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07/13/2010 « Le Berger Poète » : Suites et sonates pour flûte et musette
Pierre Danican Philidor : Cinquième suite en mi mineur pour flûte et basse continue
Nicolas Chédeville : Sonate n° 6 en sol mineur pour musette et basse continue
Jacques Hotteterre : Deuxième suite en do mineur pour flûte et basse continue
Jean-Ferry Rebel : Musette en ré pour flûte
Joseph Bodin de Boismortier : Sonate à quatre en la mineur pour trois flûtes et basse continue
François Couperin : Le rossignol en amour pour flûte et basse continue
Michel Pignolet de Montéclair : Plainte d’Iphise
Les bergeries de M. Couprin
Air de M. Demondonville
M. Dugué : Sonate en trio en do majeur pour musette, vielle à roue et basse continue Les Musiciens de Saint-Julien, François Lazarevitch (musette, flûte et direction)
Enregistré en la chapelle Notre-Dame de Bon-Secours, Paris (février 2008) – 72’07
Alpha 148 (distribué par Harmonia mundi) – Notice exhaustive bilingue (français, anglais) de Denis Grenier, François Lazarevitch et Jean-François Maillard
François Lazarevitch et ses comparses avaient déjà gravé, chez le même éditeur, un superbe disque « A l’ombre d’un ormeau » consacré à des airs galants qui faisaient intervenir, entre autres instruments, la flûte, la vielle à roue et la musette. Les voici qui récidivent dans une anthologie remarquable tant par sa diversité que par le panorama qu’elle nous offre, parcourant avec délice la première moitié du XVIIIe siècle français dans ce répertoire si particulier dédié à la flûte et à la musette. Instruments de prédilection des paysans, ils ont également été adoptés par la noblesse comme l’illustre à merveille le superbe Portrait du président Gaspard de Gueidan en joueur de musette peint par Hyacinthe Rigaud (1659-1743). C’est notamment la raison pour laquelle leur répertoire s’est très rapidement étoffé, s’acclimatant à des atmosphères aussi diverses que la galanterie, la rêvasserie, l’amusement ou la tendre nostalgie…
Véritable voyage dans l’univers baroque musical français, ce disque nous permet ainsi de croiser les noms de Pierre Danican Philidor (1681-1731), issu d’une lignée de musiciens célèbres, auteur de pièces réputées pour flûte en 1717 et 1718, Jacques Martin Hotteterre (1674-1763), flûtiste virtuose, auteur de multiples œuvres et ouvrages musicaux (dont une Méthode pour la musette, contenant des principes, par le moyen desquels on peut apprendre à jouer de cet instrument, de soy-meme au défaut de maître), Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), flûtiste également de grande renommée… Les dénommés Nicolas Chédeville (1705-1782), Jean-Ferry Rebel (1666-1747), père du plus célèbre François Rebel (1701-1775) qui dirigea l’Opéra avec François Francœur, Michel Pignolet de Montéclair (1667-1737), Philippe Dugué, un des maîtres baroques de la vielle à roue (avec Charles Buterne, Jean-Baptiste Dupuits ou Jacques Christophe Naudot), sont moins connus mais, à lire les notices que l’on peut trouver ici ou là, furent à leur époque des musiciens recherchés et très prolifiques. Il convenait de leur rendre justice: c’est chose faite avec ce disque.
Sans s’étendre sur chaque œuvre, signalons néanmoins les plus intéressantes. Commençons peut-être par le plus pittoresque avec cette Sonate pour musette et basse continue de Nicolas Chédeville: ancêtre de la cornemuse, marquant le goût de la société d’alors pour le pastoralisme et les bergeries, la musette fut utilisée comme instrument soliste à de nombreuses occasions. Cette sonate, qui enchaîne les deux premiers mouvements, nous entraîne dans une véritable ivresse tourbillonnante, illustrant la dextérité à laquelle peut se livrer un tel instrument, le quatrième mouvement établissant quant à lui un harmonieux dialogue entre la musette et les autres instruments. La Plainte d’Iphise de Michel Pignolet de Montéclair est également une œuvre remarquable notamment sur le plan des tonalités, la musette étant ici doublée par la flûte, toutes deux accompagnées de la vielle. Même si la musette est un protagoniste important, c’est surtout la flûte qui fait figure de fil conducteur dans ce disque. Tour à tour allante (la Gigue dans la Suite de Philidor), concertante, rappelant à l’occasion, ce que l’on peut entendre chez Telemann (la Sonate pour trois flûtes de Boismortier), chatoyante (imitant le volettement d’un oiseau dans Le rossignol en amour de Couperin), elle charme l’auditeur à chaque instant. Signalons tout particulièrement la Musette pour flûte de Rebel, pièce remarquable par l’effet sonore que provoque la flûte, accompagnée en sourdine par le clavecin. De même, la Deuxième suite de Hotteterre nous font immédiatement penser à certaines toiles de Nicolas Poussin (L’Eté ouLes Bergers d’Arcadie, calme voluptueux nous ramenant à un âge d’or aujourd’hui disparu.
François Lazarevitch, maître d’œuvre de l’ensemble, épaulé par ses compagnons (Alexis Kossenko et Philippe Allain-Dupré à la flûte, Matthias Loibner à la vielle, Lucas Guimaraes à la basse de viole, André Henrich au théorbe ou au luth, Stéphane Fuget au clavecin), convainquent de bout en bout dans un répertoire encore méconnu et, avouons-le, plutôt difficile d’accès. L’entreprise n’en est que plus remarquable!
Le site des Musiciens de Saint-Julien
Sébastien Gauthier
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