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09/17/2010
Richard Wagner : Parsifal

Gary Lehman (Parsifal), Violeta Urmana (Kundry), René Pape (Gurnemanz), Evgeny Nikitin (Amfortas), Nikolai Putilin (Klingsor), Alexei Tanovitski (Titurel), Yuri Alexeev, Yuri Vorobiev (Chevaliers), Lia Shevtsova, Olga Legkova, Alexander Timchenko, Andrei Popov (Ecuyers), Olga Trifonova, Liudmilla Dudinova, Elena Ushakova, Zhanna Dombrovskaya, Anna Kiknadze (Filles-Fleurs), Alla Martynenko (Une voix d’en-haut), Chœur et Orchestre symphonique du Théâtre Mariinsky, Valery Gergiev (direction)
Enregistré dans la salle de concert du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg (5-13 juin 2009) – 258’35
Coffret de quatre SACD hybrides Mariinsky MAR0508 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français, anglais, allemand et russe (livret traduit en français, anglais et russe)






Wolfgang Windgassen (Parsifal), Martha Mödl (Kundry), Otto von Rohr (Gurnemanz), Gustav Neidlinger (Amfortas), Heinz Cramer (Klingsor), Frithjof Sentpaul (Titurel), Toni Schabo, Gerhard Schott (Chevaliers), Hetty Plümacher, Paula Bauer, Siegfried Fischer-Sandt, Karl Rieser (Ecuyers), Olga Moll, Friederike Sailer, Hetty Plümacher, Lore Wissmann, Franziska Wachmann, Paula Bauer (Filles-Fleurs), Hetty Plümacher (Une voix d’en-haut)
Chœur de l’Opéra du Württemberg de Stuttgart, Orchestre de l’Opéra de Paris, Ferdinand Leitner (direction)
Enregistré en public au Palais Garnier, Paris (26 mars 1954) – 239’44
Coffret de quatre disques Profil Hänssler PH09009 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en anglais et allemand (pas de livret)





Voici une écoute comparée du Parsifal (1882) de Richard Wagner qui paraissait – sur le papier – pour le moins déséquilibrée: on imaginait mal le récent enregistrement de Valery Gergiev (avec les forces du Mariinsky mais une distribution internationale) faire bonne figure devant l’exhumation d’un témoignage d’archive d’interprètes wagnériens majeurs.


Et pourtant, la version Gergiev est un bon cru. Enregistrée pour le label maison, elle mérite d’abord d’être saluée comme une rareté: produire en studio un opéra mobilisant des moyens aussi importants est en soi un événement plutôt rare. Mais le prix de l’enregistrement réside surtout dans la direction formidablement mobile du chef russe. On se doutait bien que Gergiev serait à l’aise avec l’acte II – dont il livre, en effet, une lecture exaltante dès les premières mesures, presque fiévreuse à l’entrée des Filles-Fleurs, brûlante de passion à la fin. Il surprend par sa justesse dans les deux autres actes et l’on est étonné d’être à ce point convaincu par une approche équilibrant mysticisme et intensité, le «chef-TGV» ayant de toute évidence pris le temps de mettre sur les rails un projet artistique fait de maturité et de passion. Du grand Gergiev en somme, qui dirige comme s’il dévorait chaque page, y mettant toutes se tripes (au casque, on l’entend parfois grogner ou mugir), refusant toute passivité face au texte. Peut-être plus auguste qu’émouvant, l’Orchestre du Mariinsky s’en donne à cœur joie, avec ses cuivres vibrants et ses cordes intensément appliquées, se mettant tout entier au service de celui qui le dirige depuis plus de vingt ans.


Rehaussée par des chœurs vibrants et solennels (la puissance des hommes, la sobriété des femmes), la distribution est de bonne tenue mais pour le moins inégale, dominée par le Gurnemanz de René Pape, dont la beauté du grain de voix saute aux oreilles. Volontairement en retrait à l’acte I, son sens de la narration y fait merveille – malgré quelques notes un peu basses. Ses interventions au dernier acte, en revanche, suivent de trop près les notes, la basse allemande manquant encore de science pour se faire l’égal des Weber, Hotter, Moll, Salminen... dans ce rôle qui s’apprend sur scène – patiemment. René Pape est néanmoins un luxe face aux titulaires des deux autres rôles principaux. Le Parsifal de Gary Lehman souffre d’un timbre bien anonyme et d’une voix presque chevrotante: transparent à l’acte I et même au III (bien qu’il y laisse logiquement transparaître davantage d’émotion), il rassure toutefois dans le Zauberschloss par son investissement dans le rôle, dépeignant un personnage tour à tour vaillant et tourmenté, mais desservi par des moyens qu’on souhaiterait plus solides et qui butent sur une émission poussive et quelques aigus étranglés.


