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01/10/2010
Extraits de La Force du destin de Verdi, de Norma de Bellini, d’Il Trovatore de Verdi, d’Il Barbiere di Siviglia de Rossini et deuxième acte de Tosca de Puccini

Maria Callas (soprano), Jacques Mars (Orovese), Albert Lance (Manrico, Mario), Jean-Pierre Hurteau (Sciarrone), Louis Rialland (Spoletta)
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Paris, Georges Sébastian (direction)
Enregistré en public à Paris (19 décembre 1958) – 91’32
Album de deux disques INA, mémoire vive IMV083 – Présentation en français et en anglais





19 décembre 1958 : gala de bienfaisance de la Légion d’honneur, où toute la jet set se presse au Palais Garnier. René Coty, lui, effectue sa dernière sortie de président de la République : Charles de Gaulle vient d’être élu. Peu importe le prix des places : « la » Callas, pour la première fois, chante à Paris, qui ne l’entendra donc que dans la seconde partie de sa carrière, alors que la voix n’est plus à son zénith. En janvier, à Rome, elle l’a même trahie : la représentation de Norma, donnée en présence du président de la République italienne, doit s’interrompre après « Casta diva » ; un énorme scandale éclate et la diva devient plus que jamais la proie des médias, qui vont bientôt se régaler de sa liaison avec Aristote Onassis. En novembre, Rudolf Bing a annulé par télégramme ses engagements au Met. Le triomphe parisien la rassure, donnant le coup d’envoi de sa carrière française : Paris la verra interpréter Norma en 1964, Tosca en 1965. La même année, elle y reviendra en Norma, épuisée, incapable d’aller jusqu’au bout de la soirée du 29 mai. Le public parisien aura donc vu se briser une carrière : le 5 juillet, au Covent Garden, Callas, pour la dernière fois, chantera tout un rôle sur une scène d’opéra – le suicide de la cantatrice Floria Tosca, à la fin de l’opéra de Puccini, fera figure de symbole.


Le 19 décembre 1958, ça commence mal. L’Ouverture de La Force du destin part dans tous les sens, avec des sonorités fort laides, donnant une piètre idée du grand chef de théâtre qu’était George Sébastian. « Casta diva » n’est pas le meilleur que Callas nous ait légué : la voix paraît ingrate, stridente, bouge beaucoup dans le récitatif, puis se stabilise un peu dans l’air, où la maîtrise du souffle affine le legato, peine enfin dans une cabalette aux vilains contre-ut. Le redoutable « D’amor sull’ali rose » du Trouvère met à nu les failles de la voix, qui ne parvient pas à assumer des aigus pianissimo, avant de se reprendre dans le moins risqué « Miserere » - où l’on entend le vaillant Albert Lance. Le trac, l’angoisse d’une soirée unique en son genre, où public, auditeurs et critique retenaient leur souffle ? Tout change avec Le Barbier de Séville, l’orchestre réagissant mieux à la fougue et à l’humour du chef qui le bouscule. Callas, elle, est souveraine, pleine d’agilité et de malice, recouvrant la pleine maîtrise de ses couleurs, belcantiste authentique, interprète inimitable.


Le deuxième acte de Tosca constitue ensuite un grand moment de musique et de théâtre. L’orchestre retrouve son répertoire, Sébastian met le feu à la musique. Callas, si elle a des faiblesses, les transcende par son génie de la caractérisation, agressive ou désespérée, innocente ou calculatrice, gardant justement toute sa science de belcantiste dans ce rôle dont le vérisme en a piégé beaucoup. Et son affrontement avec le Scarpia carnassier, priapique et sadique de Tito Gobbi appartient désormais à l’histoire. Albert Lance, mais aussi les autres membres de la troupe de l’Opéra, tiennent fort bien leur rang. Il manque seulement l’image : Callas et Gobbi, on le sait, brûlaient les planches. Un DVD EMI « The eternal Callas » restitue la première partie de la soirée, portant à plus d’indulgence pour Norma et Le Trouvère, tant la chanteuse s’identifie à ses rôles, les blessures de la voix devenant celles des héroïnes, même si l’on ne jouerait plus ainsi aujourd’hui. On a mieux au disque, studio ou live, où l’on entend de surcroît les œuvres dans leur intégralité, mais le moment, historique, méritait de figurer dans la remarquable collection « Mémoire vive » de l’INA.


Didier van Moere

 

 

 

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