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02/21/2010
Iannis Xenakis : Aïs – Tracées – Empreintes – Noomena – Roáï – Jonchaies – Shaar – Lichens – Antikhthon – Synaphaï – Horos – Eridanos – Kyania – Erikhthon – Ata – Akrata – Krinoïdi – Metastaseis – Pithoprakta – ST/48 – Achorripsis – Syrmos – Hiketidès
Spyros Sakkas (baryton), Béatrice Daudin (percussion), Hiroaki Ooï (piano), Orchestre philharmonique du Luxembourg, Arturo Tamayo (direction)
Enregistré au Conservatoire et à la Philharmonie du Luxembourg (2000-2006) – 299’
Coffret de 5 CD Timpani 5C1177 (distribué par Naïve)
Timpani emboîte les cinq disques que l’Orchestre philharmonique du Luxembourg a consacrés à Iannis Xenakis (1922-2001) de 2000 à 2006, déjà réédités séparément en version économique et plébiscités par la critique. Une aubaine pour ceux qui ne connaîtraient pas cette personnalité majeure du siècle dernier, «Léonard de Vinci moderne» comme l’écrit Alain Surrans dans son excellent texte de présentation. Il s’agit non d’une intégrale mais d’une sélection des œuvres pour orchestre parmi les plus essentielles de ce compositeur naturalisé français, de Metastaseis (1953-1955), son véritable opus 1 (un scandale à Donaueschingen), à Roáï (1991). Au contraire de Giacinto Scelsi, autre aventurier des sons, Xenakis se consacra surtout aux grandes formations et ce tout au long de sa carrière musicale qui précéda celle d’architecte menée dans l’atelier de Le Corbusier.
Illustrant magistralement l’alliage entre art et science auquel est parvenu cet ancien élève (libre) d’Olivier Messiaen, ces cinq heures de musique constituent un fascinant voyage dans un univers à proprement parler inouï. Les procédés d’écriture mis en œuvre, d’une complexité pouvant décourager les analystes les plus chevronnés, reflètent les préoccupations de ce «formidable professeur d’énergie» (Harry Halbreich) pour qui le quadrivium (arithmétique, astronomie, géométrie, musique) constituait la source de toute connaissance – Xenakis resta sa vie durant attaché à l’Antiquité. Les lois statistiques auxquelles obéissent ses partitions, qui subdivisent les voix jusqu’à soixante dans Shaar (1983) – dix portées pour la partie de piano soliste dans Synaphaï (1969)! – imposent une écoute globale, la meilleure façon de s’imprégner de cette musique éruptive, constamment en mouvement, rocailleuse, grouillante de vie, parfois inconfortable mais d’un impact physique énorme. Il y règne par moments une violence qui n’étonne pas de la part d’un ancien résistant gravement et définitivement blessé au visage durant la Seconde Guerre mondiale, incarcéré à plusieurs reprises dans sa jeunesse et condamné à mort en 1947.
Malgré une écriture immédiatement reconnaissable, ne fût-ce qu’à travers certains modes de jeu (flatterzunge, col legno, sul ponticello), les vingt-trois partitions retenues présentent leur propre individualité qui les rend chacune unique. Parmi les plus marquantes figurent notamment Aïs (1980), Antikhthon (1971), Jonchaies (1977), Lichens (1983) – le titre de ces deux dernières œuvres illustre leur structure en arborescence –, Roáï (1991), Synaphaï (1969) et le bref mais fulgurant Tracées (1987). Sous la direction dévouée d’Arturo Tamayo, l’entreprise de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg relève du défi tant est intense l’expérience physique et psychologique à laquelle sont soumis les musiciens. Indispensable à toute discothèque de musique contemporaine.
Le site de l’association Les Amis de Xenakis
Sébastien Foucart
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