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05/04/2010
Antonio Vivaldi : Armida al campo d’Egitto RV 699

Furio Zanasi (Califfo), Marina Comparato (Emireno), Romina Basso (Adrasto), Martín Oro (Tisaferno), Sara Mingardo (Armida), Monica Bacelli (Osmira), Raffaella Milanesi (Erminia)
Concerto Italiano, Rinaldo Alessandrini (direction)
Enregistré au Pontificio Istituto di Musica Sacra, Rome (octobre 2009) – 171’03
Coffret de trois disques Naïve/Opus 111 OP 30492 –Notice et traduction des textes chantés en quatre langues (français, anglais, italien et allemand) de Frédéric Delaméa et Rinaldo Alessandrini





Le dernier volume des opéras parus dans la collection Vivaldi Edition diffusée par les éditeurs Opus 111 et Naïve était consacré à La Fida Ninfa, œuvre de la maturité d’Antonio Vivaldi (1678-1741). Quelle réussite ! On attendait donc beaucoup, après avoir été également subjugué par de précédentes réalisations (notamment Griselda et Tito Manlio), du présent volume qui ressuscite Armida al campo d’Egitto. Créé le 15 février 1718 au Teatro San Moise, ce «dramma per musica in tre atti» fut remanié par la suite, de nouveau présenté en 1738 au Teatro San Angelo (avec Anna Giro dans le rôle-titre, elle qui l’avait déjà chanté en 1719) avant de sombrer dans l’oubli le plus total. Si l’on ne peut a priori que le déplorer, on peut également se dire qu’il ne s’agit peut-être pas d’un hasard...


En effet, le livret en trois actes du vénitien Giovanni Palazzi est inspiré de façon lointaine d’un épisode de la Jérusalem Délivrée, poème épique du Tasse ; or, le librettiste, campant l’action à Gaza, a ignoré tout aspect historique ou guerrier, préférant s’en tenir à des histoires de cœur toutes plus complexes les unes que les autres. L’ensorceleuse magicienne Armida a été abandonnée par Rinaldo et veut donc, fort logiquement, se venger de cette déconvenue. Cherchant un bras courageux pour tuer Rinaldo, elle fait immédiatement tomber sous son charme deux officiers, Adrasto (aimé d’Osmira, nièce du Calife) et Tisaferno. Par ailleurs, elle tente vainement de séduire Emireno qui, pour sa part, soupire pour Erminia ; persistant dans ses avances, Armida fixe néanmoins un rendez-vous secret à Emireno qui repousse de nouveau ses tentatives, Armida clamant alors que celui-ci a tenté d’abuser d’elle : Emerino devient alors suspect de trahison aux yeux de Califfo. Loin de s’en tenir là, Armida poursuit ses manigances, faisant monter l’ambition et la tension entre Tisaferno et Adrasto, Erminia ayant pour sa part été poussée à la fuite par la magicienne qui, dans le même temps, incite Califfo à condamner Emerino à mort ! Mais, comme souvent, tout est bien qui finit bien puisque les stratagèmes d’Armida sont découverts : elle est pardonnée par Califfo (qui fait tout de même preuve là d’une incroyable mansuétude !), Emerino est innocenté et l’armée peut alors aller au combat comme un seul homme... On le constate immédiatement : cette action n’a aucune cohérence et on ne peut qu’admirer Vivaldi d’avoir bien voulu essayer de donner un sens à tout cela en servant par sa musique une intrigue aussi ubuesque !


A cet effet, que dire de la musique qu’il nous est ici donnée d’entendre ? Tout d’abord qu’elle est... rare : en effet, la partition est très largement dominée par les récitatifs, certes nécessaires pour expliciter une action dont on a vu qu’elle était complexe mais dont l’effet premier consiste surtout à rendre l’audition particulièrement longue. L’ennui guette en plus d’une occasion. Ensuite, il faut rappeler que cette partition est, pour partie, incertaine puisque le deuxième acte d’Armida est perdu : comme il s’en explique très bien dans la notice, Rinaldo Alessandrini a donc choisi de reconstituer l’acte manquant avec l’aide de Frédéric Delaméa sur le modèle bien connu des pasticci du XVIIIe siècle. Glanant ici et là des airs tirés notamment de Teuzzone ou de La Verità in cimento, qui viennent utilement compléter les trois arias originaux de l’acte II, Alessandrini et Delaméa ont donc, sur la base du livret existant, essayé tant bien que mal de donner un tant soit peu de cohérence au discours. Ils y parviennent sans nul doute mais on ne peut que jeter une oreille quelque peu suspicieuse sur ce que l’on écoute, tant les incertitudes sont nombreuses. Enfin, cette musique manque trop souvent de cette imagination qui fait de Vivaldi un compositeur si cher à nos yeux, capable d’utiliser dans une même aria aussi bien un chalumeau qu’une mandoline, capable d’adjoindre à une ligne de chant seulement deux ou trois violons qui suffisent à procurer un bonheur total à l’auditeur. Point de luxuriance ici puisque l’orchestre ne compte que des cordes, deux théorbes et un clavecin (deux cors sont à l’occasion requis pour accompagner une aria d’Armide à la scène 8 de l’acte III, « Tender lacci tù volesti », et un basson, notamment lors de la scène finale du deuxième acte « Chi alla colpa fa tragitto ») et que les chanteurs n’ont que peu d’occasion de briller.


