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01/18/2010
Composer sous Vichy
Yannick Simon
Symétrie – 424 pages, 40 euros
Composer sous Vichy : le titre ne reflète pas fidèlement l’ambition de cet ouvrage. Maître de conférences à l’Université de Rouen, Yannick Simon ne décrit pas uniquement la façon dont les compositeurs continuèrent à exercer leur métier durant l’Occupation mais, plus largement, la recomposition du paysage musical en France pendant cette période charnière. Rien n’est oublié : les compositeurs (les actifs, les silencieux, les disparus au combat, les prisonniers, les exilés, les persécutés), les institutions, les tendances – le néoclassicisme est privilégié mais on ne peut pas parler d’uniformité stylistique –, les genres à succès (ballets) et, bien sûr, le rôle des autorités françaises et allemandes dans le développement de cet art, en particulier à Paris. Pour l’occupant, soucieux de faire valoir son patrimoine, il s’agit même d’une priorité.
Fourmillant d’informations, ces 400 pages éclairent dans toute sa complexité la vie musicale dans l’Hexagone et, surtout, battent en brèche les idées reçues voire les images d’Epinal. Ainsi, les institutions privilégient la continuité et les salles de concert ne désemplissent pas. Peu de compositeurs étrangers se rendent toutefois dans la capitale pour y faire créer leurs œuvres. Dès lors, les Français, du moins ceux qui ne sont pas inquiétés par les Allemands, profitent de cette situation pour enrichir le répertoire. Bref, les activités se poursuivent avec une certaine intensité sauf durant la « drôle de guerre ».
Le comportement des compositeurs et l’influence de la situation politique sur leur travail sont analysés en détail : quand bon nombre témoignent d’opportunisme (Jean Françaix), voire collaborent ouvertement (comme Alfred Bachelet, Marcel Delannoy et Florent Schmitt, tous membres de la délégation partie à Vienne en 1941 pour les célébrations des cent cinquante ans de la mort de Mozart), d’autres témoignent de zèle vis-à-vis de Vichy (par exemple Henri Rabaud, impliqué dans la réorganisation du secteur musical calquée sur celle effectuée en Allemagne) ou jouent la carte de la discrétion. Rares sont ceux qui résistent comme Poulenc. Le cas de quelques-uns s’avère complexe, comme Honegger, le compositeur vivant le plus joué à l’époque, ou Schmitt, malheureusement moins développé, à la différence de Jolivet, qui tend vers une écriture moins moderne, et de Messiaen, qui développe au contraire un langage bien à lui. L’avalanche de noms, pour la plupart oubliés aujourd’hui, à laquelle est soumis le lecteur ne peut qu’inciter à partir à leur découverte.
Cette nouvelle publication de l’excellent et incontournable éditeur qu’est devenu Symétrie se lit comme un roman grâce à une plume limpide et rigoureuse. L’auteur faire revivre cet épisode singulier comme s’il l’avait connu. L’absence d’iconographie constitue le seul point faible mais ce livre passionnant s’avère tout simplement indispensable compte tenu du peu d’ouvrages de synthèse en ce domaine.
Sébastien Foucart
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