About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

07/10/2010
Robert Schumann : Carnaval, opus 9 – Fantasiestücke, opus 12 – Arabeske, opus 18

Irakly Avaliani (piano)
Enregistré au studio Gimmick à Yerres (juillet 2009) – 64’13 + 16’40 de DVD documentaire («Valse noble - making of»)
Mécénat groupe Balas BCD07 – Notice de présentation en français






Robert Schumann : Carnaval, opus 9 – Faschingsschwank aus Wien, opus 26 – Sonate n° 2, opus 22 (#) – Kinderszenen, opus 15 (#) – Variations Abegg, opus 1 (#) – Bunte Blätter, opus 99 n° 1 à n° 3 (#)
Brigitte Engerer (piano)
Enregistré à Moscou (#) (mai 1979) et au théâtre de La Chaux-de-Fonds (mai 1983) – 97’47
Double album Decca (distribué par Universal) – Notice de présentation en anglais et français






Robert Schumann : Carnaval, opus 9 – Papillons, opus 2 – Symphonische Etüden, opus 13
Michaël Levinas (piano)
Enregistré dans le grand auditorium de la Bibliothèque nationale de France (juillet 2009) – 47’26
Saphir Productions LVC 1093 (distribué par Abeille musique) – Notice de présentation en anglais et français






Robert Schumann : Carnaval, opus 9 (*)
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonates n° 12, K 332, et n° 14, K 457 (*) – Fantaisie, K 475 (*) – Variations sur «Ah, vous dirai-je, Maman», K. 265 (*)
Emmanuel Chabrier : Bourée fantasque (*) – Dix pièces pittoresques: Danse villageoise (#) – Scherzo-Valse (#)
Johann Sebastian Bach : Concerto italien, BWV 971
Jules Goudareau : Esquisse valse (¤)

Pierre Barbizet (piano)
Enregistré au studio Camera (vers 1970 (¤)) et dans la salle d’orgue du Conservatoire national de région (1979 (#), 1980 (*) et 1982) de Marseille – 116’
Double album Lyrinx LYR 272 (distribué par Codaex) – Texte de présentation en anglais et français







En cette année bicentenaire, quatre pianistes français nous livrent, au détour d’un récital, leur vision du Carnaval (1835) de Robert Schumann (1810-1856), pièce emblématique de l’univers du compositeur allemand, révélatrice des techniques et des styles d’interprétation de ce compositeur qui fut «très jeune un grand poète, un futur fou qui va bientôt porter son génie comme une plaie», pour reprendre les mots de Yann Queffélec décrivant si bien (dans la notice de l’album de son ancienne épouse) cette poésie qui est «une végétation dans l’âme, une broussaille alternant la fleur et l’ortie», qui a «pour aliments la folie, la souffrance humaine, et tous les sentiments qui introduisent le doute», qui «dépérit sous l’effet du bonheur».


C’est un Carnaval ivre de danse et de mystère – qui n’oublie pas même «Sphinxes» – que nous offre le pianiste d’origine géorgienne Irakly Avaliani (né en 1950). On y apprécie tout autant la sonorité riche que la délicatesse des nuances («Chopin») comme du toucher («Eusebius», «Réplique»), et plus encore l’instinct du tempo, lequel enivre par son caractère imprévisible – jusqu’à donner le tournis («Chiarina», «Marche des Davidsbündler contre les Philistins») sans jamais heurter l’oreille. L’apogée de ce style – qui convient peut-être moins à une Arabesque (1838) légèrement bousculée – réside néanmoins dans des Fantasiestücke (1837) de rêve, déjà saluées en concert (lire ici), concentrées jusqu’à l’étouffement («Au soir») et même l’hypnose («Pourquoi?»). Le pianiste sait gérer les transformations rythmiques («Dans la nuit», «Fable», «Songes troubles») sans malmener la clarté de la ligne musicale. Signalons, du reste, qu’édité grâce au soutien du groupe Balas et accompagné d’un DVD relatant les séances d’enregistrement en studio, le disque se présente sous la forme d’un petit livre d’art abondamment décoré de peintures de Masha S. et enrichi de textes signés Nancy Huston.


D’une fougue toute en cadences, le Carnaval de Brigitte Engerer (née en 1952) paraît, par comparaison, un peu trop bodybuildé et tonique pour ouvrir le cœur vers les mêmes nuances schumanniennes. On reconnaît à l’interprète un vrai sens du rythme («Coquette», «Reconnaissance»). Mais on regrette qu’un toucher parfois sec et qu’une frappe plutôt dure et courte en résonnance étouffent les rares moments de liberté et d’émotion («Chopin») et négligent la tendresse et la rondeur que ces pages méritent de véhiculer. Une interprétation inégale… à l’image d’un double album – au look très seventies (les galettes 33 tours de 1979 et 1983 n’avaient jamais été reportées sur CD) et faisant le grand écart entre les précoces Variations Abegg (1830) et les tardives Bunte Blätter (1852) – qui offre d’honorables Scènes d’enfants (1838), à la sonorité conquérante et au toucher racé, mais à l’émotivité glacée. Si le Carnaval de Vienne (1840) résonne terrien et vivace, Brigitte Engerer en restitue la lettre sans offrir les mêmes arrière-plans qu’un Yves Nat ou un Arturo Benedetti Michelangeli. Le prix de cet album réside toutefois dans une limpide et athlétique Deuxième sonate (1838), qui n’a rien à envier à celle de Catherine Collard.


Quant à Michaël Levinas (né en 1949), il donne de Carnaval une lecture analytique («Reconnaissance», «Florestan») et contemplative («Eusebius», «Aveu»). On le sait, le pianiste, membre de l’Académie des Beaux-Arts, est également compositeur et pédagogue, comme en témoigne le passionnant entretien avec Nahéma Khattabi qui figure dans la notice. Est-ce pour cela qu’on a sans cesse le sentiment qu’à force d’intellectualiser cette musique elle en perd sa fraîcheur et sa vivacité? Est-ce l’effet d’une technique de toucher aride («Pantalon et Colombine», «Valse allemande») ou des tempos plutôt pesants («Préambule», «Promenade»)? On avoue perdre le fil au milieu de tunnels d’ennui («Pierrot», «Arlequin»). Présentant les mêmes caractéristiques, les Etudes symphoniques (1837) et surtout Papillons (1830) se révèlent plus captivants en raison d’un minutieux travail de structuration du discours musical et d’individualisation des voix, mais ils n’émeuvent pas davantage.


A l’exact opposé, Pierre Barbizet (1922-1990) nous livre, au sein d’un album-souvenir qui restitue nombre d’inédits discographiques de l’ancien patron du Conservatoire de Marseille, un Carnaval jamais publié jusqu’ici… à titre posthume donc, mais pas morbide pour un sou. Enregistrée il y a vingt ans, cette version franche et directe s’impose par sa grande richesse de toucher et sa subtile ironie (on croit en permanence deviner un sourire en coin sur le visage de l’interprète… même dans «Sphinxes»). D’autres ont fouillé bien plus profondément les arrière-plans psychologiques des notes schumanniennes, avec davantage de virtuosité dans la frappe, mais peu ont su dégager cette impression de simplicité heureuse et d’émotion naturelle. Le reste de l’album est à l’avenant, franchement pas irréprochable techniquement (la plupart des captations résultent de prises uniques ou expérimentales), mais respirant la candeur, le charme et la liberté (Mozart), la prestance (Bach) comme le plaisir de jouer (Chabrier).


Le site d’Irakly Avaliani
Le site de Michaël Levinas


Gilles d’Heyres

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com