En effet, et c’est peut-être là que la déception est la plus forte, alors que le chant vivaldien nous avait maintes fois habitué à tant de fulgurances, tant d’imagination, tant de surprise, Armida n’offre qu’un ensemble relativement banal. Certes, il existe quelques moments d’anthologie à commencer par ce qui devrait rapidement devenir un bis pour toute mezzo qui se respecte, la superbe aria « Il mio fedele amor » (acte I, scène 5) : Marina Comparato chante de manière radieuse et fait pleurer l’auditeur, accompagnée a minima par seulement quelques instruments. On peut également souligner le superbe jeu qui s’instaure entre les violons d’une part, Romina Basso et Martín Oro d’autre part, à la scène 2 de l’acte I (duo « Questo ferro e questo core »), ou lorsqu’ils accompagnent idéalement le seul Tisaferno (Martín Oro) à la scène 9 du même acte (« D’un bel volto arde alla face »). Pour continuer à tresser des louanges au contre-ténor, on ne peut passer sous silence son aria « Quel torrente, ch’alza l’onde » (acte III, scène 4), superbement enrichie par de délicates ascensions et descentes de cordes, figure innovante du plus bel effet. Si Raffaella Milanesi impressionne par la souplesse de sa voix (« Tù mi togli alle ritorte » à la scène 3 de l’acte I) et Monica Bacelli par la chaleur de son timbre (son aria « Se correndo in seno al Mare » frappe par sa délicatesse et par la douceur de son accompagnement), on regrette, en revanche, la faiblesse de l’incarnation de Furio Zanasi dans le rôle du Calife. Ainsi, son aria « So, che combatte ancor » (scène 10 de l’acte I) se révèle extrêmement mesuré alors qu’il devrait plutôt être rageur et véhément. Quant à Sara Mingardo, tête d’affiche de l’équipe, elle ne déçoit naturellement pas mais, faute peut-être d’air à sa mesure, elle n’éblouit pas non plus. Force est de constater qu’Armide ne se voit offrir, en tant que soliste, que deux arias à l’acte I, trois à l’acte II et deux à l’acte III. Hormis l’air « Segui pur, chi t’innamora » (acte II, scène 8) qui se caractérise par un bel échange entre la chanteuse et les cordes, sorte de jeu questions-réponses, et l’air « Tender lacci tù volesti » (scène 8 de l’acte III), Sara Mingardo ne trouve pas beaucoup de raisons de surprendre et de briller. Ses interventions n’en demeurent pas moins très convaincantes.


Rinaldo Alessandrini a eu raison d’exhumer cette partition, ne serait-ce que pour montrer à l’auditeur du XXIe siècle que le personnage d’Armide avait séduit Vivaldi, comme d’autres compositeurs avant lui (on pense naturellement à Jean-Baptiste Lully mais il convient également de mentionner le projet qu’avait en tête Claudio Monteverdi ou l’opéra de Benedetto Ferrari, créé en 1639 au Teatro SS. Giovanni e Paolo de Venise). Pâtissant d’une partition moins riche et moins virevoltante que bien d’autres, Alessandrini se complaît un peu trop dans un tempo qui, en plus d’une occasion, aurait mérité d’être plus vif (c’est d’ailleurs le reproche qu’on avait généralement pu lui faire lorsqu’il avait dirigé l’œuvre à la Salle Pleyel, à Paris, en octobre 2009). C’est une des raisons pour lesquelles cet album se situe un cran en dessous des précédentes œuvres parues dans la Vivaldi Edition : à ne réserver, donc, qu’aux amateurs inconditionnels !


Le site de Martín Oro
Le site de Raffaella Milanesi
Le site de l’Edition Vivaldi


Sébastien Gauthier

 

 

 

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