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08/07/2010 Johann Sebastian Bach : Matthäus-Passion, BWV 244
Johannes Chum (ténor, l’Evangéliste), Hanno Müller-Brachmann (basse, Jésus), Klaus Häger (basse, Judas, Pierre, Pilate, Prêtre II), Christina Landshamer (soprano, Madeleine I, l’épouse de Pilate), Marie-Claude Chappuis (alto, Madeleine II), Maximilian Schmitt (ténor), Thomas Quasthoff (basse, Prêtre I), Thomanerchor Leipzig, Georg Christoph Biller (chef de chœur), Tölzer Knabenchor, Gerhard Schmidt-Gaden (chef de chœur), Gewandhausorchester Leipzig, Riccardo Chailly (direction)
Enregistré en public au Gewandhaus, Leipzig (2 et 3 avril 2009) – 160’10
Coffret de deux disques Decca 478 2194 (distribué par Universal) – Notice trilingue (anglais, français et allemand) d’Andreas Glöckner et traduction bilingue (allemand et anglais) des textes chantés
Après les Concertos brandebourgeois, Riccardo Chailly poursuit ses enregistrements de l’œuvre de Johann Sebastian Bach (1685-1750), suivant la tradition inaugurée par ses glorieux prédécesseurs comme Mendelssohn ou Mengelberg, en gravant ici la célébrissime Matthäus Passion («Passion selon saint Matthieu»). Créé vraisemblablement en avril 1727, ce monument musical fit l’objet de nouvelles éditions de la part de Bach lui-même, qui révisa l’œuvre en 1736 et dans les années 1740. Trouvant son argumentaire essentiel dans l’Evangile selon saint Matthieu, le texte de la Passion est le fruit du travail de Christian Friedrich Henrici (dit Picander), auteur de nombreux ouvrages d’ores et déjà mis en musique par Bach. La collaboration entre les deux hommes a atteint ici son sommet, objet d’une véritable vénération depuis maintenant près de trois siècles.
Disposant d’effectifs vocaux et orchestraux conséquents comme nous le montre la photographie du concert dans la jaquette du présent coffret, Riccardo Chailly livre une version qui frappe en premier lieu par sa rapidité: alors que la Passion selon saint Matthieu tient habituellement sur trois disques, deux suffisent ici. Le chœur introductif «Kommt, ihr Töchter, helft mir klagen» fait 5’38 contre, par exemple, 7’08 chez Herreweghe (dans sa gravure datant de septembre 1984, disponible chez Harmonia Mundi)! Même si cela peut étonner au premier abord, Chailly s’en est très bien expliqué: «Dans les chœurs introductifs des deux Passions, il n’est question que d’angoisse, d’urgence, de drame. Pourquoi s’enliser dans une célébration colossale?» (entretien avec Renaud Machart, Le Monde, 10 avril 2010). Même si l’oreille n’est pas habituée à une telle vivacité, force est de constater que la musique coule de source et que le reste de la Passion s’avère être tout aussi naturel.
Les musiciens, bien que jouant essentiellement sur instruments modernes, sont tout à fait convaincants, adoptant les phrasés propres à leurs confrères baroqueux. Nul ne doit s’en étonner puisque, comme le confie Riccardo Chailly, «une partie de ces instrumentistes jouent, tous les dimanches, une cantate de Bach à l’église Saint-Thomas de Leipzig, sous la direction de Georg Christoph Biller, le cantor actuel, qui n’est que le seizième successeur de Bach à ce poste» (entretien précité). Incontestablement, le pli a été pris. On soulignera notamment la beauté des timbres des flûtes et des hautbois, si fréquemment sollicités dans cette œuvre foisonnante. Les chœurs sont également admirables de cohésion et d’engagement : écoutez par exemple le beau «O Mensch, bewein dein Sünde groß» dans la première partie ou «O Haupt voll Blut und Wunden» dans la seconde. Larges, apaisés, ils imposent d’emblée une vision assez hiératique de l’œuvre, contrairement peut-être à ce que semblait d’ailleurs souhaiter Chailly...
Les solistes, tout en chantant avec application leur partition, constituent peut-être la grande déception de cette version: en effet, la théâtralité est absente de la plupart des rôles et la ligne vocale s’avère assez étale. Tête d’affiche, apparaissant ici «courtesy of Deutsche Grammophon», Thomas Quasthoff frappe une fois encore par l’intelligence de sa diction (dans l’aria «Komm, süßes Kreuz, so will ich sagen») mais on l’a entendu plus inspiré, moins détaché du texte qu’il ne peut l’être ici. Johannes Chum est un honnête Evangéliste mais il ne possède pas encore la puissance évocatrice d’un Howard Crook ou d’un Ian Bostridge. Hanno Müller-Brachmann et Klaus Häger sont les plus convaincants parmi les voix masculines, leur timbre de bronze faisant véritablement merveille à chacune de leur intervention. Si Christina Landshamer déçoit, sa voix étant trop souvent blanche à force de vouloir être édulcorée (dans son aria «Aus Liebe will mein Heiland sterben»), Marie-Claude Chappuis tient quant à elle sa partie avec humilité («Ach Golgatha» dans la seconde partie) et une belle tenue vocale (quelle souplesse dans l’aria suivante, «Sehet, Jesus hat die Hand»!).
Même si l’on peut souhaiter rester fidèle aux versions de référence signées notamment par Herreweghe, Leonhardt et Harnoncourt, voici une version «moderne» parmi les plus recommandables. Attendons donc la suite des enregistrements de Bach par Chailly qui, pour le moment, se situent tous à un excellent niveau.
Le site de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig
Le site du Thomanerchor de Leipzig
Le site du Tölzer Knabenchor
Le site de Riccardo Chailly
Le site de Christina Landshamer
Le site de Marie-Claude Chappuis
Le site de Thomas Quasthoff
Sébastien Gauthier
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