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01/25/2010
Dominique Probst : Maximilien Kolbe

Andréa Snarski (Maximilien Kolbe), Paul Gérimon (Le chef de camp), Pierre Danais (Le prisonnier Pouchovski), Vincenzo Sanso (Le père de famille), Chœur d’hommes, Maîtrise Ecole régionale, Bernard Dewagtere (chef de chœur), Michel Moraguès (piccolo), Gilles Mercier (trompette), Christian Bouhey (contrebasson), Marie-Ange Petit, Franck Tortiller (percussions), Françoise Gangloff-Levechin (orgue), Sylvie Leroy (piano et chef de chant), Olivier Holt (direction musicale), Tadeusz Bradecki (mise en scène), Jan Polewka (scénographie), Jean Kalman (lumières), Krzysztof Zanussi (supervision artistique)
Enregistré à Paris (juillet 1988 [séquence synthétiseur]) et en public à la cathédrale d’Arras (7 et 8 octobre 1989) – 60’05 (y compris le bonus vidéo comprenant des extraits de l’opéra)
Intégral 221.232 (distribué par Intégral) – Notice (comprenant le livret d’Eugène Ionesco) en français et anglais et éléments en japonais






Intégral vient de rééditer l’enregistrement réalisé par Cybélia à la cathédrale d’Arras, dans le cadre du bicentenaire de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, les 7 et 8 octobre 1989, de la création française de l’opéra Maximilien Kolbe de Dominique Probst.


L’œuvre, d’une heure, conte l’histoire épouvantable, édifiante et bien connue du martyre de Maximilien Kolbe (1894-1941), franciscain polonais déporté au camp d’Auschwitz qui, en août 1941, remplaça, à sa demande, un père de famille condamné à mourir de soif et de faim avec d’autres otages à la suite de l’évasion d’un prisonnier qu’on finit par retrouver noyé dans les latrines du camp. Elle avait été commandée au frère de Jean-Claude Casadesus, Dominique Probst (1954), par Bernard Lefort, alors administrateur général du Théâtre national de l’Opéra de Paris, et créé, suite à l’abandon de la commande, à Rimini en août 1988.


La mise en scène, les décors et les costumes tels qu’ils ressortent des photographies prises lors de la création italienne et figurant dans la notice étaient clairement réalistes. Pour une fois, les uniformes nazis n’étaient donc pas portés par des personnages mozartiens, ni par ceux de Fidelio ou de Wozzeck, mais bien par des bourreaux nazis, les potences du fond de scène étaient destinés aux juifs et les tuniques rayées aux morts vivants du camp résumant et symbolisant les pires horreurs du vingtième siècle. Le livret conçu par Eugène Ionesco, dont ce fut la dernière œuvre, collait, il est vrai, au plus près de la réalité historique des derniers instants de Maximilien Kolbe, les propos du chef de camp étant aussi crus que violents. Mais la musique pouvait difficilement être réaliste elle aussi – la musique jouée à Auschwitz ne disant évidemment rien sur l’horreur du lieu –, et la difficulté, au-delà de celle plus générale consistant à faire de l’art après Auschwitz, question heureusement réglée par l’Histoire, était réelle. Si la guerre a pu inspirer maints compositeurs, il n’en est en effet pas de même des massacres à grande échelle de la Seconde Guerre mondiale. Karl Amadeus Hartmann écrivit une Sonate pour piano dont le sous-titre, 27 avril 1945, fait explicitement référence à la libération du camp de Dachau. Arnold Schönberg a composé une courte pièce pour narrateur, chœur d’hommes et orchestre, Un survivant de Varsovie en 1947. Dmitri Chostakovitch avait pu oser, en 1962, une Symphonie n° 13 inspirée du massacre par balles de plus de cent mille juifs à Babi Yar, près de Kiev, en 1941, Jean Ferrat avait créé une chanson, Nuit et brouillard, en 1963 et Krzysztof Penderecki avait tenté en 1967 de dire Auschwitz même avec des notes, à travers un oratorio, Dies iræ, proprement terrifiant et mélangeant des textes de la Bible, d’Eschyle, d’Aragon, de Valéry, de Broniewski et de Rozewicz afin d’accorder à son dramatisme exacerbé une portée universelle mais il faut convenir que ces tentatives d’exprimer l’inexprimable ne furent guère nombreuses.


La tentative de Dominique Probst, faite avec le cœur, était encore plus précise que les précédentes puisqu’elle tendait dans un même contexte à raconter l’histoire d’un saint contemporain. Ce point mérite quelque attention.


Les « biopics » font aujourd’hui des ravages au cinéma, marquant d’une certaine façon, une inquiétante crise du scénario. L’opéra n’est pas encore trop atteint bien que certaines tranches d’histoire aient fait à notre époque l’objet d’œuvres lyriques comme par le passé. Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen vient immédiatement à l’esprit. Il s’agit même aussi d’un opéra sur un saint. Au moins officiellement car ces « scènes franciscaines » par leur statisme s’apparentent probablement plus à un oratorio. Dans des registres différents, Nixon in China de John Adams, Ainadamar d’Osvaldo Golijov, sur l’assassinat de Federico García Lorca, peuvent également être mentionnés.


L’œuvre de Dominique Probst n’atteint pas l’ampleur et l’originalité de ces opéras et peine malheureusement à convaincre. Essentiellement, parce que rien n’y est sublimé. Faire du beau avec de l’abject est assurément une gageure mais c’est bien sous cet angle qu’il convient de juger l’opéra de poche Maximilien Kolbe et non au vu de la portée morale édifiante et radicale – « paradoxale » pour reprendre la belle expression de Vladimir Jankélévitch – du geste du franciscain canonisé. La construction de l’œuvre, en trois parties purement chronologiques, le fait de laisser le rôle de l’ignoble chef de camp à une basse, la quasi-réduction de la partition à de l’accompagnement des quatre solistes, parfois dans le style du music-hall avec des empilements de reprises progressivement enflées et martelées (plages 5 ou 7 dans le bunker de la mort par exemple), l’étroitesse de la palette sonore confiée à sept musiciens, la pauvreté harmonique de la batterie très présente voire trop (plage 2) – le compositeur est, il est vrai, percussionniste – ne surprennent favorablement à aucun moment pour dépasser le malaise inévitable devant le spectacle d’un martyre. S’il s’agit de s’en tenir aux faits, sur Auschwitz, on peut se demander si l’on peut surpasser la froide et analytique description de Si c’est un homme de Primo Levi. Il faut donc bien aller au-delà. Or, au total, du point de vue musical, l’opéra de Dominique Probst, sur un événement extraordinaire, est de facture très traditionnelle, voire banale.


Les interprètes s’en sortent très honorablement, mention spéciale devant être faite d’Andréa Snarski, baryton tout à fait convaincant dans le rôle-titre. On regrettera simplement que le chœur d’enfants qui achève l’opéra (en polonais) avant un carillon presque sulpicien ne soit malheureusement pas très bien tenu. Le point le plus décevant a trait à l’enregistrement. Il est marqué par la forte réverbération due au lieu de la prise de son : la cathédrale d’Arras. Les tutti sont écrasés sans paraître pour autant impressionnants et achèvent de laisser perplexe devant la nature de d’une œuvre qui est présentée comme opéra et non comme une pièce d’église.


Le site de Paul Gérimon


Stéphane Guy

 

 

 

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