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03/12/2010 Boris Blacher : Orchestervariationen über ein Thema von Paganini, opus 26
Serge Prokofiev : Roméo et Juliette (extraits), opus 101 n° 3 et n° 6, et opus 64 ter n° 7
Darius Milhaud : Concerto pour batterie et petit orchestre, opus 109
Werner Egk : Französische Suite nach Rameau
Richard Wagner : Vorspiel und Isoldes Liebestod (*)
Modeste Moussorgski : Intermezzo de «Khovantchina» (orchestration Leopold Stokowski) (*)
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 5, opus 64 (*)
Werner Grabinger (percussion), Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, Sinfonie-Orchester des Süddetuschen Rundfunks (*), Leopold Stokowski (direction)
Enregistré en public à Baden-Baden (6 juin 1954 [Blacher] et 15 mai 1955 [Prokofiev, Milhaud, Egk]) et à Stuttgart (20 mai 1955 [Wagner, Moussorgski, Tchaïkovski]) – 127’35
Album de deux disques Hänssler Classic 94.204 (distribué par Intégral)
En 1998, la création de la SWR (Südwestrundfunk) a consacré la fusion au sein d’une même structure de la SWF (Südwestfunk, Baden-Baden) et de la SDR (Süddeutscher Rundfunk, Stuttgart), tout en maintenant l’identité de leurs orchestres respectifs: le premier devint alors le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, tandis que le second prit le nom de Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR. Leopold Stokowski, alors septuagénaire, avait été invité à diriger chacune de ces deux formations au milieu des années 1950, ce dont rendent comptent respectivement les deux disques de cet album, témoignages de concerts publics, selon les indications fournies par la notice (en allemand et en anglais).
Le doute est toutefois permis pour le premier disque, dont l’essentiel semble avoir été réalisé en studio et dont le programme rappelle opportunément que Stokowski fut un grand défenseur de la musique de son temps. Dès 1954 à Baden-Baden, il avait choisi de donner les Variations Paganini (1947), en présence de Boris Blacher. Malgré des imperfections instrumentales, assez surprenantes de la part de musiciens qui travaillaient alors avec Hans Rosbaud, le chef britannique frappe par sa manière de lancer soudain de formidables coups de patte, élans qu’on retrouve l’année suivante dans trois extraits de Roméo et Juliette (1935) de Prokofiev. Parmi les Suites que le compositeur a tirées de son ballet, il ne s’agit pas ici, contrairement à ce que précise le livret, de l’intégralité de la Troisième (1946), mais de seulement deux de ses six pièces, auxquelles s’ajoute «Roméo sur la tombe de Juliette», dernier des sept numéros de la Deuxième suite (1936). Si une grande partie de l’album a déjà été éditée sous d’autres étiquettes, tel n’est pas le cas des deux œuvres suivantes, où Stokowski se montre parfaitement à son avantage: énergique et expressif dans le bref Concerto pour batterie (1930) de Milhaud, l’une de ses toutes meilleures pages, et d’une verve néoclassique dans la Suite française (1949) de Werner Egk, que Fricsay enregistrait la même année pour Deutsche Grammophon.
Du point de vue du répertoire, le second disque (Stuttgart, 1955) est moins intéressant, car Stokowski a laissé par ailleurs bon nombre d’autres interprétations de ces pages qui étaient pour lui autant de chevaux de bataille. Prélude et Mort d’Isolde (1865) de Wagner tangue aussi bien techniquement et qu’esthétiquement, regardant un tantinet vers Hollywood, mais est poussé parfois jusqu’au délire par une inspiration sans cesse en éveil. L’Intermezzo de Khovantchina (1881) de Moussorgski offre des couleurs sauvages et âpres, dans une orchestration effectuée par Stokowski lui-même, qui n’hésite pas non plus à retoucher la Cinquième symphonie (1888) de Tchaïkovski, œuvre fétiche entre toutes. Tantôt démiurge, tantôt démagogue, il en livre une interprétation d’un autre temps, assumant pleinement sa subjectivité visionnaire, animée par de violents contrastes, aux tempi et aux phrasés fluctuant sans cesse: hystérie et sentimentalisme se déploient généreusement, mais malgré de nombreux accrocs instrumentaux et d’un stop and go excessif dans la Valse, on en redemande, tellement tout cela est conduit avec persuasion et autorité.
Simon Corley
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