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10/01/1999
Wolfgang Amadeus Mozart : La Flûte enchantée
Richard Strauss : Salomé
Claude Debussy : Pelléas et Mélisande

Wolfgang Amadeus Mozart : La Flûte enchantée
Anton Dermota (Tamino), Irmgard Seefried (Pamina), Erich Kunz (Papageno), Wilma Lipp (Reine de la nuit), Ludwig Weber (Sarastro)...
Wiener Philharmoniker, dir. Herbert von Karajan
EMI 5 67071 2 (" Great recordings of the century ")

Richard Strauss : Salomé
Hildegard Behrens (Salome), Karl-Walter Böhm (Herodes), Agnes Baltsa (Herodias), José van Dam (Jochanaan), Wieslaw Ochman (Narraboth)…
Wiener Philharmoniker, dir. Herbert von Karajan
EMI 5 67080 2

Claude Debussy : Pelléas et Mélisande
Richard Stilwell (Pelléas), Frederica von Stade (Mélisande), José van Dam (Golaud), Ruggero Raimondi (Arkel), Nadine Denize (Geneviève), Christine Barbaux (Yniold), Pascal Thomas (le berger et le médecin)
Berliner Philharmoniker, dir. Herbert von Karajan
EMI 5 67057 2 (" Great recordings of the century ")


L’anniversaire de Karajan a été accompagné d’une salve de rééditions, parmi lesquelles ces trois superbes enregistrements d’opéra de Mozart, Strauss et Debussy. Plus que tout autre, Karajan a toujours su choisir des distributions exceptionnelles. Celles de ces trois productions ont une extraordinaire tenue. Karajan ayant par ailleurs le plaisir de jouer avec les plus grands orchestre (Philharmonique de Vienne pour Mozart et Strauss, Philharmonique de Berlin pour Debussy), on ne sera pas surpris que le résultat soit à la hauteur de l’affiche. Mais c’est moins la qualité des interprétations qui étonne (les enregistrements sont célèbres!) que le fait qu’elles n’aient pas pris une ride, contrairement à d’autres enregistrements du grand chef.

La Flûte enchantée est présentée en étant amputée des passages parlés. C’est dommage, puisque l’oeuvre est réduite à une suite d’airs un peu idiote. Comme c’est beau, on ne boudera pas son plaisir, d’autant que l’orchestre peut être d’une souveraine virtuosité, dans l’ensemble sans être démonstratif, et en tout cas en toute légèreté. Karajan ne retrouvera pas toujours cette élégance pétillante dans ces enregistrements postérieurs de Mozart (son Cosi restant le chef d’œuvre du genre). Certains passages sont un rien décevant (chœurs approximatifs, fin un peut tape à l’œil dans le Finale, vents du début du second acte), mais il y a tant de passages magnifiques que l’on passe allègrement sur ces broutilles. Les chanteurs (Dermota, Seefried, Lipp, etc.) sont de toute façon tellement éblouissants...

Dans Salomé, l’orchestre est magnifié, orgiaque. Il insuffle une tension enivrante à tout l’opéra, par ailleurs soutenu par des voix un peu en retrait (par rapport à nos habitudes). L’équilibre voix-orchestre est ainsi inversé par rapport à Mozart, mais Karajan se garde bien de jamais couvrir " ses " chanteurs. Là encore, Hildegard Behrens et José Van Dam sont intenses. Le rôle de Salomé est en particulier loin de toute hystérie - qui se trouve plutôt du côté orchestral. On n’est ni dans Elektra, ni dans la tradition wagnérienne - ce qui n’empêche pas de retrouver la fusion des voix orchestrales qui sied aux deux compositeurs, et constitue une des formes du fameux legato de Karajan (que l’on pourra appeler legato vertical).

On sait que le rapport de Debussy à la musique de Wagner était pour le moins compliquée - ce qui témoigne toujours d’un grand amour, même contrarié. Debussy tente cependant d’échapper à cette influence. D’une certaine manière, la version de Karajan essaie de montrer qu’il n’y a pas réussi, en proposant une sorte de wagnérisation (prodigieusement intéressante) de Pelléas et Mélisande. Très présent, l’orchestre est très compact, parfois un peu épais, et n’a rien d’" impressionniste " - si l’on entend par là une espèce de légèreté et de transparence. Karajan joue plutôt sur la dynamique pour donner une patine " française " à l’orchestre, ce qui donne parfois lieu à certains effets peu naturels (pianissimi presque inaudibles dans certains interludes, etc.). L’orchestre de Berlin est cependant d’une plastique extraordinaire. Bien qu’elle soit assurément intimiste, on ne sait pas toujours bien quelle vision dramatique de l’oeuvre sous-tend l’enregistrement (dans la scène entre Yniold et Golaud, très douce dans l’ensemble, la tension met du temps à monter, au point que l’on ne comprend pas pourquoi Yniold se sent oppressé). La distribution vocale est là encore très belle : Frederica von Stade est une Mélisande très convaincante, José Van Dam étant de son côté un Golaud génial. Richard Stilwell convainc moins, au niveau de la diction comme de l’expression, mais il serait exagéré de dire qu’il gâche le plaisir. Cette version est assurément l’une des plus belles et des plus intéréssantes de la discographie - mais on l’acquerra de préférence comme seconde version, à côté d’une version plus classique (par exemple Abbado chez Deutsche Grammophon, qui plaira à tout le monde, ou la version de Cluytens chez Testament, extraordinaire malgré un orchestre un peu en retrait).

Ces trois rééditions nous rappellent cependant, à un moment où l’on commençait un peu de l’oublier, que Karajan était un très grand chef, entre autres d’opéra.


Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

 

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