About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

09/02/2010
«Dialogues»
György Kurtág : Pilinszky János : Gérard de Nerval – Kroó György in memoriam
Philippe Schoeller : Isis II – Omaggio Kurtág – Lamento
Pierre Boulez : Dialogue de l’ombre double

Pascal Gallois (basson), Nicholas Isherwood (baryton), Garth Knox (alto), Sarah O’Brien (harpe)
Enregistré à l’Ircam, Paris (2000 et 2002) – 49’33
Stradivarius STR 33625 (distribué par Distrart)





Pascal Gallois donne à son instrument une image dynamique grâce à son souci constant d’enrichir le répertoire du basson d’abord par son travail sur l’affinement et le développement des techniques instrumentales et ensuite par son étroite collaboration avec les compositeurs lors de la composition d’œuvres nouvelles pour le basson ou de l’adaptation d’œuvres à l’origine pour d’autres instruments en fonction des possibilités et des qualités spécifiques de son Heckel-Fagott. Dans ce même esprit et dans l’espoir d’une meilleure connaissance générale de ce répertoire grâce à une plus large diffusion, le musicien a conçu, pour le label Stradivarius, un ensemble de trois disques – trois programmes de partitions récentes pour basson seul ou accompagné, enregistrés le premier, «Dialogues», entre 2000 et 2002, le deuxième, «Voyages» (voir ici) entre 2001 et 2005 et le troisième, «Gallois #3», en 2007. Chaque programme présente trois compositeurs différents, connus ou moins connus, de trois générations différentes entre Boulez (né en 1925) et Daï Fujikura (né en 1977).


Le programme de «Dialogues» ouvre et se ferme sur deux miniatures sombres et recueillies de György Kurtág. La première à la mémoire de János Pilinszky, s’inspire de son poème Gérard de Nerval; la seconde se voue simplement à l’écrivain et musicologue hongrois György Kroó in memoriam. Ecrites au départ pour violoncelle seul, János Pilinszky : Gérard de Nerval(1986) et Kroó György in memoriam (1997) existent en plusieurs versions. Effectivement, le ton douloureux qu’elles partagent et leur progression à pas mesurés appellent tout particulièrement la richesse sonore des instruments graves et Kurtág, au cours de révisions, les adapta en conséquence. Dédiées à Pascal Gallois, les deux versions pour basson seul, datent de l’an 2000. Malgré une respiration continue et le recours à un son multiple, Kurtág privilégie le timbre de l’instrument et la sensibilité expressive du musicien à la prouesse technique et Gallois émeut en investissant son fagott d’une dimension vocale d’une belle simplicité poétique, profondément humaine.


En 1995, Pierre Boulez composa, sur la suggestion de Pascal Gallois, une deuxième version pour basson et électronique du Dialogue de l’ombre double. On y retrouve transposée la partition de la version originale pour clarinette mais elle se différencie par un travail approfondi sur les timbres là où la version pour clarinette table davantage sur de subtiles variations de texture et de niveau sonore. Reste à l’identique le principe du dialogue à peine tuilé entre l’instrument (qui domine les six «Strophes») et son double, son ombre électronique préenregistrée (qui domine les deux «Sigles» et les transitions entre strophes). Mise en scène par un jeu d’ombre et de lumière et des sources sonores disposées de manière à créer une illusion de mouvement et de temps circulaires, l’œuvre, linéaire, garde ses pouvoirs de fascination tant conceptuels que musicaux et le choix entre les trois versions – clarinette, basson ou saxophone (2001) – ne peut dépendre que du goût de l’auditeur pour telle ou telle sonorité instrumentale. Pascal Gallois est au sommet de sa forme.


Le dialogue des trois pièces de Philippe Schoeller s’établit par l’association du basson à la harpe, à l’alto ou à la voix avec l’heureux effet de mettre en relief les qualités uniques du basson perçues plus finement dans des environnements sonores aussi insolites. Entrepris entre 2000 et 2001, Isis (1998) pour violoncelle devient un percutant Isis II pour basson et harpe à l’image de Volubilis (1995). La délicate partie de harpe se pose sur le parcours d’un basson protéiforme – sobre et alanguie sur l’ample bourdon de son ostinato agité, frissonnante sur sa stabilité lyrique. Sarah O’Brien apporte la touche de poésie nécessaire à un ensemble étrangement spatialisé par le rôle itinérant du basson – le musicien traverse le lieu scénique de part en part, synchronisé sur la durée de l’œuvre et créant des effets dynamiques tout à fait marquants. Contemporain d’Isis II, le bel Omaggio Kurtág confie un sonnet de Shakespeare à une voix de baryton avec basson et de discrets effets de percussion. Le sonnet est un poème d’amour éperdu mais l’interprétation de Schoeller en accentue le drame existentiel, peut-être pour atteindre la solennité des hommages à la Kurtág. Il confie au basson une seconde voix mobile en duo avec le baryton plus statique (quoique passant parfois en voix de tête), chacun poussé aux limites de son art. Nicholas Isherwood et Pascal Gallois, artistes de la création en 2001 s’y donnent ici avec tout autant de conviction. Plus ancien (1995-96), l’étonnant lamento, Lacrimosa, s’élève des sonorités opposées de l’alto et du basson. Lyrique, chagrine, gémissante et désolée, la révision de 2003 garde le seul titre Lamento pleinement justifié. Les parties des deux instruments sont en parfait équilibre complémentaire, l’alto paraissant par contraste timbral plus acide et plus mordant qu’à l’ordinaire, le basson plus cuivré ou plus doux. Monodique ou multiphonique, la pièce met en œuvre les techniques de jeu les plus audacieuses, défi relevé par Pascal Gallois et Garth Knox avec une aisance et une expressivité impressionnantes.


Comme Dialogue de l’ombre double, la spatialisation d’Isis II demande une légère mise en scène et en lumière et on peut penser que la présence au concert constitue un plus indéniable. La prise de son donne néanmoins un bon relief à un ensemble qui, au-delà de l’apparente austérité de son programme, reste tout à fait recommandable, en premier lieu aux bassonistes qu’il réjouira mais aussi à tous les mélomanes pour lesquels il ne pourra manquer d’attraits.


Le livret, qui n’est pas sans erreur, laisse cependant à désirer. Les artistes et les compositeurs sont succinctement mais convenablement présentés mais il manque le détail des enregistrements. Les trois brefs textes de Jean-Noël von der Weld sont avares de précisions sur les œuvres, à commencer par les dates. Il soigne davantage la forme et le style et celui-ci, qui se veut poétique, semble avoir posé de sérieux problèmes aux traducteurs anglais et italien. Le sonnet de Shakespeare y paraît en version originale.


Le site de Pascal Gallois


Christine Labroche

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com