont ici enregistrés ici en première mondiale, puisés dans les manuscrits de la Bibliothèque du Conservatoire Giuseppe Verdi de Milan, dans le département «Musique» de la Bibliothèque nationale de Vienne ou de la Bibliothèque nationale de France. Comme l’écrit fort justement Claudio Osele dans son excellente notice, ce disque est un «florilège de cet art qui s’épanouissait au début du XVIIIe siècle au pied du Vésuve, avant de se disséminer à travers toute l’Europe et de triompher sur les scènes de Londres, Venise, Dresde, Vienne et Rome». Commençons donc ce voyage avec Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736), auteur de plusieurs opéras malheureusement tombés dans l’oubli à l’exception du merveilleux La serva padrona et du non moins intéressant Lo frate ’nnamorato. Son aria «Tu me da me dividi» est d’emblée placée sous le signe des sons virevoltants, la voix étant notamment accompagnée par un violon solo aux accents étrangement tziganes. On reste également bouche bée en écoutant le superbe «Mentre dormi amor fomenti» où la voix de Simone Kermes, étincelante, fait preuve d’une évidente générosité: écoutez-la prononcer le mot spietata, légèrement appuyé et, de fait, tellement empli de tendresse. De même, ce magnifique «Manca sollecita» tiré de l’opéra Il Demetrio de Leonardo Leo (1694-1744), peut-être le sommet du disque en raison là encore de la générosité de la voix, de la passion des interprètes, de la délicatesse de l’orchestre.


Changement de climat avec le fantastique «Come nave in mezzo all’onde», extrait de Viriate, opéra composé par Johann Adolf Hasse (1699-1783) en 1739: le chant se mue en technique pure, la voix montant en puissance avec une déconcertante facilité, la souplesse des vocalises exigeant tour à tour de l’orchestre sons râpeux et violons délicats. Autre extrait de Hasse tout aussi éblouissant, le très beau «Perché, se tanti siete» tiré d’Antigono, opéra créé à Dresde en 1744 sur un thème qui a suscité nombre de compositions à la même époque (on compte ainsi un Antigone de Gandini en 1723, Cafaro en 1754, Gluck la même année, Galuppi en 1762, Piccinni en 1771, ...): l’orchestre, dominé par les cors, sert la voix comme jamais et témoigne d’une évidente complicité entre Simone Kermes et le Musiche Nove, dirigé avec entrain par Claudio Osele. Plus mozartien dans son climat que véritablement baroque, l’extrait «Tocco il porto» tiré de Lucio Papirio, pièce de salon où la voix dialogue harmonieusement avec la flûte, ne permet pas véritablement de découvrir les immenses talents de Nicola Antonio Porpora (1686-1768). Heureusement, Karina Gauvin pallie ce manque en consacrant un disque entier à ce compositeur qui, à bien des égards, apparaît comme un des compositeurs lyriques les plus prolifiques du XVIIIe siècle.


Né et décédé à Naples, Porpora a enseigné le chant au Conservatoire di San Onofrio pendant sept ans (de 1715 à 1722) où il eut, entre autres étudiants, excusez du peu, Carlo Broschi (le futur Farinelli), Gaetano Majorano (dit Caffarelli) et Pietro Tapassi (plus connu sous le nom de Métastase)! Appelé par la suite à prendre la direction des chœurs de l’Ospedale degli Incurabili, à Venise (il les dirige de 1726 à 1733), il acquit à travers ses différentes expériences et sa fréquentation des plus grands artistes de l’époque une connaissance de la voix qu’il transcrivit dans plus de cinquante opéras, d’Agrippina (1708) à la seconde version de Il trionfo di Camilla (1760). Karina Gauvin rend ici un vibrant et ô combien convaincant hommage à Porpora en interprétant quatorze extraits (dont six en première mondiale), provenant principalement de quatre opéras, Adelaide (1723), Ezio (1728), Polifemo (1735) et Arianna in Naxo (1733).


Un mot tout d’abord sur l’autre artisan de ce disque, Alan Curtis à la tête de son Complesso Barocco. Même si l’on aimerait parfois davantage de vivacité (dans l’aria «Nobil onda» extrait d’Adelaide), on admire aussi bien la dextérité des instrumentistes (les cuivres dans Adelaide, la capacité des cordes à tenir leurs phrase jusqu’à la note ultime, au bord de la rupture, dans l’aria «Non son io che parlo» d’Ezio, le jeu des bois dans «Aci, amato moi bene», superbe passage de Polifemo) que l’implication de l’ensemble qui offre tour à tour le visage de l’écrin et du partenaire idéal pour la voix de la jeune soprano canadienne. Curtis, à son affaire dans un répertoire qu’il laboure depuis des années avec un insatiable esprit de découverte, mérite indéniablement d’être salué tant il est un artisan de premier ordre lorsqu’il s’agit de donner ses lettres de noblesse à ces partitions très largement méconnues.


