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11/08/2009 Arnold Schönberg : Pelleas und Melisande, opus 5
Gustav Mahler : Symphonie n° 4
Juliane Banse (soprano), Gustav Mahler Jugendorchester, Claudio Abbado (direction)
Enregistré en public dans la grande salle du Musikverein de Vienne (24-25 avril 2006) – 113’
DVD Medici Arts 2055488 – Notice de présentation en français, anglais et allemand
On ne gagne pas à tous les coups… même avec un joker comme Claudio Abbado. Si ce DVD, pourtant superbement présenté, n’est pas une totale réussite, c’est d’abord et avant tout en raison d’un orchestre trop timide. Cette critique surprendra lorsque l’on sait que l’Orchestre des Jeunes Gustav Mahler, dont la notice précise qu’il est «aujourd’hui considéré comme le meilleur orchestre de jeunes au monde», est composé de musiciens âgés de vingt-six ans au plus. Alors qu’on pourrait s’attendre à un surcroît d’énergie et d’allant, l’interprétation reste toujours en retrait, parfois routinière sinon anesthésiée. Le contraste ne saurait être plus grand avec l’Orchestre des Jeunes Simon Bolivar du Venezuela, par exemple (voir ici, ici ou ici) !
Dans le présent DVD, les Jeunes Gustav Mahler manifestent davantage des qualités de sérieux et de professionnalisme que d’investissement dans les œuvres, d’enthousiasme collectif et de bonheur à faire de la musique. On s’ennuie ferme à regarder et à entendre ce terne Pelléas et Mélisande (1903) de Schönberg, où les instrumentistes répondent trop sagement à la mise en place impeccable du chef : si l’orchestre franchit admirablement les redoutables obstacles de la partition, l’interprétation, non exempte de lourdeurs (notamment chez les cordes), peine à décoller. Le résultat est appliqué, parfois impeccable, mais presque toujours lisse et en définitive peu marquant : il y manque la vie et le feu d’un Barbirolli (EMI), l’impression de fin du monde d’un Karl Böhm (DG)…
Au demeurant et malgré ses indéniables qualités, l’Orchestre des Jeunes Gustav Mahler, en faisant le choix d’interpréter le compositeur dont il porte le nom, ne saurait rivaliser en DVD avec l’Orchestre du Festival de Lucerne, qui, associé au même chef dans le même répertoire, lui fait presque de la concurrence déloyale ! La Quatrième symphonie (1900) de Mahler trouve pourtant les musiciens plus à leur aise ; mais l’on s’y ennuie tout autant que dans Schönberg. La mise en place trop lente du premier mouvement oblige à attendre plusieurs minutes pour que l’on ait le sentiment d’entendre une symphonie de Mahler plutôt que de Haydn, pour que l’on trouve des accents tranchés et caustiques, pour que les instrumentistes s’engagent franchement et abandonnent l’exécution proprette dans laquelle ils paraissaient s’engager. La tension retombe néanmoins fréquemment, à l’image d’un Scherzo plombé par un corniste fort paresseux et un violon solo bien anonyme.
Claudio Abbado a-t-il jamais raté le Ruhevoll de cette symphonie ? On retrouve, dans le troisième mouvement, cette évidence absolu des tempos et des nuances, ce refus définitif de l’extériorité au profit d’une déchirante sérénité de ton, qui font le prix des interprétations du chef italien dans Mahler… jusqu’au jaillissement du lumineux tutti final. L’hétérogénéité de la performance des bois (légers défauts de justesse et de longueur) et surtout des cordes (problèmes d’homogénéité, difficulté à soutenir la densité de la phrase musicale) en altèrent néanmoins la magie. Quant au lied final, le timbre sec et mat de Juliane Banse (… en total contraste avec une robe excentrique aux reflets orangés) lui permet une intelligente mise en valeur du texte de Das himmlische Leben, qui fait oublier par moments un phrasé empreint de rudesse et un grain de voix passablement étouffé.
Le point fort de ce DVD réside dans le soin éditorial apporté à un livret intelligemment commenté (par Elli Stern) et à un objet particulièrement pédagogique. L’exécution de Pelléas et Mélisande est, en effet, précédée par une introduction d’un quart d’heure, aussi descriptive qu’habilement informative, au cours de laquelle la pièce de Maeterlinck est présentée et la partition de Schönberg analysée. L’ensemble est agrémenté d’illustrations sonores (des extraits musicaux) et picturales (des images ou des œuvres de Lacombe, Fabry, Delville, Redon, Kokoschka, Klimt, Munch, Schiele ou encore Schönberg lui-même) toujours pertinentes. Le documentaire se veut comme un outil pratique dont le prolongement est le concert d’Abbado, au cours duquel des bandes de couleur permettent de repérer, tout le long du Pelléas, les thèmes musicaux et leurs récurrences. Une idée judicieuse que Medici Arts aurait raison d’explorer.
Le site de Juliane Banse
Gilles d’Heyres
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