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08/23/2010 «Yuja Wang : Transformation»
Igor Stravinsky : Trois mouvements de «Petrouchka»
Johannes Brahms : Variations sur un thème de Paganini, opus 35
Maurice Ravel : La Valse
Domenico Scarlatti : Sonates en mi majeur, K. 380, et en ut majeur, K. 466
Yuja Wang (piano)
Enregistré au Friedrich-Ebert-Halle de Hambourg (janvier 2010) – 58’27
Deutsche Grammophon 477 8795 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
Frédéric Chopin : Sonate n° 2, opus 35
Franz Liszt : Sonate en si mineur
Alexandre Scriabine : Sonate n° 2, opus 19
György Ligeti : Etudes n° 4 «Fanfares» et n° 10 «L’Apprenti sorcier»
Yuja Wang (piano)
Enregistré au Friedrich-Ebert-Halle de Hambourg (novembre 2008) – 73’58
Deutsche Grammophon 477 8140 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
La jeune pianiste chinoise Yuja Wang (née en 1987), qui enregistre sous un label prestigieux, mérite certainement son statut de «nouvelle étoile dans la galaxie des pianistes» (lire ici par exemple). Une personnalité prometteuse et une technique prodigieuse sont, il est vrai, la recette d’une propulsion méritée sur les devants de la scène (musicale comme médiatique).
L’an dernier, pour son premier disque chez DG, elle avait osé un répertoire sur-enregistré dans lequel elle faisait bonne figure sans emporter l’adhésion (pour un point de vue en anglais, lire ici): sa Deuxième sonate de Chopin était tenue et dense mais n’apportait rien à une discographie surabondante, alors que sa Deuxième sonate de Scriabine se révélait exaltée mais pas enivrante. En revanche, à côté de deux études de Ligeti bien exécutées, Yuja Wang intéressait davantage dans une Sonate de Liszt où l’on sentait poindre – timidement – une certaine urgence, alors que la poésie n’était pas absente de cette interprétation techniquement irréprochable.
De la même manière, son second album sous «label jaune» – au minutage un peu chiche – se révèle de très bonne qualité mais ne laisse pas d’impression durablement marquante, la faute à un style de jeu un tantinet «aseptisé». Dans les Trois mouvements de «Petrouchka» de Stravinsky, on apprécie la grande ductilité du poignet, qui lui permet d’obtenir un toucher équilibrant harmonieusement souplesse et vivacité – même si l’on peut souhaiter une frappe plus bestiale par moments. Sans parvenir à leur donner une unité d’ensemble (contrairement à ce qu’elle affirme dans la notice) ou une identité individuelle (à la manière d’un Arrau ou d’un Michelangeli, par exemple), Yuja Wang vient, en revanche, à bout des Variations sur un thème de Paganini de Brahms, qui scintillent comme de splendides miniatures virtuoses.
Prometteuse sur le papier – dans la notice, Yuja Wang annonce la couleur («au départ, Ravel présente les valses dans le style classique viennois, puis il transforme le tout en une danse de mort, comme dans la Salomé de Strauss (…) si bien que ce qui aurait pu sembler en façade une jolie valse recèle par-derrière quelque chose de maléfique») –, La Valse de Ravel – impeccablement peignée – manque de «maléfice» comme d’engagement et, surtout, d’une sacrée dose d’alcool et d’électricité. On se demande, enfin, ce que viennent faire les deux sonates de Scarlatti dans ce récital consacré aux «transformations» (celles du thème de Paganini, de la valse viennoise et de la marionnette devenue humaine…): sucrées et presque insipides, les Sonates K. 380 et K. 466 ne méritaient probablement pas le traitement décoratif et digital qu’on leur a infligé.
Par leur diversité de répertoire mais aussi par leur uniformité de style, ces deux disques sont une jolie carte de visite pour cette musicienne pleine de promesses – encore trop «tout-terrain» malheureusement pour que l’on puisse déceler ce qu’elle pourrait apporter à la longue histoire de l’art de l’interprétation pianistique.
Le site de Yuja Wang
Gilles d’Heyres
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