Des aigus, la Kundry de Violeta Urmana en joue au maximum dans l’acte II: des aigus surpuissants mais au vibrato éprouvant. C’est d’autant plus regrettable que l’interprétation de la soprano lituanienne n’est pas très consistante. Les Kundry authentiques ne ratent pas leur acte I comme le fait Violeta Urmana, presque indifférente aux premières répliques de son personnage. Si elle se révèle plus convaincante par la suite – tentant un registre expressionniste –, cela ne fait pas une Kundry. L’Amfortas d’Evgeny Nikitin, lui, est crédible dès sa première phrase, avec ce beau vibrato de la douleur qui évoque par moments Tristan. Mais une émission nasale, une justesse franchement approximative, une tendance à presser le chant et s’essouffler assez vite (il est vrai que son personnage agonise...) gênent passablement. Le Klingsor de Nikolai Putilin est beaucoup plus crédible, dressant le portrait le plus malfaisant qui soit, avec une verve, un poison dans la voix – une voix plus noire que ce que l’on a l’habitude d’entendre dans ce rôle. Pour le reste, le Mariinsky démontre la solidité de ses troupes, qu’illustre tant le grave serein et profond d’Alexei Tanovitski dans le personnage de Titurel qu’un très homogène ensemble de Filles-Fleurs – des fleurs plus athlétiques que gracieuses et fragiles.


Après Gergiev, Leitner... un nom qui tombe progressivement dans l’oubli, tant la discographie du chef allemand (1912-1996) manque de rayonnement aujourd’hui. Dans un son fort convenablement restauré, Hänssler ressuscite une représentation donnée en 1954, au Palais Garnier, par les forces vives de l’Opéra de Stuttgart, Ferdinand Leitner dirigeant pour l’occasion l’Orchestre de l’Opéra de Paris. Si la direction de Gergiev était vive et alerte, celle de Leitner – qui devance de vingt minutes son challenger ossète – est carrément électrifiée. Elle secoue, en tout cas, dès le Prélude – pas très en place – les instrumentistes français, qui se présentent sous un jour pas nécessairement flatteur (des cordes bien prosaïques, des vents appliqués plutôt qu’inspirés, des cuivres laborieux, quelques décalages gênants aussi). Le chef impose pourtant une urgence: à partir de l’entrée de Kundry à l’acte I, il crée une tension inouïe, tension qui ne se relâchera pas malgré la finition instrumentale qui demeure médiocre. L’acte II surprend par son mordant et l’éveil d’une battue qui se maintient à un rythme effréné (au risque de la précipitation), incroyablement sensible au texte comme aux dynamiques. Grosse déception, en revanche, au dernier acte – dénué de toute mystère, presque bâclé (en phase, en cela, avec des chœurs plutôt quelconques).


Il serait cruel de comparer Gary Lehman et Violeta Urmana – les Parsifal et Kundry de la version Gergiev – avec Wolfgang Windgassen et Martha Mödl, qui comptent parmi les plus grands interprètes de ces rôles dans l’histoire du chant wagnérien. La soprano allemande, captivante dès le premier acte, s’incarne d’emblée dans le personnage de Kundry. A l’acte II, et malgré une entrée bien artificielle sans l’image (des cris peu crédibles au disque... plus proches de Montserrat Caballé que de la Mödl des versions Knappertsbusch), on est happé par la caractérisation vocale d’un personnage dont elle demeure, avec Waltraud Meier, l’interprète de référence. Tel peut également être qualifié Wolfgang Windgassen (face à une concurrence encore plus réduite...), qui fait de Parsifal un être juvénile autant que viril, déchiré autant que digne dans la naïveté, la souffrance comme l’accomplissement prophétique: irréprochable au I, admirable de tenue et de justesse au II (pas son plus émouvant, mais l’un des plus parfaits vocalement dans l’héritage discographique du ténor allemand), impeccable au III. L’interprétation est confondante d’intelligence.


Face à ce couple de légende, le Gurnemanz d’Otto von Rohr – pourtant particulièrement à l’aise dans la tessiture, avec sa voix sonore et puissante – ne peut sembler que plus monotone de ton. Il domine néanmoins son personnage, plus convaincant dans le charisme du premier acte que dans un dernier acte certes chavirant, mais aux notes parfois forcées (l’orchestre se faisant par trop présent). L’Amfortas de Gustav Neidlinger est une surprise: ceux qui pensent entendre un Alberich risquent d’être étonnés par la fraîcheur et la richesse du grain de voix à l’acte I – une interprétation extatique, aux aigus implorants, qu’on n’identifie pas naturellement au personnage mais qui en offre un visage différent (sens de la narration, absence de vibrato, vélocité du propos). A l’acte III malheureusement, son organe est poussé dans ses retranchements, et c’est davantage le maître du Nibelheim qui refait surface. Signalons, pour finir, un Klingsor à la voix puissante et autoritaire mais pas suffisamment noire et qui tend à s’essouffler (Heinz Cramer) et des Filles-Fleurs bodybuildées, d’une qualité presque soliste pour certains pétales...


Le site de Valery Gergiev
Le site de l’Orchestre du Théâtre Mariinsky


Gilles d’Heyres

 

 

 

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