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08/22/2010
Lucien Durosoir : Jouvence, fantaisie pour violon principal et octuor – Caprice pour violoncelle et harpe – Berceuse pour flûte et piano – Incantation bouddhique pour cor anglais et piano – Vitrail pour alto et piano – Au vent des Landes pour flûte et piano – Quintette pour piano et cordes
Ensemble Calliopée, Karine Lethiec (direction artistique et alto)
Enregistré à la Ferme de Villefavard, Limousin (octobre 2009) – 73’13
Alpha 164 (distribué par Harmonia mundi)
Fignolant toujours autant ses produits, Alpha défend Lucien Durosoir (1878-1955), oublié des labels: après un premier disque consacré à sa musique pour violon et piano (Alpha 105) et un autre à ses Quatuors à cordes (Alpha 125), celui-ci, agrémenté d’un texte de présentation impeccable de Georgie Durosoir, belle-fille du compositeur, regroupe des œuvres de musique de chambre pour diverses formations écrites sur vingt-cinq ans.
Empruntant son nom à l’album, la première est une curiosité. Jouvence (1921), sous-titrée «fantaisie pour violon principal et octuor» (quintette à cordes, flûte, cor et harpe), repose sur un sonnet de José-Maria de Heredia extrait du recueil Les Trophées – Durosoir fut féru de poésie, notamment celle du Parnasse. Cet ouvrage bien français de ton déroute, que l’écoute s’effectue avec ou sans le support littéraire (reproduit dans le livret). Après la Première Guerre mondiale, à laquelle il participa, au début avec enthousiasme, Durosoir n’est plus le même homme. Ayant perdu tout espoir de reprendre sa carrière de violoniste virtuose (applaudie d’ailleurs dans les pays germaniques), il s’est éloigné des cercles parisiens et cherche à se reconstruire. L’ancien poilu lit ce texte avec ironie et lucidité, ce qui se traduit dans la musique («Marche funèbre» du troisième mouvement). Contemporain, le Caprice pour violoncelle et harpe (1921) est dédié à Maurice Maréchal, compagnon d’infortune mais aussi partenaire de musique de chambre pendant le conflit grâce à l’impulsion du général Mangin. Les difficultés et les angoisses vécues ne trouvent guère d’écho dans cette page printanière, lyrique et procurant un sentiment de liberté.
Comme nombre de compositeurs français, Durosoir a écrit pour la flûte. La Berceuse (1934), qui l’associe au piano, se caractérise par sa tristesse et sa nostalgie – sa mère allait mourir peu après. Le matériau a d’ailleurs été réutilisé pour son Chant élégiaque conçu à la mémoire de Ginette Neveu, tragiquement disparue. Plus bref et pour le même effectif, Au vent des Landes (1935) décrit à ravir l’effet du vent sur le paysage de cette région où l’auteur s’est installé dans les années 20 et où il finit ses jours. Dépourvue d’authenticité stylistique mais néanmoins typée (rythme, mélodie), Incantation bouddhique, pour cor anglais et piano (1946), témoigne de la spiritualité qui animait cet homme cultivé.
Vitrail, pour alto et piano (1934), fut couché sur le papier lors de la montée du nazisme, ce qui angoissa évidemment Durosoir, mais cette brève composition n’en laisse rien paraître. Conçu lors d’un long voyage itinérant dans l’Hexagone avec sa mère à la santé fragile (installation temporaire dans le Var et la Drôme), le Quintette pour piano et cordes (1925) dévoile, comme Jouvence, une personnalité plus affirmée. Dense mais clair et cohérent, cet ouvrage recherché, notamment au niveau thématique, se distingue par un langage plutôt original, souvent étonnant. Durosoir alterne les états d’âme de façon contrastée (exaltation, introversion) et varie avec versatilité les tempi et la dynamique. Une musique de caractère et essentielle défendue avec soin et conscience, tout comme le reste de ce beau programme, par les musiciens de l’Ensemble Calliopée que l’acoustique favorable de la Ferme de Villefavard met en valeur.
Le site de l’Ensemble Calliopée
Sébastien Foucart
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