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04/22/2010 Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14, H. 48 – Le Carnaval romain, opus 9, H. 95 (*)
Anima Eterna Brugge, Jos van Immerseel (direction) (*)
Enregistré à Bruges (20-22 mai 2008) – 65’14
Zig-Zag Territoires 100101 (distribué par Harmonia mundi)
Les Siècles, François-Xavier Roth (direction)
Enregistré en public à La Côte-Saint-André (30 août 2009) – 52’35
Les Siècles Live/Musicales Actes Sud ASM02 (distribué par Harmonia mundi)
Un même distributeur pour deux enregistrements récents de la Symphonie fantastique (1830) de Berlioz, qui présentent avant tout une autre caractéristique commune: exactement vingt ans après John Eliot Gardiner et son tout jeune Orchestre révolutionnaire et romantique (Philips), Jos van Immerseel et François-Xavier Roth, à la tête de leurs ensembles respectifs, renouvellent l’expérience d’une interprétation sinon «historiquement informée», du moins sur instruments d’époque.
D’un côté comme de l’autre, le rouge et l’orange dominent, sauf dans la couverture du coffret Zig-Zag Territoires, illustré par une photo de squelette grimaçant, tandis que l’album d’Actes Sud Musique, une collection que vient de lancer l’éditeur arlésien, a opté pour un portrait retravaillé de Berlioz. Pour ce qui est du travail éditorial, l’avantage va aux Brugeois, avec une très longue notice (en français, anglais, allemand et néerlandais), à laquelle contribuent aussi bien le chef que certains des musiciens, précisant les instruments employés et brossant à grands traits les évolutions de la facture dans la première moitié du XIXe siècle.
L’autre notice (en français et en anglais), hormis elle aussi quelques mots du chef, est quasi inexistante: Roth se contente d’affirmer que «les instruments de l’époque de Berlioz, retrouvés, restaurés, jusqu’aux fameuses cloches du "Dies iræ", ont résonné de leurs spectaculaires caractéristiques». Pour sa part, Immerseel exclut les cloches, moyennant des justifications circonstanciées, pour les remplacer par deux pianos Erard – possibilité alternative que la partition ouvre elle-même – et réserve le vibrato aux valeurs longues – et encore, pas à toutes. Par ailleurs, si le fondateur d’Anima eterna indique avoir retenu l’édition critique publiée chez Bärenreiter en 1970, le texte utilisé par les uns et par les autres est manifestement différent, à en juger ne serait-ce que par l’intervention du cornet à pistons dans «Le Bal».
La question des effectifs fait évidemment partie de la spécificité de ces deux versions. Etant parvenu à dénicher dans les Mémoires de Berlioz des louanges aux ensembles (allemands) de petite dimension, Immerseel se contente de 69 musiciens (dont 36 cordes), flattés par une prise de son analytique en même temps que par l’acoustique assez réverbérée du nouveau Concertgebouw de Bruges. Sans autres détails, la liste alphabétique des musiciens des Siècles permet d’en dénombrer 79: les cordes sont donc plus nombreuses et, de façon générale, les sonorités paraissent plus épaisses, sans remettre en cause la prestation instrumentale de la formation française, d’autant qu’il faut tenir compte de conditions de captation moins avantageuses, qui ne laissent pas ignorer grand-chose des encouragements du pied et ahanements du chef mais, surtout, ne peuvent dissimuler un vrombissement assez désagréable au début de la «Scène aux champs». Il est vrai que ce disque s’attache à faire valoir un double supplément d’authenticité, puisqu’il témoigne d’un concert donné non seulement en public mais aussi dans le cadre du festival que La Côte-Saint-André dédie chaque année au compositeur, natif du lieu.
Pour ce qui est de l’interprétation proprement dite, Immerseel apparaît plus lent, sauf dans la «Scène aux champs», où il fait jeu égal avec Roth. Ce dernier est moins déstabilisant, plus traditionnel, trahissant une petite tendance à souligner les effets. Immerseel tire parti de la grande modération de ses tempi pour faire méticuleusement ressortir les détails et respecter scrupuleusement les nuances dynamiques, notamment aux cordes, produisant toutefois de la sorte un caractère artificiel qu’accentue la raideur de sa battue. Alors qu’on attendait de la part des deux chefs un déferlement d’idées et d’enthousiasme dans la «Marche au supplice» et le «Songe d’une nuit du sabbat», ils déçoivent considérablement, trop raisonnables et appliqués, presque débonnaires, manquant de ce grain de folie et de démesure qui doit enflammer la musique de Berlioz. A cet égard, la lenteur devient rédhibitoire chez Immerseel, malgré le timbre savoureux des bassons et ophicléides (le serpent ayant été délibérément écarté), défaut qui obère également, après une introduction menée au pas de course, l’ouverture Le Carnaval romain (1844) offerte en complément de programme.
En conclusion, Les Siècles l’emportent par défaut sur Anima Eterna, mais, pour en rester à ce type d’approche, Gardiner demeure loin devant.
Le site d’Anima eterna
Le site des Siècles
Le site de François-Xavier Roth
Simon Corley
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