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01/24/2010 Wolfgang Amadeus Mozart : Concertos pour piano n° 23, K. 488, et n° 24, K. 491
The Cleveland Orchestra, Mitsuko Uchida (piano et direction)
Enregistré en public au Severance Hall de Cleveland (4-5 décembre 2008) – 59’52
Decca 478 1524 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand
On l’a gardé longtemps sous le coude, ce disque-là. On se disait qu’on avait été leurré, que l’ambiance du moment, l’environnement extérieur, le contexte avaient altéré le jugement et exagéré l’émotion intense ressentie à l’écoute de ce Mozart venu d’Amérique. Et puis non, à chaque fois, le miracle s’est reproduit : celui de la simplicité parfaite. Est alors venu à l’esprit le nom de ces femmes qui ont marqué l’interprétation mozartienne par la magie de leur jeu – sans artifice ni grosses ficelles, mais avec intégrité et méticulosité : Lilli Kraus, Clara Haskil, Alicia de Larrocha, Maria João Pires... Certes, l’on ne doutait pas que Mitsuko Uchida ait, depuis longtemps déjà, rejoint ce panthéon des Mozartiennes. Mais ce disque poignant – réalisé semble-t-il en une seule prise de concert – incarne tout ce que l’on attend dans Mozart : l’évidence de la beauté dans la plus parfaite simplicité, le tout reposant sur une technique élaborée avec la plus grande minutie. Répondant à cette exigence, le Concerto en la majeur (1786) exalte, dès l’Allegro, les qualités d’intimité chambriste et d’échange entre la pianiste et les autres instrumentistes. De la même manière qu’on écoute gorge serrée le frémissant Adagio, il est difficile de contenir le sourire et la joie que provoque l’Allegro assai.
Mais le vrai miracle de ce disque, on le trouvera dans unConcerto en ut mineur (1786) où Mitsuko Uchida – qui dirige l’orchestre et joue sa propre cadence – semble suspendre le temps sans jamais bousculer le tempo. On a beau admirer le détachement du doigté, le dynamisme et la continuité du discours, la beauté des instruments (et notamment cette flûte, mélange vibrant de souffrance et de pureté), l’incessant dialogue entre les musiciens, on a du mal à expliquer les ressorts de cet Allegro d’anthologie, idéalement équilibré et émouvant. Le cours de ce voyage – de colères toutes intérieures en exaltations pudiques – se poursuit dans un mouvement central à la pulsation fervente, où les musiciens sont placés sur un pied d’égalité. Pris dans le juste tempo, l’Allegretto achève tranquillement de sécher les larmes du Larghetto et se conclut par une implacable montée en puissance, jusqu’au silence indescriptible – aussi déchirant que le «lachte» de Kundry – qui précède une conclusion en forme de coup de tonnerre. Le disque n’est pas très long, mais il est de ceux qui vous durent toute une vie.
Gilles d’Heyres
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