About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

04/04/2010
«Horowitz – The Legendary Berlin Concert – 18th May 1986»
Domenico Scarlatti : Sonates pour piano en si mineur, K. 87, en mi majeur, K. 135, et en mi majeur, K. 380
Robert Schumann : Kreisleriana, opus 16 –Träumerei (extrait des «Kinderszenen»), opus 15
Franz Liszt : Valse-caprice d’après Schubert (extrait de «Soirées de Vienne») – Valse oubliée n° 1 – Sonetto del Petrarca n° 104 (extrait de la «Deuxième Année de pèlerinage»)
Serge Rachmaninov : Deux préludes, opus 32 n° 5 et n° 12
Alexandre Scriabine : Deux études, opus 2 n° 1 et opus 8 n° 12
Frédéric Chopin : Deux mazurkas, opus 7 n° 3 et opus 17 n° 4 – Polonaise n° 6, opus 53
Moritz Moszkowski : Etincelles, extrait des «Huit morceaux caractéristiques», opus 36

Vladimir Horowitz (piano)
Enregistré en public à la Philharmonie de Berlin (18 mai 1986) – 90’56
Un double album Sony Music 88697527082 – Notice de présentation en anglais






«Vladimir Horowitz at Carnegie Hall – The Private Collection», volumes 1, 2 et 3
Mily Balakirev : Islamey (°)
Ludwig van Beethoven : Sonates n° 14, opus 27 n° 2 «Clair de lune» (§), et n° 21, opus 53 «Waldstein» (=)
Frédéric Chopin : Barcarolle, opus 60 (~)
Joseph Haydn : Sonate n° 62, Hob.XVI.52 (+)
Franz Liszt : Sonate en si mineur (¤) – Saint-François de Paule marchant sur les flots (&)
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition (#)
Robert Schumann : Fantaisie, opus 17 (*)

Vladimir Horowitz (piano)
Enregistré en public au Carnegie Hall de New York (28 mars 1945 [=], 8 avril 1946 [*], 3 février [&] et 28 avril 1947 [~ §], 2 février [+] et 2 avril 1948 [#], 21 mars 1949 [¤], 23 janvier 1950 [°]) – 56’35 (* ° ~ &) + 50’10 (# ¤) + 50’19 (§ + =)
Trois disques Sony Music RCA Red Seal 88697538852 (# ¤), 88697548122 (* ° ~ &) 88697604742 (§ + =) – Notices de présentation en anglais






Un peu comme pour Maria Callas ou Sviatoslav Richter, dénicher des enregistrements inédits ou exhumer des captations oubliées de Vladimir Horowitz (1903-1989) est un exercice toujours réjouissant. Sony s’y emploie magistralement en rendant disponibles des interprétations représentatives de deux périodes bien distinctes de la carrière du «Roi des pianistes».


Berlin 1986, d’abord. Au soir de sa vie et à l’issue de sa dernière période dépressive, le pianiste américain entreprend une tournée européenne qui culminera par l’émouvant retour sur sa terre natale – avec le concert d’avril 1986 à Moscou – et par l’ultime récital à Hambourg, le 21 juin 1987, dans la ville où la carrière d’Horowitz avait été définitivement mise en orbite soixante ans plus tôt, grâce à un concerto de Tchaïkovski donné au pied levé, le 20 janvier 1926. Davantage qu’une notice, c’est un passionnant mini-livre (de soixante-deux pages) – agrémenté de photographies rares, d’une biographie très complète et de trois contributions originales – qui accompagne les deux disques. Il faudra toutefois être anglophone pour apprécier les textes de Norbert Ely (le présentateur du concert radiodiffusé du 18 mai 1986), Jürgen Kesting (le critique musical analysant la relation de Horowitz à Berlin, narrant le retour triomphal, la foule des admirateurs sans tickets massés devant la Philharmonie pour applaudir l’artiste, assis dans sa voiture plusieurs minutes durant, le visage enfoui entre les mains, profondément touché par l’accueil enthousiaste d’une ville encore coupée en deux) et surtout d’Elmar Weingarten (le responsable de la programmation musicale du Festival de Berlin, qui raconte comment fut monté ce projet de faire revenir Horowitz à Berlin, projet au départ improbable et secret – …avec comme nom de code: «La Cantatrice chauve» –, qui fut même menacé par la catastrophe du 26 avril à Tchernobyl… menace écartée par le pianiste d’une remarque singulière formulée en français: «Après moi le déluge!»).


