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09/21/2009
Ars Mediterranea

Ensemble Speculum
Enregistré à Madrid (2007) – 64’11
Disque Openmusic M-26772-2008 (distribué par Intégral) – Pas de notice de présentation






Que l’auditeur ne se laisse pas impressionner (voire dégoûter) par la couverture de ce disque qui, pour une raison que l’on a du mal à comprendre au regard du programme proposé, représente un dessin de poisson aux couleurs verdâtres que l’on pourrait croire tiré d’une planche anatomique d’un lointain prédécesseur de Buffon... La musique qu’il nous est ici donné d’entendre n’a rien de froid et adopte, au contraire, des timbres chaleureux puisés tant en Espagne qu’en Italie ou en Orient. Signalons immédiatement que, si la majorité des œuvres présentées dans ce disque sont anonymes (dix sur dix-huit), ce constat ne pose, contrairement à d’autres situations, aucun problème puisque ces pièces sont avant tout affaire de sonorités, d’atmosphères et de ressenti.


Dès les premières notes lâchées par les vihuela de mano (sorte de luth joué à la main à la manière d’une guitare) et la flûte d’Ernesto Schmied, rythmées par le tambourin tenu tout au long de ce disque par Serguei Sapricheff, l’esprit voyage : la voix masculine du ténor José Hernández, fort agile dans les aigus, nous berce d’une douce mélopée propre à nous transporter à Cadix ou à Cordoue. Le second morceau, également anonyme du XVe siècle, s’inscrit dans la même veine que le précédent même si, cette fois, seuls les instruments interviennent dans de légers tourbillons qui enivrent aussi bien le musicien que l’auditeur. La quatrième pièce, Laudamus Virginem, plonge quant à elle directement ses racines dans le Moyen-Age puisque le chant inaugural (confié à l’alto et au ténor Lambert Climent) est tout à fait comparable aux chants religieux que l’on pouvait entendre aux XIIe et XIIIe siècles ; à titre anecdotique, on ne manquera pas de rapprocher l’accompagnement de la flûte et du santur (instrument à percussion qui remonte vraisemblablement aux lointains temps assyriens) des sons qui peuvent exister encore aujourd’hui dans la musique orientale, notamment au Japon ou en Chine. On écoutera également avec plaisir la cinquième pièce, Mariam Matrem, où les plaintives vihuela de mano répondent harmonieusement à l’alto dont la voix recueillie s’avère de toute beauté. L’Inperayritz qui suit fait intervenir pour la première fois les vihuela de arco, c’est-à-dire les vihuela jouées non plus à la main mais à l’archet, la parenté avec la viole étant ici tout à fait évidente. A l’image de ce que pourra composer quelques décennies plus tard le talentueux Mateo Flecha (1481-1553) avec néanmoins plus de recherche et d’imagination, ce morceau virtuose pour deux voix masculines et flûte à bec est magnifique : doucement déclamé, le thème sert ensuite de base à de multiples variations où domine une joie assombrie de temps à autre par quelques accents mélancoliques.


Un des principaux compositeurs illustrés dans ce disque (et dont le nom soit parvenu jusqu’à nous) est un certain Francesco Landini (1325-1397), organiste, luthiste, chanteur, qui fut notamment couronné poète à Venise en 1364 par le roi de Chypre et qui, jusqu’à sa mort, sera titulaire des orgues de l’église San Lorenzo à Florence. Aux accords pincés de la vihuela succèdent plusieurs morceaux où la musique se veut tantôt galante (Adiu, adiu dous dame), tantôt champêtre (Chosi pensoso), tantôt festif (Ecco la primavera) : la diversité des timbres, quand bien même la mélodie serait assurée par un seul et même instrument, témoigne de l’importance primordiale de l’interprète qui doit laisser une large part à l’improvisation. La lecture seule et littérale de la partition ne suffit pas ici : elle n’est que le prétexte à laisser la musique s’épanouir là où elle le souhaite. Citons également le nom de Johannes Ciconia (1370-1412), illustré dans ce disque par le bref Quod jactatur, pièce que l’on pourrait croire composée en ce début de XXIe siècle si la flûte et une vihuela n’intervenaient également, tant les percussions peuvent faire penser à une œuvre contemporaine dont l’inspiration serait notamment héritée du jazz. Enfin, on écoutera le beau Ricercar 3 de Francesco Guami (1544-1602), compositeur à la cour de Munich de 1568 à 1580 qui s’est ensuite établi en Italie (Lucques et Venise notamment) et dont le frère, Gioseffo (1540-1612), était également un musicien accompli. Apaisée et nonchalante, incarnée par une vihuela de arco et une flûte, cette dernière pièce oscille de nouveau entre l’écriture parfaitement travaillée et l’improvisation des musiciens, décidément un des traits saillants de ce répertoire encore très largement méconnu.


Le site de l’Ensemble Speculum


Sébastien Gauthier

 

 

 

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