Quant à Karina Gauvin, elle éblouit et émeut selon l’air qu’il lui revient de chanter. Ainsi, les vocalises, sans cesse plus virtuoses, débutent ce disque dans l’aria «Nobil onda»: on reste pantois devant tant de virtuosité et de facilité vocales. La chanteuse canadienne sait impressionner; elle sait également émouvoir, notamment dans un superbe passage issu de Polifemo, «Smanie». L’atmosphère est tout aussi touchante dans l’air suivant «Mi chiederesti meno», extrait cette fois-ci de l’opéra Imeneo: la douceur du chant, le caractère posé des paroles déclamées sont là aussi tout à fait remarquables. On ne peut que saluer le résultat global ainsi obtenu qui, une fois encore, rend pleinement justice à Porpora dont l’œuvre, en dépit de la célébrité du personnage, demeure trop peu enregistrée et trop peu souvent donnée en concert.


Le dernier disque présenté ici rend également hommage à trois grandes figures du monde musical napolitain, Francesco Durante (1684-1755), Leonardo Leo (1694-1744) et, une fois encore, Nicola Antonio Porpora (1686-1768). Francesco Durante, professeur au Conservatoire de Naples (il eut notamment le jeune Pergolèse comme élève mais aussi Jommelli, Piccini et Paisiello), est surtout l’auteur d’une œuvre musicale religieuse qui compte plus de vingt et une messes, treize motets, une dizaine de magnificat et une grande quantité de psaumes. Durante a également composé quelques œuvres orchestrales dont ce concerto, qui daterait des années 1750. Très proche de Corelli dans l’inspiration et de Locatelli dans les couleurs, c’est une pièce agréable qui ne fait intervenir que les cordes et la basse continue: cette simplicité s’avère tout à fait la bienvenue et contribue grandement à la beauté du morceau qui, néanmoins, reste mineur dans l’œuvre de Durante et, plus encore, dans le foisonnement du monde baroque.


Leonardo Leo (1694-1744) a également fat l’essentiel de sa carrière à Naples, d’abord comme étudiant au Conservatoire della Pietà dei Turchini, ensuite comme compositeur d’œuvres lyriques et orchestrales. On relève notamment plusieurs pièces concertantes pour violoncelle et cordes tantôt qualifiées de «concerto», tantôt de «sinfonia concertata»: parmi les six recensées, le présent concerto, dominé par un extraordinaire Larghetto (troisième mouvement), dont les tonalités rappellent immédiatement Antonio Vivaldi. L’autre morceau orchestral enregistré ici est un Concerto pour quatre violons et basse continue à l’écriture classique (le premier mouvement faisant alterner tour à tous les différents solistes sans recherche de virtuosité, ni jeu particulier sur les timbres); si l’on peut regretter un clavecin un peu trop présent (notamment dans le premier mouvement), on se laisse rapidement emporter par l’œuvre, dominée par une très belle et très grave sicilienne dans le troisième mouvement. La cantate Vado dal Piano al Monte laisse une impression mitigée: si le chant s’avère magnifique (la pureté de la voix et l’engagement de Raffaella Milanesi sont impeccables), la musique d’accompagnement est plutôt fruste. La pulsation «enrouée» laisse surnager ça et là les traits mélodieux du violon solo mais point d’exubérance, ni de véritable richesse sonore ici. Pour qui souhaite une œuvre plus prenante du même Leo, on ne peut que conseiller d’aller écouter la très belle cantate Così del vostro suono (Il trionfo della Gloria): une merveille.


La dernière œuvre au programme de ce disque rend de nouveau hommage à Nicola Antonio Porpora puisqu’il s’agit de sa cantate Il ritiro («La Retraite»). Nul doute à avoir, c’est un petit bijou comme savait tant en faire ce compositeur phare du baroque tardif! Hymne à la simplicité, cette cantate loue celui ou celle qui se détache des oripeaux et des richesses du monde réel pour préférer se réfugier dans la simplicité du monde qui nous entoure, passant donc des «grandeurs si pleines de soucis accablants» aux «campagnes agréables». Là aussi, le chant de Raffaella Milanesi est idéal pour exprimer la douceur de celui (ou celle) qui se détache du monde (sans connotation religieuse pour autant, ce qui est remarquable eu égard au thème traité et à l’époque de composition), la déclamation se voulant elle-même, pureté de la voix aidant, totalement aérienne.


Voici donc trois disques qui, bien que touchant à la même thématique, combleront trois attentes différentes. A ceux qui souhaitent explorer un répertoire exigeant, peut-être plus difficile que les autres en raison notamment d’une moindre luxuriance orchestrale, il conviendra de se tourner vers le disque de Raffaella Milanesi. Pour ceux qui souhaitent un feu d’artifice de vocalises, «Lava» s’impose sans aucun doute. Enfin, pour ceux qui veulent approfondir une figure emblématique du répertoire de cette époque, le disque de Karina Gauvin est un choix d’évidence. Afin d’éviter toute frustration, on ne saurait donc trop conseiller d’acquérir les trois...


Le site de Simone Kermes
Le site de Karina Gauvin
Le site d’Il Complesso Barocco
Le site de Raffaela Milanesi
Le site de Giorgio Sasso et de l’ensemble Insieme Strumentale di Roma


Sébastien Gauthier

 

 

 

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