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10/31/2010 George Onslow, un «romantique» entre France et Allemagne
Ouvrage coordonné par Viviane Niaux – avec les contributions de Muriel Boulan, Alexandre Dratwicki, Benoît Dratwicki, Marie Haugel, Frédéric Lainé, Sylvia L’Ecuyer, Viviane Niaux, Günter Schwenke, Frédérick Sendra, Pierre Sérié, Nicolas Southon, Gérard Streletski, Patrick Taïeb; préface de René Koering
Editions Symétrie, collection Perpetuum mobile, en collaboration avec le Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française – 408 pages, 75 €
La musique de George Onslow (1784-1853) sort peu à peu d’un oubli relatif pour attirer de plus en plus de musicologues et d’interprètes conscients de sa valeur. Depuis une vingtaine d’années, les regards sur son œuvre se multiplient et son nom apparaît de plus en plus fréquemment au programme de concerts et dans la production discographique. Ce nouvel essor est dû en partie au travail et à la conviction de Viviane Niaux, fondatrice en 1994 de l’Association George Onslow, administratrice du site qui lui est consacré et auteur, outre de nombreux articles à son sujet, d’un ouvrage monographique George Onslow, Gentleman compositeur (Presses universitaires Blaise-Pascal) qui permet une approche globale mais approfondie de l’homme et de son œuvre.
Viviane Niaux réunit ici quinze articles de fond, inédits ou ayant paru dans le cadre de la publication à diffusion confidentielle des bulletins de l’Association, certains de sa plume, d’autres de musicologues spécialistes de la musique française romantique, qui ont effectué des recherches minutieuses sur un pan précis de l’époque, de la vie ou de l’œuvre du compositeur dans le but d’en éclairer des facettes encore inexplorées. Il va de soi, donc, que l’ouvrage s’adresse en premier lieu au lecteur averti plutôt qu’au lecteur qui part à la découverte de cet Auvergnat d’origine franco-anglaise que Berlioz comptait «parmi les plus grands harmonistes de l’époque». Toutefois, il en ressort un tableau de la vie musicale, tant relationnelle qu’administrative ou interprétative, en France et en Allemagne au cours de la première moitié du dix-neuvième siècle qui concerne tout mélomane désireux d’appréhender voire de ressentir la réalité de mondes musicaux évanouis qui gardent leur importance aujourd’hui. La richesse des différents aspects de ce tableau, précis et détaillé comme un travail rigoureux d’orfèvre, recèle tant de promesse qu’elle pourrait ouvrir la voie à de nouvelles recherches ou inspirer des sujets de futures thèses.
L’ouvrage se divise en trois parties distinctes. Le premier volet est un portrait indirect de George Onslow tel qu’il était perçu par ses contemporains, portrait impressionniste qui se dégage d’une première esquisse biographique qui prend fin dès 1833 – délicieuses interventions empreintes de spontanéité du critique musical et ami, Joseph d’Ortigue – et de remarques à son sujet dans des écrits qui ne le concernaient pas directement, tels le journal du benjamin des frères Müller, chambristes et quatuor de renom, les chroniques de la plume acérée, généreuse ou acide, de Berlioz, tantôt collègue, tantôt rival, et des extraits d’articles de critiques d’outre-Rhin qui témoignent du bel accueil que lui réservait l’Allemagne où, sur le plan musical, il était salué comme un compatriote. On se souvient à ce propos que la formation d’Onslow n’était pas d’abord française: ce furent Dussek et Cramer à Londres et deux ans d’études à Leipzig avant Reicha à Paris.
Les deux volets suivants affinent la recherche musicale à partir de certaines compositions choisies avec discernement. Le volet central, «Du pupitre…», présente une étude des particularités révélatrices de sa musique à partir d’une sélection de pièces instrumentales (piano et musique de chambre) et de ses deux Symphonies. Les cinq articles offrent ensemble une centaine de pages d’analyse qui dégagent les caractéristiques essentielles de son langage musical et les principaux éléments de son style avec l’appui de judicieux d’exemples tirés de partitions qui en soulignent l’évolution. Le dernier volet, «... à la scène» comporte une présentation en oblique de ses opéras.
C’est dans les six articles de cette troisième partie qu’apparaissent les déconvenues d’un compositeur face aux librettistes, aux interprètes et aux directeurs et administrateurs de théâtre lyrique à Paris et en province. L’écoute du Stratonice de Méhul provoqua la première forte émotion musicale d’un jeune Onslow qui se tourna vers la scène à quatre reprises par la suite, en 1806 (opéra inédit), 1822-24, 1835-36 et 1845, sans jamais obtenir le succès escompté. Ses ennuis naissaient peut-être de son éloignement fréquent de la capitale (il préférait ses terres auvergnates) et donc des appuis nécessaires, et peut-être de la finesse de sa composition orchestrale à laquelle il intégrait les parties vocales par la suite, technique qui en freinait une exécution brillante et aisée au grand dam des artistes lyriques. Ce trait de style atypique à l’époque permet une confrontation intrigante entre les difficultés du peintre Delaroche pour faire accepter son tableau Assassinat du duc de Guise au château de Blois qui ne se conformait pas aux normes établies et celles d’Onslow lors de Guise ou les Etats de Blois, les deux œuvres étrangement semblables quant au traitement inattendu du personnage de Guise par rapport au roi et aux dignitaires de la cour. Onslow surprendra encore avec, en 1845, une réduction de son opéra pour quatuor à cordes éditée à ses frais et, en 1846, la composition d’une énigmatique cantate scénique Caïn maudit, la forme traditionnelle repensée, peu après sa nomination à l’Institut.
Le livre s’accompagne de trois index qui permettent une recherche facile: index des personnes, index des œuvres d’Onslow et index des autres œuvres. La bibliographie et la discographie témoignent du renouveau d’intérêt pour le compositeur, les dates des écrits et des enregistrements de plus en plus resserrées à partir de 1980. Un cahier central contient portraits, tableaux, fac-similés et maquettes en relation vivante avec le texte.
Les quinze articles de ce collectif, fruits de travaux de recherche très pointue, restent indépendants mais ensemble ils deviennent encore plus significatifs, s’éclairant mutuellement par association et par recoupement. Il en sort une nette perception de la musique d’Onslow et une idée de l’humanité de ce gentleman musicien aux prises avec les comportements de son temps. Tous les contributeurs fournissent les références détaillées et les annotations nécessaires en bas de page, preuve de plus s’il en fallait de la qualité et de la fiabilité des informations et de la minutie des recherches. Musicalement et historiquement très solide, l’ouvrage ne peut manquer de satisfaire aux exigences du lecteur averti et pour les instrumentistes il sera une source d’inspiration et un précieux éclairage musical tant technique qu’esthétique.
Le site de l’Association George Onslow
Christine Labroche
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