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12/29/2009 Ludwig van Beethoven : Fidelio, opus 72
Erwin Gross/Alfred Pöhl (Don Fernando), Hannes Schiel/Heinz Rehfuss (Pizarro), Richard Holm (Florestan), Claude Nollier/Magda László/Grete Zimmer (Leonore), Georg Wieter/Wolfgang Hebenstreit (Rocco), Sonja Schöner (Marzelline), Fritz Berger (Jaquino), Michael Tellering/Kurt Equiluz (Erster Gefangener), Harry Payer/Leo Heppe (Zweiter Gefangener), Wiener Staatsopernchor, Hermann Lüddecke (chef de chœur), Wiener Symphoniker, Fritz Lehmann (direction), Nicolaus Hayer (directeur de la photographie), Rochus Gliese, Leo Metzenbauer (décors et costumes), Walter Felsenstein (supervision artistique et réalisation)
Réalisé en 1956 – 85’48
Arthaus 101 301 (distribué par Intégral) – Son PCM stereo – Format 4/3 – Region code: 0 – Notice en anglais et en allemand
Au sein de l’édition qu’Arthaus consacre à Walter Felsenstein (1901-1975), ce Fidelio (1805/1814), contrairement aux six autres volumes, ne reflète pas une représentation donnée à la Komische Oper dont il fut le fondateur. En effet, il s’agit ici de ce que le metteur en scène d’origine autrichienne tenait pour son «unique film musical», tourné entre 1954 et 1956 dans son pays natal (en zone soviétique), au moment même où l’Autriche recouvrait son statut d’Etat à part entière: bien avant La Flûte enchantée de Bergman ou Don Giovanni de Losey, il ne se contente pas de filmer un spectacle mais cherche des solutions originales afin d’adapter l’opéra pour le grand écran.
Le format cinématographique impose d’abord la durée: avec l’aide du compositeur Hanns Eisler (1898-1962), il a donc réduit et arrangé la musique ainsi que les dialogues, modifiant au besoin l’ordre des numéros. Mais ces aménagements sont cohérents avec son approche de l’œuvre, qui s’intéresse moins à la comédie des premières scènes qu’au message politique de Beethoven: un nouvel équilibre qui profite au second acte, désormais presque aussi long que le premier. Malgré des scènes qui ont mal vieilli, comme Marcelline chantant son air noyée sous les pétales de fleurs, le noir et blanc adopte la vigueur d’un Eisenstein en même temps que la sécheresse d’un Brecht pour créer des scènes évoquant parfois aussi l’expressionnisme du muet des années 1920. Certains acteurs ne sont autres que les chanteurs eux-mêmes, mais d’autres sont doublés par un chanteur pour les passages chantés voire par un autre acteur pour les dialogues. Si la caméra adhère de près à la partition, les acteurs ne font pas pour autant systématiquement semblant de mimer le chant avec les lèvres, les parties vocales venant alors apporter un éclairage psychologique à l’image.
De qualité technique médiocre, la bande-son se révèle en outre d’intérêt musical inégal: bien davantage qu’un Florestan léger ou une Leonore au timbre ingrat, ou même que la direction nerveuse de Fritz Lehmann, qui devait disparaître prématurément quelques mois plus tard, on retiendra la sobriété de Heinz Rehfuss en Pizarro et on relèvera la présence du jeune Kurt Equiluz dans le rôle du premier prisonnier. Très instructive, mais hélas seulement en anglais et en allemand, la notice éclaire les conditions d’élaboration ainsi que l’accueil à l’Est comme à l’Ouest de cette tentative originale, quoique pas toujours aboutie, de «filmopéra» avant l’heure, révélatrice de son époque, tant en termes esthétiques que politiques: la première projection publique de cette «lutte contre la tyrannie et le despotisme» (Eisler) conçue par deux des personnalités emblématiques de la RDA eut lieu le 28 juillet 1956, quelques semaines avant la répression de l’insurrection de Budapest.
Simon Corley
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