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08/18/2010
Sacrificium: «Le sacrifice au nom de la musique de centaines de milliers de garçons»
Nicola Porpora : Siface: «Come nave in mezzo all’onde» et «Usignolo sventurato» – Germanico in Germania: «Parto, ti lascio, o cara» – Semiramide riconosciuta: «In braccio a mille furie»
Antonio Caldara : Sedecia: «Profezie, di me diceste» – Adelaide: «Nobil onda» – La morte d’Abel figura di quella del nostro Redentore: «Quel buon pastor son io»
Francesco Araia : Berenice: «Cadrò, ma qual si mira»
Carl Heinrich Graun : Demofoonte: «Misero Pargoletto» – Adriano in Siria: «Deh, tu bel Dio d’amore... Ov’è il moi bene?»
Leonardo Leo : Zenobia in Palmira: «Qual farfalla»
Leonardo Vinci : Farnace: «Chi temea Giove regnante»
Riccardo Broschi : Artaserse: «Son qual nave»
Georg Friedrich Händel : Serse: «Ombra mai fù»
Geminiano Giacomelli : Merope: «Sposa, non mi conosci»

Cecilia Bartoli (mezzo-soprano), Il Giardino Armonico, Giovanni Antonini (direction)
Enregistré au centre culturel Miguel Delibes de Valladolid (28-31 janvier, 1er-3 février et 18-24 mars 2009) – 99’10
Album de deux disques Decca 478 1521 – Notice de Markus Wyler et Cecilia Bartoli et traduction des textes chantés trilingues (anglais, français, allemand)





Où Cecilia Bartoli s’arrêtera-t-elle? Après son mémorable album consacré à Vivaldi (Decca), suivi par ceux dédiés à Salieri et Gluck, elle avait déjà signé un magnifique album, «Opera proibita», où, sous la baguette alerte de Marc Minkowski, elle explorait déjà le répertoire des castrats du XVIIIe siècle dans des compositions de Händel, A. Scarlatti et Caldara. Voici deux disques qui poursuivent cette farouche volonté de découverte (sur les douze airs présentés dans le premier, onze sont ici enregistrés pour la première fois!) d’un répertoire qui, peu à peu, dévoile son immense richesse.


Immense richesse mais à quel prix! Cecilia Bartoli (qui a pleinement participé à la rédaction et à la présentation de la jaquette de cette édition de luxe, forte de 152 pages, agrémentée de multiples illustrations sur papier glacé) nous rappelle combien la castration de centaines de milliers d’enfants, «nécessaire» en raison de l’interdiction faite aux femmes de chanter pendant les messes a été encouragée par les plus hautes autorités de l’Eglise, à commencer par Clément VIII (pape de 1592 à 1605). La mue de la voix étant ainsi bloquée par une opération chirurgicale à laquelle beaucoup ne survivaient pas; certains enfants (car les dons initialement décelés pouvaient ne pas être aussi exceptionnels qu’on pouvait s’y attendre) développaient dès lors un registre vocal aigu qui n’a cessé de fasciner le public, cette pratique prenant fin au début du XIXe siècle, le dernier castrat Alessandro Moreschi étant décédé en 1922. En outre, la castration avait pour conséquence physiologique de développer la cage thoracique, les castrats bénéficiant donc à la fois d’une voix qui pouvait être exceptionnelle, notamment dans les aigus, et d’une colonne d’air dont la puissance leur permettait de rivaliser avec n’importe quel instrument de musique. Le XVIIe et, surtout, le XVIIIe siècle connaissent alors l’apogée des castrats, symbolisés par les véritables gloires européennes qu’étaient Giuseppe Appiani, Felice Salimbeni, Senesino, Guadagni, Caffarelli et, bien sûr, Farinelli.


Cecilia Bartoli choisit, dans ce disque, de nous présenter l’éventail du répertoire qui pouvait être confié aux castrats. Principalement de nationalité italienne, les compositeurs à l’honneur sont dominés par la figure de Nicola Porpora (1686-1768) dont on entend ici les extraits de plusieurs opéras: Siface (opéra en trois actes créé en décembre 1725 à Venise, sur un livret de l’incontournable Métastase), Germanico in Germania (opéra en deux actes créé en février 1732 à Rome), Semiramide riconosciuta (une première version étant créée en 1738, une seconde en 1739) et Adelaide (opéra en trois actes créé à Rome en 1723 lors du Carnaval). On y croise également les noms d’Antonio Caldara (1670-1736), dont on entend ici un extrait des oratorios Sedecia et La morte d’Abel (deux œuvres datant de 1732), de Leonardo Leo (1694-1744), auteur notamment de l’opéra Zenobia in Palmira (créé en 1725 à Naples), et de l’allemand Carl Heinrich Graun (1704-1759), dont on écoute ici des extraits de deux de ses opéras (sur un total de vingt-six composés pour la cour de Berlin), Demofoonte et Adriano in Siria (tous deux datant de 1746).


Quel résultat! On ne sait ce qu’il faut admirer en priorité…


L’alliance entre la voix et les instruments est idéale, qu’il s’agisse des cors et des violons dans «Come nave in mezzo all’onde» (Porpora), de l’écho des appogiatures, des trilles, des accents, du jeu fantastique des cordes qui ne font que répondre à Cecilia Bartoli («Cadrò, ma qual si mira», extrait de l’opéra méconnu Berenice de Francesco Araia), de la flûte bucolique dans l’aria «Usignolo sventurato» (Porpora, là encore), de la théâtralité orageuse et orchestrale du magnifique «Chi temea Giove regnante» (extrait de Farnace, opéra de Leonardo Vinci)? Encore une fois, Il Giardino Armonico, dirigé avec verve par Giovanni Antonini, prouve qu’il figure parmi les meilleurs ensembles baroques actuels.


Mais c’est la voix de Cecilia Bartoli qui, sans surprise, nous fait chavirer. Capable de toutes les audaces, inspirée par la moindre note, douée pour diversifier à merveille les atmosphères, la cantatrice italienne nous offre un feu d’artifice. Quelles vocalises dans «Come nave in mezzo all’onde» ou dans «In braccio a mille furie» (Porpora)! A l’inverse, quelle profondeur, quelle émotion dans «Misero Pargoletto» (Graun), la suffocation de la chanteuse répondant avec grâce aux hésitations rythmiques de la partition confiée aux seules cordes. De même, dans ce qui est peut-être le sommet de ce disque, dans l’aria «Quel buon pastor son io» (Caldara), comment ne pas avoir les larmes aux yeux en écoutant une mélodie aussi poignante, interprétée aussi magnifiquement? Au-delà de la performance vocale, soulignons également l’intelligence avec laquelle Cecilia Bartoli interprète ces partitions, sachant toujours trouver la juste intonation, jouant avec la musique tout en s’insérant avec humilité dans l’ensemble formé avec ses partenaires instrumentistes.


Une fois encore, Cecilia Bartoli nous éblouit. Une fois encore, on baisse les armes, faute de pouvoir lutter: le résultat va au-delà de ce que l’oreille peut parfois imaginer. Ce disque doit être acquis par tout un chacun tant il incarne la perfection: peut-être même l’a-t-il dépassée...


Le site de Cecilia Bartoli
Le site d’Il Giardino Armonico


Sébastien Gauthier

 

 

 

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