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01/05/2010 Louis Spohr : Sextuor à cordes en do majeur, opus 140 – Nonette en fa majeur, opus 31
Camerata Freden
Enregistré en 2008 – 59’33
Disque Tacet 172 (distribué par Intégral) – Notice trilingue (anglais, allemand, français) de Robert Nemecek
Les monstres sacrés que furent certains compositeurs au XIXeme siècle Outre-Rhin ne doivent pas pour autant masquer l’extraordinaire vie qui animait alors l’ensemble de la musique allemande. Il faut bien avouer que le pauvre Louis Spohr (1784-1859) n’a pas eu beaucoup de chance en devenant l’ami de Ludwig van Beethoven et en optant pour une carrière de violoniste virtuose alors que son rival européen n’était autre que Niccolò Paganini! Auteur d’une œuvre considérable au sein de laquelle on peut notamment mentionner de belles symphonies, de très intéressants concertos pour clarinette et quelques opéras tombés aujourd’hui dans l’oubli (Faust, Jessonda), voici un disque qui complète le regard que l’on peut porter sur ce compositeur trop méconnu.
Spohr ayant également laissé un abondant catalogue de musique de chambre, c’est donc avec un grand plaisir que l’on écoute ici deux œuvres majeures, l’une strictement dédiée à la famille des instruments à cordes, la seconde faisant également intervenir plusieurs instruments à vent. Datant de 1848, le Sextuor à cordes en do majeur requiert deux violons, deux altos et deux violoncelles. Dans le premier mouvement (Allegro moderato), le thème est lancé par les altos avant d’être repris par les autres pupitres avec un bel élan dans une atmosphère empreinte à la fois de fraîcheur et de profondeur. Si le Larghetto n’appelle pas de remarque particulière, on s’attachera en revanche à écouter avec la plus grande attention le magnifique troisième mouvement, un Scherzo d’une délicatesse inouïe dominé par le thème confié aux deux violons tenus respectivement par Adrian Adlam et Takane Funatsu. Après un aussi beau moment, on reste un peu sur sa faim avec le Finale – Allegro conclusif, plus banal dans sa construction et dont la fin s’avère quelque peu va-t-en-guerre.
Œuvre plus ancienne (elle a été composée en 1813), le Grand nonetto pour violon, alto, violoncelle, contrebasse, flûte, hautbois, clarinette, basson et cor est d’une toute autre ambition. Non seulement il s’agit du premier nonette de l’histoire mais, en outre, il parvient à imaginer une nouvelle forme musicale délaissant la «classique» sérénade telle qu’elle existait pour ce genre d’effectifs à l’époque de Mozart par exemple. Au sein des quatre mouvements, les deux plus intéressants sont sans conteste les deux premiers. L’Allegro initial est un modèle d’équilibre et de bon goût, le thème lancé par les cordes étant notamment repris sous diverses formes par les bois (basson puis clarinette pour commencer). Soulignons ici encore l’excellence des musiciens de la Camerata Freden, notamment Christoph Renz à la flûte, Til Renner à la clarinette et Stefanie Kopetschke au cor. Le deuxième mouvement, Scherzo – Allegro , illustre parfaitement la volonté de Spohr (même si le premier trio qui y est inséré met en exergue un violon solo, extrêmement cabotin), qui a consisté à ne privilégier aucun instrument par rapport à l’autre, veillant bien au contraire à permettre à chacun de s’exprimer à son tour avec la même vélocité et la même musicalité.
Nouvelle pierre apportée à l’édifice (on écoutera avec profit le superbe Octuor opus 32 et le Septuor opus 147), ce disque est donc une excellente aubaine pour ceux qui ne connaîtraient ni les grands mérites musicaux de Louis Spohr et qui pensent que, hors Beethoven et Schubert, il n’y a rien de véritablement intéressant en ce début de XIXe siècle musical germanique.
Sébastien Gauthier
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