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08/19/2010 «Alfred Brendel: The Farewell Concerts»
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 9, K. 271 «Jeunehomme» – Sonate n° 18, K. 533/494
Ludwig van Beethoven : Sonate n° 13, opus 27 n° 1 «Quasi una fantasia» – Bagatelle, opus 33 n° 4
Franz Schubert : Sonate n° 23, D. 960 – Impromptu, D. 899 n° 3
Joseph Haydn : Variations en fa mineur, Hob. XVII.6
Johann Sebastian Bach : Nun komm’ der Heiden Heiland, BWV 659 (transcription: Busoni)
Alfred Brendel (piano), Wiener Philharmoniker, Charles Mackerras (direction)
Enregistré en public à la Landesfunkhaus Niedersachsen de Hanovre (14 décembre 2008) et au Musikverein de Vienne (18 décembre 2008) – 141’09
Double album Decca 478 2116 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
On a mis cet album au frais un certain moment, le temps de laisser retomber l’émotion liée aux adieux d’Alfred Brendel (né en 1931), de laisser s’éloigner le souvenir de celui qui prit définitivement congé de son public en décembre 2008, à l’issue d’une tournée minutieusement préparée, venant conclure soixante ans de scène (lire notre compte rendu du récital et du concerto lors de cette tournée).
Decca publie donc le tout dernier récital du maître (le 14 décembre 2008 à Hanovre) et sa dernière apparition en concert (quatre jours plus tard à Vienne): l’occasion d’un hommage. Dans la notice, le regretté Charles Mackerras (1925-2010) – qui dirige le concerto de Mozart ouvrant l’album – salue ainsi le «puits de science musicale» alors que Clemens Hellsberg, le président du Philharmonique de Vienne, évoque un «modèle insurpassé de discipline artistique et humaine». Il faut dire que Brendel a su réussir sa sortie en choisissant des partitions à son image, celle d’un interprète privilégié de Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert et Liszt (seul ce dernier ne figure pas dans l’album, même si, lors de sa tournée d’adieu, Alfred Brendel n’oubliera pas – à l’occasion des bis notamment – le grand lisztien qu’il fut).
Au sein de l’abondante discographie du pianiste autrichien, toutes les pièces figurant dans ce double album n’ont pas rang d’indispensables. Il s’agit plutôt de choix du cœur, d’œuvres ayant une signification particulière aux yeux de l’interprète, ainsi qu’il l’explique lui-même dans la notice, évoquant sa «Liebeswerben um die Mozart-Sonate KV 533/494» et son admiration pour le «maître suprême de la surprise» qu’était Haydn. Le disque nous offre bien des «classiques» remplis d’équilibre et de grâce, mais pas de témoignages absolument primordiaux. Mozart et Haydn sont équilibrés, gracieux et intelligents, mais manquent peut-être de fantaisie, de fluidité et, au fond, d’une touche supplémentaire d’émotion.
Plus essentiels sont, avec Beethoven et Schubert, les témoignages «romantiques». Maintes fois interprétée par Alfred Brendel – et même brillamment analysée dans un DVD précieux (lire ici), la Sonate en si bémol majeur (1828) de Schubert souffre par moments d’une certaine mollesse du poignet (dans l’Allegro ma non troppo notamment, et ce malgré un tempo vif) mais témoigne d’une maîtrise accomplie du temps (Molto moderato), de la forme (Scherzo) comme du message (Andante sostenuto) du dernier Schubert.
Beethoven se situe encore un cran au-dessus. Tout comme la Bagatelle en la majeur (1802), la Treizième Sonate (1801), jouée d’une seule traite, présente Brendel à son meilleur, magicien de la forme beethovénienne et des multiples transformations des tempos et des thèmes. Il doit se trouver des mélomanes pour considérer que cet Opus 27 n° 1 n’est pas un chef-d’œuvre au sein du corpus des sonates de Beethoven: ce disque est fait pour eux; ils y découvriront l’expression d’un génie qui semble réunir, dans un arc-en-ciel de sonorités, Haydn et Mozart tout en se rapprochant de Schubert. Au casque, on entend le vieux pianiste marmonner, chantonner, ricaner même... bref, jouir de ce dernier coup d’éclat qui l’aura vu quitter la scène au sommet, sans avoir eu besoin de descendre de son piédestal.
Le site d’Alfred Brendel
Gilles d’Heyres
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