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09/17/2010
«Cantique»
Arvo Pärt : Stabat Mater pour chœur et orchestre à cordes – Symphonie n° 3 – Cantique des degrés pour chœur et orchestre
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, RIAS Kammerchor, Kristjan Järvi (direction),
Enregistré à la Maison de la radio de Berlin (février 2010) – 60’11
Sony Classical 88697723342 – Notice en anglais, allemand et français
La famille Järvi est fort proche du compositeur estonien Arvo Pärt (né en 1935). Et de longue date : Neeme Järvi, père de Kristjan, a travaillé à la radio estonienne comme le compositeur ; les deux familles ont émigré à l’Ouest au même moment, en 1980, et se sont même retrouvés dans un même hôtel à Vienne ; la Troisième symphonie d’Arvo Pärt est dédiée à Neeme Järvi ; Paavo Järvi, autre fils de ce dernier et nouveau directeur musical de l’Orchestre de Paris, a enregistré cette symphonie ainsi que les Première et Deuxième et un Concerto pour violoncelle avec l’Orchestre symphonique national estonien pour Virgin Classics. Le présent disque démontre et prolonge à nouveau cette proximité entre la famille Järvi et Arvo Pärt : le jeune Kristjan (né en 1972) y dirige en effet cette fois deux ensembles allemands – l’Orchestre symphonique de la radio de Berlin et le Chœur de chambre de la radio du secteur américain (qui a gardé son sigle...) – dans la fameuse Troisième symphonie (1971) et dans deux œuvres moins connues d’Arvo Pärt : une nouvelle version (2008) du Stabat Mater (1985), initialement composé pour soprano, contre-ténor, ténor et trio à cordes pour le centième anniversaire de la mort d’Alban Berg, et un Cantique des degrés (1984, révisé en 2001), composé pour le cinquantième anniversaire de son altesse sérénissime le prince Rainier III de Monaco.
Rien de fondamentalement nouveau sur ce disque – le compositeur recycle beaucoup – et on peut ne pas apprécier le minimalisme musical de Pärt, cette audace consistant à n’en présenter aucune, ces mouvements planants post-soixante-huitards, ce mysticisme facile, cette absence de modulation qui confine à la pauvreté du discours, cette musique d’ambiance dénuée de direction, ces références par trop explicites au plain-chant médiéval et au chant grégorien ou ces aplats de voix et de cordes stridentes presque hollywoodiens. Mais le soin porté à l’enregistrement, effectué en étroite collaboration avec l’ancien ingénieur du son qu’est Arvo Pärt lui-même, la qualité et l’homogénéité des cordes sont immédiatement frappants et tendent à emporter l’adhésion. Il y a là une présence sonore, une ampleur et une spatialisation des différents plans vraiment remarquables.
Le Stabat Mater d’une demi-heure, dont on ne saisit aucune des paroles et dont c’est le premier enregistrement, est peut-être l’œuvre la plus intéressante à cet égard. Après des fondus-enchaînés très effusifs entre les cordes et le chœur rappelant les Mahler de Mort à Venise comme Le Mépris (1963) de Georges Delerue, la partie centrale constituée de phrases musicales suspendues de façon apparemment aléatoires et suivies de silences impressionnants est l’occasion pour le chef de démontrer une maîtrise assez exceptionnelle des masses orchestrales.
La Troisième symphonie qui suit est plus connue mais ses fanfares inspirées de Guillaume de Machaut ou de Parsifal, somptueusement réalisées par les musiciens de l’Orchestre symphonique de la radio de Berlin, comme ses effets grossiers semblent vraiment n’aller nulle part et démontrer que le compositeur n’est pas à l’aise avec les formes classiques.
Avec le Cantique, qui a donné son nom à l’album et qui est une courte pièce à l’orchestration bien traditionnelle, mais d’un beau lyrisme, on revient à l’esprit du Stabat Mater, l’adéquation du chef avec cette musique mystique paraissant encore une fois évidente. La boucle est bouclée pour cette musique sans cesse en boucle.
Stéphane Guy
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