D’une certaine manière, la notice fait le prix de cet album dont le contenu n’apporte pas grand-chose à la connaissance de la discographie horowitzienne, tant le programme comme son interprétation sont proches du célèbre récital de Moscou (depuis longtemps disponible chez Deutsche Grammophon), même si la prise de son berlinoise est plus riche et plus naturelle. On y retrouve deux caractéristiques de la «dernière manière» du pianiste: une poésie de la liberté – dans le rythme comme dans les nuances –; une détérioration des moyens physiques, qui se traduit par un certain nombre de fausses notes ou de trous de mémoire (comme dans ces Kreisleriana à la dérive – autrement plus convaincantes dans la version studio de 1985 – ou dans cette Polonaise «Héroïque» de Chopin que son interprète de quatre-vingt-trois ans peine à maîtriser). On y trouve toujours les mêmes fulgurances – quelque part entre folie et hallucination (Etude en ré dièse mineur de Scriabine, Sonnet de Pétrarque n° 104 de Liszt) –, la même sensibilité aussi (Rachmaninov).


New York à la fin des Forties, ensuite. Autre époque, autres moyens pianistiques. C’est bien «Satan au piano» – pour reprendre le mot de Clara Haskil – que l’on entend lors de ces concerts donnés à Carnegie Hall entre 1945 et 1950 et issus d’un legs de l’artiste à l’université de Yale. Comme pour le coffret berlinois, Sony – sous label RCA – a bien fait les choses, soignant l’iconographie et les commentaires, là encore disponibles en langue anglaise uniquement. Le son est admirablement restauré, même s’il demeure précaire pour les standards actuels, avec un crachotement permanent que l’auditeur concentré parvient néanmoins à intégrer (voire à oublier), ainsi que, lors de certains concerts, quelques toux dans la salle (… aucun risque de sonneries de portables, par contre).


Regroupés dans une collection baptisée «The Private Collection», dont trois volumes sont disponibles, ces enregistrements présentent Horowitz dans un répertoire familier pour les admirateurs du maître. Captés en 1948 (soit un an après la version de studio et trois avant un autre live bien connu), les Tableaux d’une exposition de Moussorgski confirment la singularité du geste du pianiste dans cette partition, «remoulinée à la sauce horowitzienne» afin d’en augmenter l’impact: un «Gnomus» d’une fulgurante éloquence (jusque dans les erreurs), des «Tuileries» où se balade un grand seigneur du clavier, un «Ballet des poussins dans leurs coques» où l’on crie au génie, «Limoges – Le marché» qui se termine au bord de la folie, d’étonnantes variations autour de «Baba Yaga» (le pianiste semblant improviser sur scène) et «La grande porte de Kiev» dont il modifie la fin, au terme d’une progression scriabinienne plus interrogative que conclusive. De même, entre la version turbo de 1932 et la version démiurge de 1976, la Sonate en si mineur de 1949 offre une facette encore différente de l’art lisztien, dont Horowitz aura décidemment exalté les visages les plus contradictoires aux différentes étapes de sa carrière. Horowitz nous plonge dans le chaos, dès le début d’un Allegro energico furieusement passionné et intensément concentré.


Mais ce que l’on apprécie le plus dans ces disques, ce n’est pas tant d’être épaté par la virtuosité exceptionnelle d’Islamey (Balakirev). C’est plutôt d’être à ce point touché par une Barcarolle (Chopin) débordante de vie, où les notes semblent s’écouler comme l’eau des fontaines en été, ou par le miracle d’un Saint-François de Paule marchant sur les flots (Liszt), dont l’émotion procède tout autant du murmure des sons que de l’invraisemblable déluge de notes qui se déchaîne sur la scène du Carnegie Hall. Quant à la Fantaisie de Schumann, elle résonne, malgré un son précaire, avec une liberté de rythme et une vivacité étonnantes, générant une émotion simple et alerte. On reste, en revanche, peu sensible à ce Beethoven abordé avec la même fraîcheur que Haydn, mais qui manque de profondeur (la «Waldstein» notamment). Peu importe en réalité, car le grand mérite de l’ensemble de ces publications est bien de dresser le portrait d’un interprète de génie, qui mit ses moyens hors-du-commun au service de l’éloquence artistique et de la liberté interprétative.


Gilles d’Heyres

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com