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01/06/2010 «Europakonzert 2008»
Igor Stravinsky : Symphonie en trois mouvements
Max Bruch : Concerto pour violon n° 1 en sol mineur, opus 26
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 7 en la majeur, opus 92
Vadim Repin (violon), Berliner Philharmoniker, Sir Simon Rattle (direction), Michael Beyer (réalisation)
Enregistré en public à Moscou (1er mai 2008) – 92’
Medici Arts 2056978 – Son PCM Stereo – Format NTSC 16:9 – Region Code 0
Pour célébrer l’anniversaire de leur création (en 1882), les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Berlin donnent chaque année un concert, baptisé Europakonzert, dans une grande ville européenne. Après, entre autres, Versailles (Beethoven dirigé par Daniel Barenboim) en 1993, Stockholm (Wagner/Debussy/Verdi dirigés par Claudio Abbado) en 1998, Lisbonne (Ravel/Mozart/Bartók dirigés par Pierre Boulez) en 2003, voici l’édition 2008, le présent enregistrement ayant été effectué le 1er mai au Conservatoire Tchaïkovsky de Moscou, sous la direction du chef titulaire de l’orchestre, l’Anglais Sir Simon Rattle.
Avouons-le d’emblée: ce concert ne laissera pas de souvenir impérissable dans les mémoires. Le programme s’avère relativement classique, faisant se côtoyer concerto et symphonies, compositeurs «locaux» et du répertoire: de ce point de vue, on peut regretter que Sir Simon Rattle reprenne la Septième symphonie de Beethoven que Claudio Abbado avait déjà inscrite au programme du précédent Europakonzert russe, donné à Saint-Pétersbourg en 1992 (œuvre alors couplée avec des extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev, des mélodies pour basse et orchestre de Moussorgski et les deux Romances pour violon et orchestre du même Beethoven). Les musiciens donnent trop souvent l’impression de se contenter du service minimum et le public lui-même se borne à applaudir poliment un concert qui débutait pourtant par son sommet, la Symphonie en trois mouvements d’Igor Stravinsky (1882-1971). Cette page de 1946 marque le retour de Stravinsky à la mélodie et au génie de ses premières inspirations: dès sa création, elle fut saluée comme un nouveau chef-d’œuvre. Simon Rattle est visiblement dans son élément, parvenant à donner sens à une partition rythmiquement complexe et dont les mélodies, passant sans vergogne du sarcastique inquiétant au lyrique absolu, donnent du fil à retordre à l’ensemble des pupitres (mention particulière au pianiste dans le premier mouvement!). L’Andante met avant tout en valeur les bois de Berlin (où brille notamment le flûtiste Emmanuel Pahud), les caméras prenant également plaisir à s’attarder (avec raison) sur le visage si expressif du chef. L’orchestre conclut brillamment l’œuvre dans un Presto où semblent se concurrencer piano, harpe et violons avant que le tourbillon n’emporte finalement tout l’orchestre.
Au classique du XXe siècle succède ensuite un classique du répertoire concertant pour le violon, le Premier concerto de Max Bruch (1838-1920). Vadim Repin interprète avec facilité (quelle technique!) cette page que Bruch avait composée en 1868 et dédiée à l’immense Joseph Joachim. Si la partition peut aisément donner lieu à certains excès de sentimentalisme, Repin (et Rattle avec lui) privilégient la sobriété, notamment dans le premier mouvement (Allegro moderato) où les emportements orchestraux sont légion. Les plans des caméras nous montrent alternativement, de façon assez conventionnelle, le soliste et le chef, l’orchestre en gros plans et en vues d’ensemble, ce qui contribue à banaliser quelque peu le discours musical, d’autant que l’inspiration que l’on voyait poindre dans le premier mouvement s’estompe assez rapidement. Le deuxième mouvement (Adagio) se révèle ainsi plus statique que lyrique, alors que le Finale – Allegro energico pèche par un certain déséquilibre entre un orchestre somptueux et un Vadim Repin au violon trop souvent aigre. Si, encore une fois, on ne peut qu’être admiratif à l’égard des moyens manifestés par le jeune soliste (né en 1971), la séduction n’est pas fatalement au rendez-vous.
Plus décevante encore, la Septième symphonie de Ludwig van Beethoven (1770-1827) que l’Orchestre philharmonique de Berlin n’a cessé de jouer durant les presque 130 années de son existence. L’intégrale des Symphonies laissée par Rattle à la tête de l’Orchestre philharmonique de Vienne avait laissé une impression mitigée, la volonté de renouveler le discours reléguant trop souvent le naturel du discours musical. Ici, l’orchestre est plus allant mais le ressenti demeure un peu le même: on ne sent que trop rarement la force de la partition, ce flot sonore qui emporte tout sur son passage, Simon Rattle retenant trop fréquemment la bride d’un orchestre dont on sent qu’il aimerait parfois avoir davantage de liberté. Certes, l’Allegretto est superbe: Berlin reste Berlin et seuls quelques orchestres au monde peuvent ainsi jouer aussi pianissimo avec autant d’intensité! Les troisième et quatrième mouvements se révèlent davantage conformes aux interprétations communes même si on ne peut nier l’excellence des musiciens.
Assister à de tels concerts reste toujours un moment privilégié mais l’Orchestre philharmonique de Berlin nous ayant parfois autrement transporté – pensons à cet Europakonzert donné au Teatro Massimo de Palerme sous la direction de Claudio Abbado en 2002! – on n’en reste pas moins déçu par cette relative contreperformance.
Sébastien Gauthier
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