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09/08/2009 Franz Liszt : Tasso, Lamento e Trionfo – Les Préludes – Mazeppa – Orphée
Dresdner Philharmonie, Michel Plasson (direction)
Enregistré à Dresde (1994) – 63’12
Berlin Classics Basics 0I86022BC (distribué par Intégral)
Berlin Classics réédite dans la série «Basics» quatre poèmes symphoniques (n°s 2, 3, 4 et 6) de Liszt captés en 1994 lorsque Michel Plasson était chef invité de la Philharmonie de Dresde. Par la suite en 1995, alors qu’il était devenu le chef principal de la formation, Michel Plasson en confia encore trois à la gravure (n°s 1, 5 et 7). En si bon chemin, on peut regretter que cette collaboration n’ait pas abouti à une intégrale à l’instar de Kurt Masur et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig ou de Bernard Haitink et l’Orchestre philharmonique de Londres, par exemple, mais peut-être a-t-il préféré s’en tenir aux plus célèbres des treize. Plasson dirige l’orchestre avec son habituel sens de l’équilibre qui confère une grande clarté à l’ensemble, la touche parfois opératique du chef français ne nuisant en rien à ces poèmes dramatiques, lyriques, souvent emportés et hauts en couleur qui, pour certains, sont parfois encore proches d’une ouverture d’opéra, déjà proches de celles de Wagner à venir, proches, en tout cas, de l’esprit des ouvertures de Schumann. (Curieusement, les deux premières ouvertures de Mendelssohn, largement antérieures, restent de véritables poèmes symphoniques avant la lettre).
C’est en présentant Tasso, Lamento e Trionfo au public weimarien que Liszt eut recours pour la première fois au terme «poème symphonique», terme de son invention qu’il appliqua aussitôt à ses Préludes encore en cours de composition. A Weimar, on devait reprendre, dans le cadre de la célébration du centenaire de la naissance de Goethe, la pièce Torquato Tasso. Liszt eut l’idée d’une ouverture mais le personnage et la poésie l’emportèrent et c’est le poème «Lament of Tasso» de Byron qui inspira à Liszt ce premier poème symphonique en nom (le premier du compositeur restant la Bergsinfonie) dont le thème principal est déjà un leitmotiv. Sans pour autant escamoter le certain panache nécessaire, Plasson lui conserve toute son expressivité romantique, sa mélancolie délicate et sa noblesse chargée d’émotion.
«Notre vie est-elle autre chose qu’une série de préludes à ce chant inconnu dont la mort entonne la première et solennelle note?». C’est le poème «Les Préludes» de Lamartine qui est à la racine de l’œuvre de Liszt et qui lui prête son titre. Si la vie n’est que prélude à la mort, le poème symphonique de Liszt en glorifie néanmoins toute la valeur et toute la splendeur dans une vive évocation aux climats changeants, héroïques, romantiques, intenses, troubles et tendres. L’orchestration est somptueuse. Michel Plasson obtient de son orchestre une relative transparence toute française, les timbres finement exaltés, la douceur exemplaire, les tourbillons combatifs et la passion intacte.
La touche opératique du chef français vient servir tout à propos l’épopée du cosaque Mazeppa, personnage haut en couleur dont les drames et les tourments, la déchéance et le triomphe se prêtent admirablement à une évocation orchestrale à commencer par la chevauchée initiale au rythme précipité des cordes en furie. L’orchestre, concentré, soigne le moindre détail de cette partition contrastée créant une suite d’images fugitives qui se posent et s’évanouissent sur les lignes conductrices du récit, les couleurs intenses, les rythmes marqués, la tension permanente. Plasson obtient de ses musiciens une subtilité de bon aloi pour le panneau central du triptyque, tableau de dénuement et de désolation extrêmes que les différents groupes orchestraux irisent avec sensibilité et soin.
Le mythe orphique inspire le poème le plus court de la sélection auquel la Philharmonie de Dresde consent la tendresse mélancolique exigée sans tomber dans le piège d’un épanchement excessif. Michel Plasson accorde tellement d’importance au détail instrumental que la clarté du propos en livre plutôt les nuances délicates et toute la finesse lyrique des élans successifs, fluides, ailés, et alanguis, mais avec une tension sous-jacente toute wagnérienne. Orphée clôt le programme avec grâce.
La qualité de la prestation et le prix attractif de l’enregistrement permettent au mélomane de compléter ou d’étoffer avec satisfaction une collection déjà vaste et au novice d’établir les bases d’une solide discothèque classique mais pour ce dernier il est certainement regrettable que le disque ne soit accompagné d’aucune notice.
Christine Labroche
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